171 | 1999/3Risquer l'empreinte de l'autre

L’importante question de l’égalité entre les êtres humains ne se résout ni en égalité de revenus, ni même en égalité des chances d’apprendre. Elle ne se résout pas, elle se ressource. Où ? Dans l’égale dignité. Egale, paradoxalement, parce que la dignité ne se mesure pas, ne se compare pas : elle est irréductible. La dignité d’autrui ne se réduit pas à la mienne et réciproquement. Mais la sienne et la mienne pour s’exprimer doivent être également respectées, également libres, également servies, également liées.

Ce lien a bien sûr des traductions matérielles. Qu’on affirme la liberté, l’égalité, la fraternité, qu’on reconnaisse à autrui le droit de chercher le bonheur, d’avoir une opinion signifiante, de choisir où il entend s’établir et s’insérer dans un monde commun à des humains, chacune de ces affirmations implique des conditions matérielles de réalisation. Mais le lien qui les précède et qui les fonde, c’est l’esprit. Des humains séparés par la langue, la culture et la représentation religieuse du monde, séparés par les peurs, à commencer par celles de la mort, et par les blessures mutuelles du malheur parviennent pourtant à se rejoindre.