La France accueillera cet été le plus grand événement sportif à l’échelle mondiale : les Jeux olympiques et paralympiques.
Les bénéfices et bienfaits du sport ont été démontrés à de nombreuses reprises, qu’il s’agisse par exemple de santé, de développement personnel, d’intégration ou de transmission de valeurs.
C’est pour cette raison qu’au-delà de l’activité récréative ou ludique que le sport peut représenter pour certains, l’importance du sport a été formellement reconnue, avec l’affirmation d’un droit au sport. La Charte internationale de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport de l’UNESCO reconnaît à ce titre, comme droit fondamental pour tous, la pratique de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport.
Ce droit au sport est le droit de chacun et chacune de s’adonner à l’activité sportive et physique de son choix. Il permet de transcender les frontières ou les barrières, que ces dernières relèvent de l’âge, du genre ou du statut socio‑économique.
Composante majeure de la société, le sport est au cœur des communautés et rassemble autour de valeurs telles que le respect, l’égalité et l’équité, et constitue ainsi un excellent vecteur et outil de promotion des droits humains et des principes et valeurs démocratiques.
C’est avec cette conviction de l’importance du sport pour notre société que le Conseil de l’Europe a décidé il y a plus de 50 ans déjà d’œuvrer à la protection et au développement du sport.
Le Conseil de l’Europe étant l’organisation intergouvernementale (elle regroupe 46 pays) garante du respect des droits humains sur notre continent, c’est à la lumière de cette mission humaniste que l’organisation basée à Strasbourg travaille au développement des politiques et pratiques sportives, et à la promotion des droits humains dans et par le sport.
Un des textes phare du Conseil de l’Europe en matière de politiques du sport est la Charte européenne du sport2, qui consacre ce droit au sport, soulignant ainsi l’importance d’assurer l’égalité d’accès au sport pour toutes et tous. Mais ce droit peut-il réellement être exercé par toutes et tous, et quand tel n’est pas le cas, comment transformer les défis qui existent en opportunités ? Comment agir sur le terrain, au plus près de celles dont l’accès à une activité physique n’est pas forcément évident ? C’est ce que fait la Fondation Alice Milliat en soutenant des structures qui contribuent à encourager et faciliter la pratique sportive des femmes dans l’espace public.
La Charte européenne du sport : socle d’un sport inclusif
Au cœur de la Charte européenne du sport se trouve le principe de la promotion et de la sauvegarde du droit au sport pour toutes et tous.
La version initiale de la Charte date de 1992 mais elle a fait l’objet d’une révision en 2021 afin de demeurer un point de référence essentiel pour le développement du sport en Europe et appréhender au mieux les nouveaux défis auquel le sport est confronté.
La Charte, adoptée par le Conseil de l’Europe, souligne l’importance d’assurer l’égalité des chances dans le sport sans discrimination aucune, qu’il s’agisse de genre ou de statut socio-économique, ou à l’intersection des deux, les femmes et filles en situation de précarité économique.
« Article 10 – Droit au sport
1. L’accès au sport pour tous est considéré comme un droit fondamental. Tout être humain a le droit inaliénable d’accéder au sport dans un environnement sain, à l’intérieur et à l’extérieur des établissements scolaires ; le sport est essentiel pour le développement personnel et il joue un rôle majeur dans l’exercice des droits à la santé, à l’éducation, à la culture et à la participation à la vie de la communauté.
2. Aucune discrimination fondée sur la race, la couleur, la langue, la religion, le genre ou l’orientation sexuelle, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation n’est autorisée dans l’accès aux installations sportives ou aux activités sportives. »
Pour les femmes et les filles en situation de précarité économique, la Charte européenne du sport est un atout fort, plaidant pour leur inclusion et leur participation active aux activités sportives et d’éducation physique.
Outre la Charte européenne du sport, le Conseil de l’Europe a élaboré diverses normes visant à promouvoir spécifiquement l’égalité de genre, comme c’est par exemple le cas de la Recommandation (2015) sur l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport, ou dernièrement avec l’adoption de la Stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité de genre pour 2024‑2029.
Au moyen du projet conjoint de l’Union européenne du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne « Tous·tes ensemble : pour une plus grande égalité de genre dans le sport », la Division Sport du Conseil de l’Europe met un coup de projecteur sur la relative invisibilité des femmes dans le sport ainsi que sur le manque de sensibilisation au déséquilibre de genre dans le sport et aux questions qui y sont liées. En exposant ce déséquilibre, en le rendant visible et en l’illustrant au moyen de chiffres et indicateurs, le Conseil de l’Europe œuvre à l’atténuer et à le corriger progressivement.
De nombreux défis à relever
En dépit de ces cadres de référence et actions progressistes, la réalité reste que les femmes et les filles, et à plus forte raison celles qui sont en situation de précarité économique, continuent de faire face à des défis importants pour avoir accès à une pratique sportive. Les contraintes financières, le manque de ressources et les barrières culturelles entravent souvent leur capacité à s’engager dans des activités sportives.
Comment pouvoir honorer une adhésion, acheter l’équipement nécessaire et se déplacer, parfois à des dizaines de kilomètres, quand les ressources financières sont limitées et réservées à des dépenses de première nécessité ?
Comment pratiquer son sport quand autour de chez soi il n’existe aucune installation ni infrastructure sportive adéquate, et que l’absence d’espaces sûrs et accessibles pour l’activité physique est criant ? À cela s’ajoute souvent un accès limité à des moyens de transport fiables, qui exacerbe les difficultés d’accès aux installations sportives.
Comment parvenir à dépasser les stéréotypes qui perdurent concernant les rôles des hommes et des femmes dans le sport, et briser cette perception que certaines ont dès le plus jeune âge que le sport n’est pas pour elles ?
Les défis à relever sont nombreux et il n’est pas question ici d’en faire un catalogue exhaustif, mais plutôt de démontrer comment tenter d’y répondre.
Soutenir les initiatives de terrain : l’action de la Fondation Alice Milliat
La Fondation Alice Milliat a été créée en 2016, sous l’impulsion de l’Association Alice Milliat et suite à sa rencontre avec la Fondation du Sport Français. Ses objectifs sont de promouvoir les initiatives qui contribuent à rendre le sport plus inclusif et égalitaire en termes de genres. La Fondation rend hommage à sa figure tutélaire, Alice Milliat, et agit dans la continuité des combats menés par celle-ci au siècle dernier.
Alice Milliat, qui était française, a été une pionnière dans l’Histoire du sport pour avoir rendu accessibles aux femmes la pratique sportive et les compétitions. Première dirigeante du sport, son combat a permis d’ouvrir les Jeux olympiques progressivement aux épreuves féminines, notamment en athlétisme, et de défendre la place des femmes dans le monde du sport.
Maintenant sous égide de la Fondation de France, la Fondation Alice Milliat demeure la seule entité de ce genre dédiée spécifiquement au sport au féminin à l’échelle européenne. Elle est depuis 2020 membre du Comité consultatif de l’Accord Partiel Élargi pour le Sport au sein du Conseil de l’Europe et œuvre à ce titre à la promotion et à la mise en œuvre de la Charte européenne du sport.
Depuis 2016, la Fondation accompagne plus de 100 associations en créant une communauté d’associations labellisées et en soutenant financièrement des structures à travers des appels à projets thématiques spécifiques. En 2022 la Fondation a accompagné plusieurs organisations dont deux structures ayant mis en œuvre des initiatives contribuant à encourager et faciliter la pratique sportive des femmes dans l’espace public.
La pratique dans l’espace public offre de nombreux avantages, permettant de lever la question des barrières financières, mais répondant également à un souci de proximité des équipements et offrant plus de flexibilité horaire.
Les travaux de plusieurs géographes et institutions ont démontré que les équipements de loisirs et sportifs de proximité qui sont conçus comme ouverts et accessibles à tout public, sont en réalité occupés majoritairement par des garçons ou des hommes.3 4
La première structure que la Fondation a accompagnée en 2022 est l’association Sine Qua Non, qui a pour objectif de sensibiliser contre les agressions sexuelles et sexistes faites aux femmes en utilisant le sport comme moyen d’action. Elle organise des sessions de running mixtes sur des parcours définis à la tombée de la nuit.
Ces sessions ont notamment comme objectif de permettre aux femmes de se sentir à l’aise et en confiance durant leur pratique sportive et de pallier les situations de harcèlement de rue qu’elles ont pu ou pourraient subir durant leur session de sport. La part des femmes pratiquant des activités sportives de nuit est inférieure aux hommes à 16 % après le coucher du soleil, et grimpe à 45 % avant le lever du soleil. Pour des raisons de sentiment d’insécurité, principalement.5
Ces groupes de running se sont développés dans 31 villes et quartiers dans toute la France. Les personnes qui participent à ces sessions sont invitées à porter la tenue dans laquelle elles se sentent le plus à l’aise possible (legging, short, brassière, jogging, sweat…). Les sessions sont encadrées par des ambassadrices, runneuses expérimentées telles que Lucile Woodward sur la partie sportive, et par l’association HandsAway afin de sensibiliser et lutter contre le harcèlement de rue, les violences sexuelles et sexistes.
Une des autres actions que met en place Sine Qua Non est la création et le développement de « squads » de football. L’association a ainsi créé des temps de pratique allant progressivement de la non-mixité à la mixité afin que les jeunes filles puissent évoluer et apprendre au contact de coachs féminines dans les city stades. Ce dispositif a été inclus dans le programme « Paris Sportives » de la Ville de Paris et a permis aux marraines d’accompagner des jeunes filles dans leur passion pour le football, aussi bien dans une pratique loisir qu’en club.
La Fondation a également accompagné l’association Layidù pour son projet « Girl power, la rue est à nous ». Cette association, intervient dans les domaines de l’éducation, la citoyenneté, la pauvreté, les loisirs et la santé à destination de la jeunesse, des minorités, des personnes en situation de handicap, des personnes isolées, en difficulté et en situation de précarité. Les objectifs de Layidù sont de promouvoir la solidarité sous toutes ses formes, notamment en développant des accompagnements éducatifs, des activités de prévention, de formation et d’animation à caractère culturel, sportif et social en direction des jeunes et de la famille. Le projet « Girl power, la rue est à nous » vise à permettre à un groupe de femmes de Sarcelles ayant peu d’opportunités de pratiquer. Les sessions sont animées par une coach sportive diplômée et proposeront des temps d’initiation à des pratiques telles que la boxe, le double-dutch, le self-défense, l’afro fit, etc. En parallèle, des ateliers sur la nutrition et l’environnement ont également été mis en place pour apporter des conseils d’hygiène de vie alimentaire et les bonnes habitudes à adopter au quotidien.
Les initiatives engagées de ces deux structures sont innovantes et sources de changement, comme le sont les actions de terrain menées par d’autres associations partout en France, au plus près de celles qui en ont besoin.
Faire qu’après les Jeux pour tous (et toutes) le sport soit pleinement fédérateur et inclusif
À la veille des Jeux olympiques et paralympiques qui se tiendront à Paris cet été, rappelons avec force la vision d’Alice Milliat, et les principes d’égalité et de non-discrimination sur lesquels la Charte olympique met l’accent.
L’article 6 de la Charte olympique stipule que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Charte olympique doit être assurée sans discrimination d’aucune sorte, notamment en raison de la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
Ce principe souligne l’importance de garantir pour toutes et tous l’égalité des chances de participer au sport et d’en bénéficier.
La Charte olympique, tout comme la Charte européenne du sport et les normes du Conseil de l’Europe constituent des cadres essentiels pour promouvoir l’inclusion et l’égalité des genres dans le sport, quel que soit leur statut socio-économique, en particulier pour les femmes et les filles confrontées à la précarité économique.
Chacune, chacun peut agir afin d’éliminer les obstacles à la pratique sportive, en responsabilisant les acteurs, en menant des réformes politiques, en appuyant des initiatives destinées à créer un paysage sportif plus équitable et inclusif où chaque femme et chaque fille a la possibilité de libérer son potentiel et de s’épanouir. Par le sport, nous pouvons agir en faveur de l’autonomisation des femmes et des filles, quelle que soit leur situation économique, et ainsi renforcer les communautés et les sociétés dans leur ensemble.
Alors que nous continuons à défendre le droit au sport, réaffirmons notre engagement à faire en sorte que personne ne soit laissé ou laissée pour compte et que chacun et chacune ait la chance de bénéficier de tout ce que le sport peut apporter.