Cynthia Fleury. “Ci-gît l’amer

Guérir du ressentiment. Paris. Gallimard. 2020

Daniel Fayard

Référence(s) :

Cynthia Fleury. Ci-gît l’amer. Guérir du ressentiment. Paris. Gallimard. Collection Folio Essais. 2020. 329 p.

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Référence électronique

Daniel Fayard, « Cynthia Fleury. “Ci-gît l’amer” », Revue Quart Monde [En ligne], 266 | 2023/2, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 24 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11097

Qu’est-ce que le ressentiment ? Si l’on s’en tient à la définition la plus simple et la plus courante donnée par les dictionnaires, c’est : « souvenir d’une injure, d’une injustice avec le désir de s’en venger ». Mais en lisant Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, professeur titulaire de la Chaire « Humanités et Santé » au CNAM et de la Chaire de « Philosophie à l’Hôpital » du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, on découvre de nombreuses facettes de ce « sentiment » si particulier, sa complexité et son universalité : il peut être individuel et collectif.

Son ouvrage est divisé en trois parties.

La première, intitulée « L’amer », décrit ce que vit l’homme du ressentiment. Il y est question d’amertume, de rumination, de mélancolie, de confrontation, de pathologie, de colère, de haine, d’isolement, d’humiliation, de honte, de mépris. Nous est aussi dévoilée l’épreuve de la cure analytique.

La deuxième partie, intitulée « Fascisme », part à la recherche des sources psychiques du ressentiment collectif. Prenant appui sur des auteurs comme Theodor Adorno et Wilhelm Reich, l’auteur montre à quel point l’antisémitisme par exemple repose sur un ressentiment qui « traverse tous ceux qui se laissent déborder par leurs pulsions et leur délire victimaire », « qui aspirent à être dirigés par celui qui leur donnera l’illusion de protection infantile dont ils ont besoin émotionnellement ».

La troisième partie, intitulée « La mer », en quête d’antidote au ressentiment, propose un chemin d’ouverture, de « déclosion », de décolonisation, en prenant beaucoup appui sur la pensée et l’expérience de Frantz Fanon. Pour lui, « le ressentiment est une colonisation de l’être ». « Tous ceux que la société a considérés comme inférieurs et qui ont donc toutes les raisons d’avoir du ressentiment doivent parvenir à s’émanciper de leur souffrance, à ne pas s’installer comme chez soi dans la répétition de la douleur » (Cf. Ci-gît l’amer). Mais cet affranchissement thérapeutique recommandé n’est pas suffisant : « chercher à soigner les individus sans chercher à soigner l’institution qui les soigne ni la société qui les entoure n’a que peu de sens ».

Une écriture parfois difficile à lire pour des lecteurs non familiers des concepts psychanalytiques, mais les réflexions de l’auteur relatives aux liens du ressentiment avec le fascisme et la colonisation sont très suggestives.

Retrouvez cette recension (et bien d’autres !) dans la bibliographie des Editions Quart Monde

Daniel Fayard

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