Marie-Thérèse Guillaume, Du pain le vendredi

Fayard, Paris, 1981, 234 pages

Monique Rogard

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Marie-Thérèse Guillaume, Du pain le vendredi, Fayard, Paris, 1981, 234 pages

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Monique Rogard, « Marie-Thérèse Guillaume, Du pain le vendredi », Revue Quart Monde [En ligne], 137 | 1990/4, mis en ligne le 01 juin 1991, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8713

Un gamin de dix ans, n’ayant pas la langue dans sa poche, nous fait vivre son immeuble : gens démunis, de diverses nationalités et races.

Certains logements sont surpeuplés. Ni eau, ni gaz, mais des rats à tous les étages que les locataires se partagent ainsi que l’unique W.C. du rez-de-chaussée et la fontaine un peu plus loin. Immanquablement, chez Didi, le vendredi, veille de paye, il n’y a plus d’argent et il va en emprunter. Argent qu’Ida, sa belle-mère qu’il aime beaucoup, rend toujours ! Il ne s’était pas aperçu qu’ils étaient pauvres avant qu’on le lui fasse savoir à l’école… Il prend vite conscience de beaucoup de choses, comme la « décrépitude » de la grand-mère : aucun détail ne nous est épargné mais cela aussi est une maladie, ainsi que la laideur « dernier malheur qui puisse arriver à une femme qui ne possède déjà pas de temps à elle » et description des « séances de beauté » que les voisines se font entre elles. Cela aide le moral sinon…

« Il ne reste plus qu’à enfouir ses désirs dans un trou : c’est mieux que de mettre la radio très fort pour peupler la solitude. Au moins cela n’empêche pas les voisins de dormir et on est tranquille. C’est que le mal du dedans est le pire de tous. On ne sait pas le guérir parce que l’on ne le voit pas mais la deuxième fois qu’on fait la même opération, c’est plus dur parce que les désirs ont grandi entre-temps. »

Beaucoup de bon sens et d’humour, même quand Didi ne sait pas « comment soigner ses bleus à l’âme » après le départ des petits voisins à l’assistance ; dans sa révolte, son désir d’être « majoritaire » pour faire disparaître le malheur quand il voit sa voisine tailler des marionnettes dans des pommes : elle a un refus de visite pour ses quatre enfants car « mère indigne. » « Il faudrait que ceux qui sont forts portent sur eux le malheur des autres. »

Mais là où il « attrape un coup de vieux » c’est à la mort de sa petite sœur renversée dans l’escalier par un chien qui courait après un rat : « marre de l’immeuble, de tout le monde, ça m’écrasait et me foutait en rogne. Je ne comprenais pas du tout pourquoi dans la vie rien ne marchait comme on voulait. Je ne croyais plus en rien, ni en personne. » Plein de tendresse quand il reste assis à côté de Ida qui pense à sa petite fille morte, lui tenant la main en silence ou « trouvant des qualités à dire de sa petite sœur » et puis, coup d’arrêt après une parole « malheureuse. » Il reste sans bouger « à attendre qu’elle ait à nouveau besoin de lui car les mots, c’est comme les pierres, c’est seulement quand on les lance qu’on voit si ce sont les bons et on sait jamais comment ils vont retomber. » « C’était mieux quand Ida réfléchissait tout haut : on était au courant du chemin qu’elle prenait et on savait si elle était en état de grâce ou de revendication ! »

Il se posait des questions quand une dame d’œuvre avec fourrure et diamant venait apporter des bons de charbon à une voisine et demandait pourquoi piano et trompette n’étaient pas vendus : « Elle ne comprenait donc pas que c’était le soleil et que cela valait plus que la nourriture ! » Mais voilà, son voisin lui avait expliqué : la vie, c’était comme une commode avec plein de tiroirs. Les gens riches dans ceux du dessus, les pauvres dessous et tous les autres aux étages intermédiaires

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