Au mois d’octobre 2016, Laurent Grzybowski1 est venu donner un concert pour les personnes détenues de la prison de Leuze. Déjà, des détenus musiciens ont pu l’accompagner sur ses propres chansons. C’est ainsi, qu’ensemble, ils se sont pris à rêver : écrire et composer une chanson.
En 2017-2018, Laurent Grzybowski revient trois après-midi à la prison pour animer des ateliers d’écriture de la chanson avec une dizaine de personnes détenues. Entre chaque atelier, beaucoup de travail s’est aussi réalisé en cellule. Ensuite, accompagnés d’un technicien, ils ont enregistré la chanson avec tous les détenus présents.
Pour les personnes détenues, écrire un peu de leur vécu c’est oser autant parler de leurs souffrances que de leur volonté d’un avenir meilleur dans la société. Il s’agit d’un réel travail collectif sur eux-mêmes qui prend le sens de la « réinsertion », de la « réparation », de la « reconstruction » et de la fraternité. Ils ont ainsi désiré partager avec le monde extérieur, leurs familles et leurs connaissances ce qu’ils vivent au quotidien dans leur cœur, dans leur tête, dans leurs tripes...
Un CD2 a été édité, pour traverser les murs et reconstruire les liens indispensables au retour de chacun à une vie libre et responsable. Plus de 500 exemplaires de cette réalisation unique ont été édités : de quoi semer largement le message !
Quelques échos en direct de la prison de Leuze
À travers cette chanson, les personnes détenues ont voulu exprimer avant tout ce qui les touche, ce qu’ils vivent derrière les murs, ce qu’ils aimeraient dire à leur famille (voir les paroles dans l’encadré).
Ahmed, en lien avec le couplet 1 et 2, nous confie que les enfants sont très touchés par la détention, bien souvent ils n’arrivent pas à comprendre, ce sont des affaires d’adultes. Et en même temps, « beaucoup d’entre nous sont délivrés par la paternité ». Ce sont des « anges » qui nous tirent vers l’avant !
Cédric rebondit sur le couplet 5 en disant que bien souvent nous ne pouvons rien dire sinon nous sommes punis et pourtant « nous ne sommes pas des chiens ».
Wilfried est touché par le couplet 6 qui nous parle de « liberté qui est un combat au fond du cœur ». Nous pouvons être libres au fond du cœur en étant en prison et être prisonniers au fond du cœur en étant hors d’une prison. Et comme le dit le couplet, « nous cherchons tous le vrai bonheur ». Cela nous rejoint entre dedans et dehors les murs. Le bonheur que le chrétien est amené à vivre le pousse vers l’acceptation de ce que je suis, tel que je suis, vers l’autre, vers le pardon. Dieu nous y aide.
Fiorentino aime particulièrement le couplet 9 qui nous relie aux autres personnes isolées. C’est la même galère, la même tristesse. Chacun peut prier l’un pour l’autre.
Cette expérience avec Laurent Grzybowski fut un moment important : chercher et assembler les mots, travailler sur le rythme et les pieds, retourner en cellule pour écrire, se revoir pour avancer sur le texte, enregistrer avec les casques, les micros…, et surtout « pouvoir dire ce que nous vivons ici ». Chacun est fier de l’aboutissement de ce projet3.
Françoise vient par ailleurs animer bénévolement une fois par mois un atelier chant avec les détenus. « Quand on chante, on donne sa voix, ça veut dire la liberté », « Quand on chante, on a un sentiment d’évasion ».
Refrain :
Pour faire tomber nos chaînes / Et dépasser les haines / Il n’est jamais trop tard
Gardons toujours espoir / Avec toutes nos défaites
Ça tape fort dans nos têtes / Abattons tous nos murs / Pour un autre futur
1. Comment porter en nous l’Amour / Celui blessé de notre enfance
Il y a en nous une innocence / Qui laisse entrer un nouveau jour
2. Quand nous pensons à nos enfants / Nous devenons de vrais parents
Ils sont nos anges de délivrance / Ils sont géants dans la confiance
[...]
5. Quand on se sent abandonné / Et que personne ne nous écoute
Nos émotions sont quintuplées / Nous n’savons plus où va la route
6. La liberté est un combat / Une aventure au fond du cœur
Par la musique et par nos voix / Nous cherchons tous le vrai bonheur
[...]
9. Derrière les murs et les verrous / On n’est pas seuls à être seul
Il y a dehors d’autres galères / Qui nous invitent à la prière