Colum McCann, Les saisons de la nuit

Belfond, Paris, l988

Janine Dantan

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Colum McCann, Les saisons de la nuit, Belfond, Paris, l988

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Janine Dantan, « Colum McCann, Les saisons de la nuit », Revue Quart Monde [En ligne], 171 | 1999/3, mis en ligne le 26 mai 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9420

Certains faits relatés dans ce livre sont des événements historiques de même que ceux racontés par les nombreux travailleurs du sous-sol qui ont ouvert leur cœur et leur mémoire à l’auteur.

Ce sont des hommes rudes, qui marchent à pas pesants en laissant tomber de leurs semelles la boue de la veille. Ils laissent une traînée de gadoue derrière eux dans la neige. Tous ont le visage creusé par les risques du métier ; ils fument comme des fous, sachant qu’il pourrait bien ne leur rester que quelques heures à vivre. Ils travaillent au creusement du tunnel depuis deux ans.

Au cours de la journée, les hommes permuteront les tâches, pelletant et chargeant à tour de rôle, tantôt comme terrassier, tantôt comme dynamiteur dans les divers tunnels de Manhattan. Ils savent qu’à tout moment ils risquent d’être engloutis sous une avalanche de boue et d’eau.

Ce roman nous parle de New York, d’amour, de mariages mixtes, de bâtisseurs de gratte-ciel qui dansent sur des poutrelles à des centaines de mètres au-dessus de la ville... C’est peut-être le premier vrai roman consacré aux sans-abri, à ceux qui vivent au-dessous et à l’écart de la cité prospère. On sent que l’auteur a fréquenté ces lieux-là : dans une langue qui procure un plaisir presque physique, il évoque avec une rare puissance ce présent qui empeste et ce passé qui oppresse...

Le racisme est aussi très présent dans le livre : ainsi cette mère blanche qui renie son fils noir pour ne pas perdre son travail... Cependant, sous le fleuve, on est en démocratie ? Dans l’obscurité tout le monde a le sang de la même couleur – rital, nègre, polaque ou rouquin irlandais, c’est du pareil au même.

Il y a eu beaucoup de morts dans le tunnel, mais c’est une loi que ces hommes-là acceptent : tant qu’on vit, on vit, et puis, plus rien...

Un roman remarquable, un style dru et prenant.

Janine Dantan

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