Ixchel Delaporte. Les raisins de la misère

Éd. La Brune au Rouergue, 2018

Catherine Cugnet

p. 61-62

Référence(s) :

Ixchel Delaporte. Les raisins de la misère. Une enquête sur la face cachée des châteaux bordelais. Éd. La Brune au Rouergue, 2018, 169 p.

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Référence papier

Catherine Cugnet, « Ixchel Delaporte. Les raisins de la misère », Revue Quart Monde, 253 | 2020/1, 61-62.

Référence électronique

Catherine Cugnet, « Ixchel Delaporte. Les raisins de la misère », Revue Quart Monde [En ligne], 253 | 2020/1, mis en ligne le 01 mars 2020, consulté le 19 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8475

« Une plongée au cœur dun territoire emblématique de notre identité française et de ses inégalités. » Tout le propos est résumé dans cette dernière phrase de la 4e de couverture du livre. L’auteur, une jeune journaliste, a sillonné le bordelais pendant près d’un an ; elle a reçu les témoignages des travailleurs indispensables à la production de produits luxueux, vantés et recherchés dans le monde entier… Sa découverte est affligeante : « En superposant la carte du couloir de la pauvreté avec celles des grands crus, la correspondance est évidente : les points les plus élevés de chômage et d’allocataires du RSA se fondent avec nos meilleurs vignobles, notre plus beau terroir… »

Vingt et un petits chapitres de quelques pages, ancrés chacun dans une partie du terroir ; récits de vie, portraits, descriptions de villages dénaturés par l’existence de crus dont l’image compte plus que tout. L’auteur aurait souhaité avoir le point de vue de gros viticulteurs qui n’ont bien souvent pas répondu à sa demande.

Le travail de la vigne a toujours nécessité l’emploi de saisonniers : toujours indispensables sur place pour un travail dur mais de plus en plus traités comme indésirables dans l’environnement et la vie quotidienne, mal logés par des marchands de sommeil pour certains, refoulés hors de la vue des touristes qui se pressent dans les lieux mythiques des crus prestigieux…

L’auteur alerte aussi sur les pratiques de certains pour vendre des vins de bas de gamme en profitant du renom de la région, accoutumer les jeunes à la consommation d’alcool, faire reculer les législations qui risqueraient de compromettre l’accroissement des gains au besoin en suscitant les reniements des politiques.

Bien sûr, Ixchel Delaporte a rencontré des viticulteurs « à l’ancienne », qui vendangent à la main, et élèvent la vigne sans pesticide ; ceux-là placent cette fierté au-dessus de toute richesse. Mais ce ne sont pas eux qui profitent du soutien de l’UE ni des transactions incessantes, ni des survols de surveillance par hélicoptère.

L’épilogue apporte une petite touche d’espoir quant à la reconnaissance de la toxicité des produits utilisés pour traiter la vigne et dont les habitants, vignerons ou pas, seront les premières victimes. Petite avancée aussi avec la préconisation de construction de foyers de travailleurs pour loger les saisonniers… Ce vœu fait suite à un rapport sur le travail saisonnier réalisé par le Syndicat mixte Pays Médoc. Espoir aussitôt tempéré par l’auteur : « Le chemin sera long pour y parvenir. Car les blocages seront difficiles à surmonter ».

Catherine Cugnet

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