Gaël Giraud, Cécile Renouard, Le facteur 1. Pourquoi il faut plafonner les revenus.

Carnets Nord Éditions Montparnasse, 2012, 224 p.

Pierre Saglio

Bibliographical reference

Gaël Giraud, Cécile Renouard, Le facteur 1. Pourquoi il faut plafonner les revenus. Carnets Nord Éditions Montparnasse, 2012, 224 p.

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Pierre Saglio, « Gaël Giraud, Cécile Renouard, Le facteur 1. Pourquoi il faut plafonner les revenus. », Revue Quart Monde [Online], 225 | 2013/1, Online since 01 September 2013, connection on 28 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7750

Gaël Giraud est un économiste chevronné, chercheur au CNRS et prof à l’ESCP. Cécile Renouard est philosophe, enseignante à l’Ecole des Mines de Paris. Ils sont l’un et l’autre religieux. Leur livre s’appuie sur ces deux registres : une démonstration économique rigoureuse et une réflexion éthique et philosophique sur un choix de société structurant : le plafonnement des revenus. C’est un plaidoyer très argumenté en faveur d’une limitation de l’écart relatif des revenus (cumulés du travail, du patrimoine et de l’épargne) des ménages français de 1 à 12.

Un plaidoyer en quatre éléments :

Premier élément :

« Nous ne connaissons aucune justification analytique convaincante des écarts de revenus actuellement observés. »

- Les écarts de salaires ont littéralement « explosé » ces vingt dernières années et ne cessent d’augmenter. « La très rapide augmentation des inégalités de salaires des 20 dernières années a fortement participé à l’augmentation des inégalités de revenus » (ex. « les trois patrons le plus riches gagnent chacun 20 000 fois le SMIC »).

L’écart (de l’ordre de 13 millions) en matière de patrimoine est vertigineux. « Les 11 Français les plus riches détiennent à eux seuls un patrimoine égal à celui des 20 millions de Français les plus pauvres. »

Deuxième élément :

« L’accroissement des inégalités économiques est en partie responsable des grands déséquilibres économiques de la planète. Elle fait gonfler les dettes privées et publiques de façon insoutenable. »

- Le système financier devenu purement spéculatif permet que certains ne cessent de s’enrichir en aggravant le poids de la dette.

- Dans les pays européens (en France, par une loi de 1974) on a décrété « l’indépendance » des banques centrales pariant sur le libéralisme qui considère que les investisseurs sur les marchés financiers sont plus « raisonnables » que les élus et responsables politiques. « La conséquence de cette loi d’indépendance est que les États sont condamnés à se financer auprès des créanciers privés et de se soumettre aux conditions dictées par les propriétaires de titres financiers. »

- Les politiques d’austérité imposées actuellement en Europe nous emmènent dans le mur et la réduction des inégalités, au bout du compte, « pourrait bien constituer une condition (nécessaire quoiqu’insuffisante) d’une prospérité retrouvée. »

- On ne cesse d’appeler à l’équilibre des comptes publics mais qui pose la question de savoir à qui on devrait payer la dette, qui sont les créanciers des dettes publiques ?

Troisième élément :

« L’explosion des revenus d’un tout petit nombre (le centile le plus favorisé de la population) induit de la part des bénéficiaires un mode de vie extrêmement énergivore et destructeur de l’écologie planétaire. »

- La mutation vers un style de vie moins énergivore et un système économique respectueux des équilibres écologiques est une nécessité absolue, incontournable pour la survie de la planète. Nous devons engager un énorme chantier de mutation de nos économies et de nos modes de vie vers « des économies décarbonées ». L’Europe peut et doit en être le moteur et le leader pour le monde. Un tel projet nécessite un volontarisme politique et économique justifiant le plafonnement des revenus.

Quatrième élément :

« Une société moins inégalitaire est plus démocratique car elle facilite l’accès au débat démocratique du plus grand nombre tandis qu’elle réduit l’une des sources importantes du sentiment d’injustice et de la défiance qui, aujourd’hui, découragent beaucoup d’Européens. »

- Longue réflexion plus philosophique sur le lien entre démocratie et inégalités, sur ce que les inégalités cassent dans le lien social, sur un choix de réduction des inégalités relative qui fait que tous, y compris les plus riches, ont intérêt à ce que les revenus des plus pauvres progressent, sur le choix de l’impôt comme outil de plafonnement et de redistribution.

« Diminuer les écarts de revenus permet de redonner plus de poids à d’autres champs dans les comparaisons interpersonnelles. »

Cette réflexion s’appuie explicitement sur « l’égale dignité » de tous pour promouvoir une société qui casse l’inégalité des revenus.

Et maintenant, comment fait-on ?

Pour mettre en œuvre cette limitation des écarts de revenus, les auteurs prennent trois options complémentaires :

- Une réforme profonde de la fiscalité en s’inspirant des thèses de Thomas Picketti.

« Mettre en place une fiscalité progressive et confiscatoire pour les très hauts revenus ».

- Utiliser les ressources ainsi dégagées pour financer la transition vers une économie décarbonée.

- Un débat national sur cette question, débat civique et politique.

« Notre conviction, c’est que d’un tel dialogue, appuyé sur la recherche d’une réduction des inégalités matérielles, pourrait naître un foisonnement d’initiatives et d’aventures individuelles et collectives, porteuses de vie et pleines de sens. »

CC BY-NC-ND