Les contributions non reconnues

Participants à l’Université populaire Nouvelle Aquitaine

p. 28-30

References

Bibliographical reference

Participants à l’Université populaire Nouvelle Aquitaine, « Les contributions non reconnues », Revue Quart Monde, 265 | 2023/1, 28-30.

Electronic reference

Participants à l’Université populaire Nouvelle Aquitaine, « Les contributions non reconnues », Revue Quart Monde [Online], 265 | 2023/1, Online since 01 September 2023, connection on 03 December 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10958

L’Université populaire Quart Monde Nouvelle Aquitaine s’est réunie le samedi 7 mars 2020 à Villeneuve-sur-Lot (France). Les participants ont échangé sur le thème Les Contributions non reconnues (l’une des neuf dimensions cachées de la pauvreté1).
Nous reproduisons ici quelques extraits de leurs échanges, destinés à cerner le sujet.

Nous avons commencé par définir le mot contribution car il n’avait pas la même signification pour tous. La première chose qui vient à l’esprit, c’est l’aspect monétaire. En effet, on relie le mot à l’idée de participation financière au fonctionnement de notre pays, mais certains d’entre nous ont donné une tout autre direction à la définition que nous avons élaborée ensemble. Pour Maria (Bordeaux) c’est une question de partage de savoir, pour Imène (Villeneuve-sur-Lot), c’est apporter sa touche. Contribuer veut aussi dire faire du bénévolat (Fernand, Bordeaux) ou porter secours (James, Libourne). Martial (Rochefort) nous fait remarquer ceci :

« Mais il faut déjà faire le premier pas pour vouloir aller faire des choses. Les compétences s’acquièrent petit à petit comme dans le travail par exemple. Tu allais dans une usine, tu ne connais pas le boulot. Les gars vont te montrer. Et toi tu vas commencer à travailler et un jour c’est toi qui vas montrer aux autres. Donc la compétence elle vient petit à petit aussi. Par l’expérience ».

Notre définition

Finalement, nous avons construit notre définition.

Contribution = Participation à la vie de la communauté afin d’en améliorer le quotidien, de trouver des solutions collectives à un problème donné, d’apporter et de partager un savoir avec le plus grand nombre.

À partir de là, nous avons listé les compétences qui ont un lien avec le quotidien des militants, elles-mêmes divisées en deux groupes :

  • Les compétences manuelles : coudre, tricoter, réparer/dépanner (meubles, électroménager, informatique,…) peindre, cuisiner, secourir quelqu’un s’il y a un accident,…

  • Les compétences intellectuelles : écouter, prendre la parole, réfléchir ensemble, « faire la psy », remonter le moral, s’orienter dans la complexité des administrations et institutions,…

Nous étions partis du postulat qu’une compétence était liée au travail, mais en fin de compte, notre réflexion collective nous a fait comprendre qu’il n’est pas forcément question de rémunération.

Joëlle (Bordeaux Bacalan) nous dit : « Je pense que la compétence, elle vient par l’expérience et qu’il faut effectivement beaucoup partager autour de nous ». Ce partage, les personnes qui vivent dans la pauvreté en ont fait un mode de fonctionnement. Ce n’est d’ailleurs pas la seule chose : il y a aussi le Système D comme l’a dit Frédéric (Libourne) : « Bien, moi j’appellerai ça la compétence de survie, parce que en fait quand on est face au mur, on n’a pas le choix de se donner les compétences… »

Il y a donc une volonté d’apprendre pour s’en sortir qui est moteur d’apprentissage de toutes ces compétences acquises ; ce moteur est la difficulté rencontrée quotidiennement par les personnes qui vivent la pauvreté.

Comment ces compétences et connaissances ont‑elles produit un effet positif pour la communauté ? Comment ont‑elles apporté une contribution ?

L’expérience de Dominique (Limoges) nous montre que les compétences des plus pauvres peuvent être repérées par les services communaux et servir à toute la communauté, comme Alexandre le souligne :

« (…) Je trouve intéressant cet exemple parce qu’on part de la connaissance que tu as, toi, d’un type qui a cette compétence de recycler du carton et puis tu te fais approcher par un service communal qui dit : “ben nous on va démarrer quelque chose là‑dessus” (…) ».

James (Libourne) évoque l’activité de son fils (Frédéric, Libourne) qui retape des ordinateurs en panne gratuitement. Puis nous échangeons autour des sites de vêtements d’occasion. Ces pratiques répandues quand on n’a pas beaucoup d’argent ont été récupérées pour la plupart par des entreprises qui aujourd’hui les monnaient et en font le fer de lance de la lutte pour l’écologie : réparer, donner, revendre, recycler, plutôt que jeter. Cela fonctionne autant avec les biens qu’avec les denrées périssables. Gisèle (Bordeaux) :

« Je suis très étonnée, car dans les milieux les plus pauvres c’est cette générosité de cuisiner, avec tout ce qu’on peut trouver. Il y a de la générosité, de la créativité, du recyclage, on ne gaspille pas et en plus on partage ».

Après la construction de cette définition et ces échanges autour des compétences et contributions, les participants sont répartis en trois groupes afin de réfléchir et d’approfondir les thèmes retenus.

— Pourquoi est-ce important que ma contribution soit reconnue ? En quoi j’ai l’impression que c’est important pour moi ? En quoi j’ai l’impression que c’est important pour les autres ?

Frédéric (Libourne) : « Pour répondre à la question, c’était “de la joie, on se fait du bien, se sentir utile, faire à sa mesure et avancer dans ses compétences pour s’en sortir, se sentir vivant et bien avec les autres, ça éveille de nouvelles possibilités, pour suivre sa passion” ».

— Qu’est-ce qui me montre que ma contribution est reconnue ?

Patrick (Villeneuve) : « Nous, on a pensé surtout à l’entraide et à la revalorisation, et dans tout ça avec des “merci” et des sourires. On est revalorisés aussi quand on fait appel à nous, donc on reconnait nos compétences, nos compétences manuelles, ou par le bouche-à-oreille. On a parlé aussi de la famille qui nous fait confiance, dans l’accompagnement des enfants, dans les actions des parents. On a remarqué qu’il y avait beaucoup de compétences différentes chez chacun de nous. Donc c’est difficile de les regrouper. On peut dire que dans l’ensemble, ce sont des compétences qui peuvent relever d’un savoir-faire manuel ou intellectuel, qui permettent de rebondir et de faire partie à nouveau de la société… »

UP Villeneuve-sur-Lot

UP Villeneuve-sur-Lot

© Murielle Molette

1 Pour plus d’informations sur cette recherche qui inspire ici le thème de l’Université populaire, voir la Revue Quart Monde N° 258, « Dévoiler les

1 Pour plus d’informations sur cette recherche qui inspire ici le thème de l’Université populaire, voir la Revue Quart Monde N° 258, « Dévoiler les dimensions cachées de la pauvreté », 2021/2. À retrouver sur le site : https://www.revue-quartmonde.org/10299

UP Villeneuve-sur-Lot

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© Murielle Molette

CC BY-NC-ND