Quand je suis dans la peine

T. M.

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T. M., « Quand je suis dans la peine », Revue Quart Monde [En ligne], 171 | 1999/3, mis en ligne le , consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/2646

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Spiritualité

Quand je suis dans la peine,

je me tourne vers là-haut et je me dis :

« Pourquoi ne m'aide-t-on jamais ? »

Je suis seule et je prie.

C'est alors que la plupart de mes problèmes ressortent.

« Qu'est-ce que j'ai encore fait de mal ? »

Il s'est passé tant de choses...

J'ai pris des somnifères,

j'ai pris des boissons fortes, plus je buvais, pire c'était.

Ce n'était pas une solution.

J'ai beaucoup bu, jusqu'à ce que ma fille m'ait dit:

« Dis Maman, est-ce vraiment nécessaire ? »

Alors j'ai pensé : « Qu'est-ce que je suis en train de faire ? »

Elle m'a aidée, j'ai cessé de boire.

Pendant quelques soirées, j'ai été seule.

Je ne voulais voir personne.

« Laissez-moi seule s'il vous plaît ! »

J'ai mis beaucoup de temps à remonter la pente.

De temps en temps je sens que je suis aidée,

sinon je ne tiendrais pas le coup.

Mon mari est mort.

Ensemble nous n'avons connu que la misère...

Mais ensemble nous avons eu des enfants.

A certains moments, il m'a ramassée.

A d'autres moments, c'est moi qui l'ai ramassé.

Combien de fois n'ai-je pas dû crier :

« Mon Dieu, aide mon enfant ».

Le soir quand j'étais seule

les enfants se blottissaient tout près de moi.

A quatre, ensemble nous regardions la télé,

et si c'était un bon programme alors je me disais : on est bien...

Ma fille a 19 ans.

Si je la laissais faire elle se mettrait encore sur mes genoux...

Un enfant ressent l'amour de son père et de sa mère.

On s'en aperçoit quand le père est parti.

C'est dur.

Il faut alors inventer une excuse, mais la vie continue.

On ne me donne pas d'allocation supplémentaire.

Je m'en étais réjouie d'avance.

Mais « vlan » on me l'a refusée :

il paraît que mes revenus seraient trop élevés...

J'ai moins que le RMI

mais les veuves n'ont pas le droit à cet argent.

Ma fille aînée a quitté la maison.

Elle a pris ses affaires et m'a dit : « Maman, je fous le camp ».

Il faut pouvoir l'accepter !

Mais je reste gaie...

Je reste avec les petits.

Et les voilà...

« Maman, t'a pas des pommes de terre,

maman, t'a pas du pain... ? »

Et puis revient le fils aîné, il est drogué,

« Maman, tu n'as pas quelques tranches de pain, j'ai tellement faim ».

Et je les lui donne... l'idiote que je suis.

Je lui donne même un toit.

Il prend la chambre de ma fille, qui est maintenant hors d'usage...

Mais dès qu'il se pique je me mets en colère.

Je le prends alors par les épaules et je le mets à la porte.

Tout à coup je dois choisir : lui ou les petits.

Automatiquement, je choisis les petits,

eux, ils ne peuvent pas se débrouiller tout seuls,

alors, c'est à eux que je donne la priorité.

Et lui, je le laisse tomber.

Et puis il revient, la nuit quand il fait noir.

Il frappe à la porte. « Maman, je veux dormir... »

Je me tourne vers là-haut quand je suis dans la peine,

et je me dis : « Pourquoi ne m'aide-t-on jamais ? »

Je suis seule et je prie.

Je ne veux plus voir personne.

« Laissez moi seule s'il vous plaît ! »

J'ai mis beaucoup de temps à remonter la pente.

CC BY-NC-ND