Rio 92 : Impulsion contre la pauvreté ?

Serge Antoine

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Serge Antoine, « Rio 92 : Impulsion contre la pauvreté ? », Revue Quart Monde [En ligne], 146 | 1993/1, mis en ligne le 01 octobre 1993, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3264

En juin 1992 se tenait à Rio de Janeiro une grande conférence des gouvernements du monde entier sur l’environnement et le développement. Le thème de la pauvreté y a tenu une place importante. Aujourd’hui, alors que dans tous les pays on met en place l’« après Rio » il n’est pas inutile de faire le point.

Ce Sommet de Rio a regroupé 110 chefs d’Etat ou de gouvernement sur le thème de l’environnement et du développement. Plus de 4 000 délégués – certaines délégations nationales en comportaient 50 ou 100 –, 8 000 journalistes, 800 caméras de télévision et 760 organisations non gouvernementales (ONG) ont donné la mesure de ce qui constitue aujourd’hui un record du genre. On a bien senti qu’il se passait quelque chose à « Rio Centro », où se tenait la conférence officielle et au « Forum Global », en pleine ville, à 20 km de la première, où siégeaient les ONG.

Faute d’un minimum d’accès aux documents (il y sera remédié bientôt mais presque dix mois après la Conférence !) et faute d’une analyse socio-politique en profondeur, peu d’entre nous, hors les pays anglo-saxons, mesurent actuellement l’apport réel de ce Sommet. Or, il marque, à mon avis, un jalon tout à fait décisif dans l’histoire mondiale, et cela, sur les quatre lignes de force qui me paraissent avoir été soulignées là-bas.

1. L’arrimage de l’environnement et du développement.

2. L’avènement du système planétaire.

3. L’importance croissante des rapports Nord-Sud, qui se substitue à celle du tête-à-tête Est-Ouest.

4. La référence répétée à la pauvreté dans le monde et dans chaque pays.

Avant de reprendre ces quatre lignes de force, il faut souligner que l’apport de Rio est plus fait de l’entraînement qu’il suscite que du lot des produits finis, c’est-à-dire des textes adoptés. La vertu des conférences internationales – on la sous-estime dans le monde francophone – n’est pas de résoudre, sauf exception, les problèmes mais de les évoquer et de les mettre en relief. Il en est ainsi surtout des conférences qui brassent large, et donc ainsi du Sommet mondial tenu fin juin dernier à Rio de Janeiro. Ce qui veut dire que l’ « après-Rio » est décisif : Rio ne se commémore pas, il se cultive.

Environnement et développement s’arriment

En 1972, la Conférence de Stockholm, que l’on compare à celle de Rio, portait seulement sur l’environnement. Celle de Rio en diffère donc parce qu’elle aborde, en même temps, le développement. Certes, pour préparer Stockholm, quelques économistes pionniers avaient déjà, dans un petit motel de Suisse à Founex en 1971, insisté sur cette connexion applicable au mois aux deux tiers du monde et même aux pays avancés. Vision perspicace à un moment de l’histoire où l’environnement était presque partout envisagé en termes élitistes de « plus » ou de « supplément d’âme. » Considérer l’environnement du côté des ressources en amont et non en aval de la production, c’est aussi ce que fit en 1987 la Commission de Mme Brundtland, mandatée par l’Assemblée générale des Nations Unies, dont le rapport a été pour beaucoup dans le déclenchement de Rio.

Seuls aujourd’hui quelques « écologistes profonds » résistent à ces fenêtres ouvertes sur le développement. Le risque existe, certes, de voir les « développeurs », mieux armés, absorber la préoccupation écologique. Mais les écologistes fondamentalistes auraient tort d’oublier l’essence même de l’écologie qui est l’étude des relations de la nature, y compris avec les activités humaines. En effet, quand Haeckel a ouvert la voie de l’écologie en 1866 et Vernadsky, en 1926, celle de la biosphère, il était écrit que la globalisation allait devoir relier les actions de l’homme au monde physique et au monde vivant : « La Terre est un tout dont les diverses parties s’éclairent mutuellement » (Vidal de la Blache, 1894)

Aujourd’hui où les activités humaines sont massives et fortes, l’éclairage de ces relations est au cœur de nombreux problèmes : celui des climats et de l’effet de serre, par exemple, dont le jeu se joue à l’échelle de la planète mais aussi à celle du trafic automobile de nos villes (dont le CO² a été jusqu’à doubler en vingt ans), tout autant que celui des 500 millions de riverains de la forêt et des pauvres qui n’ont que le bois comme énergie, pour ne prendre que ces deux exemples.

En lançant la notion de « développement durable » (mieux défini en anglais, par « sustainable dévelopment »), la Conférence de Rio a scellé le rapprochement ; au moins par le vocabulaire, car il reste beaucoup à faire pour en définir les composantes : les chemins du développement durable sont à préciser et le travail de réflexion ne sera pas inutile si on le fait à la fois au niveau des concepts et au niveau de l’examen et de la mise en route des projets d « écodéveloppement. »

Cette attention au développement durable n’est pas affaire de monde pour un mot nouveau : elle a ses conséquences. Par exemple, d’y regarder à deux fois pour des ressources qui s’épuisent (le pétrole n’en a pas pour cinquante ans) ou de prendre en considération les générations futures. Par exemple, de donner la priorité au recyclage ou aux énergies renouvelables. Par exemple, d’éviter le gaspillage1au niveau des matières premières, de la production et de la consommation.

Le développement durable veut dire que l’on se garde préventivement des atteintes aux milieux, des pollutions graves conduisant à l’irréversible, des catastrophes ; que l’on développe des stratégies au niveau de l’aménagement du territoire pour économiser des espaces ; que l’on intègre des stratégies sociales et celles de la lutte contre la pauvreté. La pauvreté parce qu’au-delà des critères de justice, elle est aussi source de dégradation. La pauvreté parce que les pauvres sont les premières victimes d’une atteinte à l’environnement ou d’un développement « sauvage. »

Le Quart Monde a tout à gagner de ce qui est ici un véritable changement culturel. Parler d’économie de la ressource et de lutte contre le gaspillage (mot d’origine gauloise et paysanne)2, c’est se mettre en position de non-riche ; c’est faire un pas important vers une compréhension de la pauvreté. Il était essentiel que cela se dise au niveau d’une enceinte où presque tous les dirigeants des Etats du monde étaient présents.

L’arrimage de l’environnement et du développement est scellé. Et cela à toutes les échelles : celle du monde bien sûr, celle du « monde fini qui commence » (Paul Valéry), bien symbolisé par le premier pas d’Armstrong sur la Lune. Mais aussi celle que je qualifierais du « monde bouclé qui commence », où personne ne peut être indifférent aux liens entre homme et nature, entre ressources et consommation, entre pauvres et sociétés.

L’avènement du système planétaire

Parce que 156 pays ont signé à Rio des conventions - celles de la biodiversité et celle du réchauffement des climats – parce que l’unanimité des présents a engagé deux autres conventions, sur les forêts et sur la désertification, et surtout, parce que pendant quatre mois de comités préparatoires, les délégués de 178 pays ont pensé puis délibéré ensemble, la Conférence de Rio, dans son « Agenda 21 » marque une étape importante dans la mise en route d’un « système planétaire. » Non pas du « gouvernement mondial » qui n’est pas pour demain, mais d’une gestion planétaire où les décisions se prennent soit à l’échelon planétaire, soit au niveau des pays en pensant à la planète. C’est ce que j’appellerai la naissance de la « double citoyenneté. » Il faudra, dans ce monde de multi-appartenance, qui est déjà le nôtre, apprendre, par exemple, à être français et européen, habitant d’une petite ville en même temps que citoyen du monde.

Après la citoyenneté, passons aux structures du pouvoir. Elles ne sont pas planétaires et ne le seront pas de sitôt, sauf pour quelques domaines (le droit de la mer, le droit de l’air…) Les « casques verts » ne sont pas pour demain mais l’encadrement des droits nationaux se fera de plus en plus net au cours des ans. En n’oubliant pas que le principe de « subsidiarité », dont on a beaucoup parlé en Europe en 1992 vaut aussi pour le monde. Il vaut mieux mobiliser les pouvoirs nationaux et locaux que de vouloir tout régenter de New York. Cela a été rappelé à Rio, précisément à propos de la pauvreté : « Il n’existe aucune solution uniforme qui puisse s’appliquer à l’échelle mondiale » (Agenda 21, chapitre 3, paragraphe 3.1)

Le dialogue Nord-Sud

Les médias avaient annoncé que Rio serait une grande arène où éclaterait le grand conflit Nord-Sud. Or ce conflit n’a pas eu lieu. Les décisions de Rio ont été prises à l’unanimité et le « Groupe des 77 » n’a pas mis de bâtons dans les roues. Bien plus, les pays en développement ont, avant Rio, au stade de la préparation, bien poussé à la roue.

Le dialogue Nord-Sud pendant la Conférence a été permanent et il sera même encouragé par Rio. Or, pour ce qui nous intéresse ici, nous noterons que ce dialogue est, en fait, un rapport entre les nations riches et les nations pauvres. Ce sera, sans nul doute, la dominante de tout le XXIème siècle, se substituant fort heureusement au froid tête-à-tête Est-Ouest, vieux de plus de quarante ans. La Conférence de Rio est arrivée au bon moment, à une période où le poids des clivages doctrinaires entre « économie libérale », « économie planifiée » s’étant réduit, une nouvelle approche de l’« économie patrimoniale » pouvait naître.

Dans sa nouvelle géographie, le dialogue mondial ne fera que tendre la main à tous ceux qui sont engagés sur les fronts de la pauvreté. Le Nord-Sud implique, en soi, un autre regard sur les inégalités, certes, mais aussi sur les conditions dans lesquelles se fabrique et s’accentue la pauvreté de revenu. L’endettement et la détérioration des termes de l’échange font que, depuis 1983, l’aide du Nord au Sud est gommée – et bien au-delà – par les paiements du Sud au Nord. Ces réalités ont été bien présentes à Rio, ce qui renouvelle l’approche du problème.

La pauvreté à Rio

Si un « compte mots » avait été mis en place pour la Conférence de Rio, on disposerait aujourd’hui d’une vue sur l’importance répétée de certains concepts, objectifs ou problèmes. En tant que témoin des 178 discours (de 5 à 7 minutes) des chefs d’Etat, je peux dire que le mot « pauvreté » est revenu assez souvent.

La résolution 44/228 de l’Assemblée générale des Nations Unies qui avait donné le mandat au secrétaire général de la Conférence, Maurice Strong, y est pour quelque chose puisque la pauvreté figure expressément parmi les neuf thèmes alors prévus pour Rio. Ils méritent d’être rappelés (voir encadré) parce qu ‘il ne faut jamais croire qu’une conférence de ce type est le fruit d’une germination spontanée.

Passons maintenant aux produits de Rio :

- La Déclaration de Rio, qui comporte 27 principes et qui a été votée à l’unanimité des Etats se réfère, dans son article 5, à la pauvreté :

« Tous les Etats et tous les peuples doivent coopérer à la tâche essentielle de l’éradication de la pauvreté qui constitue une condition indispensable du développement durable. »

Ainsi la pauvreté (comme l’environnement) ne vient pas en bout de piste. C’est un renversement complet.

- L’Agenda 21 lui consacre un chapitre entier sur les quarante qu’il comporte : dans l’ordre, c’est le second. Parmi les recommandations qu’il énumère nous relèverons :

* La recherche de solutions différenciées par pays, par région (« il n’existe aucune solution uniforme qui puisse s’appliquer à l’échelle mondiale ») ;

* La mise en route de programmes spécifiques sur la pauvreté ;

* L’examen de nouvelles actions d’environnement pour que les mesures ne pèsent pas sur les pauvres ;

* Le lancement de programmes de création d’emplois ;

* L’élaboration de stratégies pour les régions critiques (notamment en milieu urbain et dans certaines zones rurales) ;

* Le suivi des politiques par des collectivités et groupes locaux ;

* La priorité à l’éducation de base, aux soins de santé primaires, à la santé maternelle et à la promotion de la femme et le respect de l’intégrité culturelle des minorités ;

* La création de nouveaux mécanismes à base communautaire ;

* La création de centres de santé pour une procréation sûre, axés sur les femmes et gérés par elles et des services de planification familiale accessibles ;

* Revoir les réglementations ou obstacles de nature à bloquer l’intégration dans l’économie des activités du « secteur non structuré » ;

* Faciliter l ‘accès à la terre ;

* Mettre la lutte contre la pauvreté en priorité dans le suivi de Rio.

Certains trouveront que ces recommandations ont un côté un peu récitatif et angélique. Peut-être ne sont-ils pas habitués à ce style de textes internationaux ?

D’autres évoqueront l’absence de moyens dégagés aussi bien pour renforcer la solidarité entre pays riches et pays pauvres que pour engager, ici ou là, des politiques nationales. Il est vrai que la note est lourde : elle a été chiffrée par le Secrétariat de la Conférence à 15 milliards de dollars entre 1993 et 2000, à financer sur les ressources additionnelles extérieures (aide publique, remise ou conversion de dette, crédits, etc…) La Conférence de Rio n’était pas chargée de dégager les 15 autres milliards chiffrés pour les efforts nationaux. Pour ce qui concerne les 15milliards demandés à la communauté internationale, la Conférence de Rio (qui n’était pas une instance financière) n’a pu qu’encourager les chefs d’Etat à s’engager. Il faut bien reconnaître qu’ils ont été frileux en général et très peu nombreux à annoncer un effort3.

Et maintenant ?

C’est sur ce point des financements et surtout des modes de coopération bi- ou multilatérale que devraient porter aujourd’hui les efforts et le regard de la communauté internationale.

Mais ce ne sont pas les seuls et, en terminant, je pense qu’il serait utile de se mobiliser à quatre niveaux : celui de l’international ; celui des régions ; celui des Etats ; et celui des sociétés civiles.

1. Au plan international, on peut se demander s’il ne faudrait pas, à partir de la notion de « développement durable », revoir les critères selon lesquels on classe ou non un pays dans la catégorie des « moins avancés » qui reçoivent, par conséquent, une aide internationale plus substantielle. Il est v rai qu’avec une définition liée au patrimoine, certains pays apparemment en bonne santé tirent sur leur capital en surexploitant, par exemple, leurs forêts.

Le jeu en vaut-il la chandelle, car il semble que seuls quelques pays changeraient de catégorie et les débats seraient aigres et les disputes vives ? On pourrait cependant entamer la réflexion et les calculs car nous nous devons de ne pas garder pour l’éternité le concept de PNB (produit national brut) Un indicateur plus dynamique par rapport aux ressources serait plus intéressant que de poursuivre une photographie statique entre riches et pauvres. Il serait plus utile de repérer la dynamique, les appauvrissements ou les progrès des pays qui s’en sortent. Il serait aussi un jouir plus utile d’identifier les pays à forte pauvreté non par le niveau moyen du revenu mais par l’analyse du nombre des pauvres réels dans un pays.

Hors cet exercice, et même si l’Agenda 21 a bien dit « qu’il n’existe aucune solution uniforme qui puisse s’appliquer à l’échelle mondiale », il nous paraît qu’après Rio, on pourrait encourager les institutions de la famille des Nations Unies à prendre davantage en compte la pauvreté et de ne pas en rester à « donner la priorité » aux pays en développement et aux pays les moins avancés. Certaines institutions le font : la CNUCED, l ‘UNICEF, L’UNHCR4, mais d’autres institutions plus spécialisées, la FAO, le PNUE, le PNUD pourraient encore focaliser davantage leur action, mieux relier pauvreté, développement durable et environnement dans leur secteur et veiller à établir des programmes particuliers de lutte contre la pauvreté en distinguant ici, comme le recommande l’Agenda 21, les hommes et les femmes.

Il appartiendra à la Commission mondiale du développement durable de veiller à cette inflexion sans attendre le prochain Sommet qui se tiendra en 1994 à Copenhague et qui est un « Sommet social. »

2. Les régions et les « écorégions » constituent un cadre de travail et de démultiplication de l’échelon planétaire. On entend par là la coopération volontaire entre 10,15,20 ou 25 Etats qui ont décidé de travailler ensemble et que la géographie unit dans une proximité vivante. C’est le cas de l’Europe, mais aussi de la Méditerranée, des Caraïbes ou du Pacifique qui, depuis quinze ans travaillent dans le cadre des « programmes de mers régionales » et qui vont devoir s’ouvrir, après la lutte contre les pollutions marines, aux stratégies de développement durable5. Et puis, il y a aussi les 22 pays du Sahara et du Sahel qui ont signé, en mai 1992, à Paris, une convention relative à la désertification.

A ces échelles, les organisations non gouvernementales peuvent apporter beaucoup. Elles le savent et savent aussi qu’il n’est plus profitable pour elles de travailler à cette échelle plutôt qu’à l’échelle mondiale où elles ont peu de prise. C’est en ce sens que travaille, par exemple, la Fédération des Cités unies ou ENDA6. Cette dernière organisation, qui s’efforce aussi de promouvoir la coopération Sud-Sud a très courageusement préparé, à l’échelle des régions, le chapitre pauvreté de la Conférence de Rio et du Forum Global.

3. Les Etats sont un niveau clef. En matière de pauvreté, l’Agenda 21 reconnaît que tout dépendra de la volonté des gouvernements.

Il est trop tôt aujourd’hui pour en juger, mais on sera attentif, pour ceux qui installeront dans leur pays une « Commission interministérielle de développement durable », à suivre et le mandat qui lui sera confié et sa manière de travailler. Certaines emprunteront les chemins classiques de la protection de l’environnement ; d’autres croiseront davantage les préoccupations d’environnement, de développement et d’économie sociale. Dans les pays du Nord les plus avancés, l’approche par l’emploi et les conditions dans lesquelles ce dernier peut être moteur d’environnement et de développement durables méritent l’attention. Mais ceci vaut aussi pour le Sud dont les populations d’entrée en activité vont culminer entre 2010 et 2020, avec des chiffres rapportés à la population7 qui font trembler les plus optimistes. On ne s’en tirera pas par des solutions classiques.

Il faudra être attentif à la manière dont les Etats envisageront et mettront en œuvre des programmes spécifiques d’aide aux pauvres. Le meilleur peut voisiner avec le pire, et l’on peut tout à la fois penser que certains pays le feront avec intelligence dans une volonté d’insertion ouverte cependant que, pour d’autres, l’invitation de l’Agenda 21 pourrait être comprise comme l’institutionnalisation des sociétés duales ou même « triales. »

4. Les sociétés civiles, enfin, et les différents acteurs économiques et sociaux (entreprises, syndicats, organisations non-gouvernementales…) ont un rôle important à jouer. Peut-être faut-il, pour ce qui concerne la pauvreté, rappeler le rôle tout à fait décisif des associations du secteur social en particulier ? Il serait intéressant qu’elles rencontrent maintenant davantage les associations d’environnement, comme cela a été amorcé depuis trois oui quatre ans avec les associations de développement, ce qui pourrait aider les promoteurs du développement durable à mieux caler leurs objectifs sur des lignes qui tiennent compte de l’existence et des besoins du Quart Monde et se réfèrent davantage aux conditions sociales.

Or le pire peut naître – autant que le meilleur – de la part de ceux qui donneraient des priorités à l’environnement ou au développement durable sans ce souci social. Par exemple, la révision des stratégies fiscales ou la fixation de prix, tout à fait essentielle pour fournir des moteurs du développement durable, peut charger ou non les plus défavorisés selon que l’on aura ou non examiné les conséquences pour eux des mesures envisagées.

Insistons aussi sur le rôle des collectivités locales : la Conférence de Rio les invite, avant 1996, à se doter de programmes municipaux de développement durable bien préparés, pas seulement axés sur les équipements (le « béton » est un vice répandu), et ayant donné lieu à la participation du public, des habitants, des usagers et des associations travaillant à l’échelon local. 300 maires sont venus le dire à Curitiba en juin 1992 puis à Rio. Pour engager le processus, un travail reste à faire au niveau des associations internationales et nationales d’élus. L’échelon régional évoqué plus haut pourrait être fort utile et même déterminant.

La pauvreté dans le monde, les nations pauvres, le pauvre monde sont désormais au cœur d’une nouvelle dimension collective : le développement durable et respectueux de l’environnement. Il y a longtemps que ceux qui militent pour ce dernier ont compris que la dimension sociale et sociétale était inséparable de la dégradation constatée dans la plupart des pays depuis vingt ans (depuis la Conférence de Stockholm, 1 milliard et demi d’habitants supplémentaires peuplent la planète) En travaillant ensemble, les associations d’environnement et de solidarité-développement ont fait changer le registre de la politique encore élitiste il y a vingt ans quand s’ouvrait la Conférence de Stockholm, centrée sur la réalité physique et sur les pollutions.

Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on sait que plus d’un milliard de personnes vivent en dessous du seuil de la pauvreté, que deux à trois milliards n’ont pas d’accès direct à l’eau, que près de deux milliards de citadins n’ont aucun équipement sanitaire d base, que l’air devient aussi une préoccupation mondiale, que la forêt et l’arbre rétrécissent de 17 millions d’hectares par an, que les déchets pourraient, d’ici à l’an 2025, être multipliés par cinq, que la désertification des sols atteint chaque année un territoire grand comme la France.

Tout ceci nous concerne : environnement, développement et pauvreté, même combat partout. « A présent que, l’univers ne compose presque qu’une nation », disait Montesquieu en 1728.

Thèmes de la Conférence de Rio

a) Protection de l’atmosphère par la lutte contre les changements climatiques, l’appauvrissement de la couche d’ozone et la pollution atmosphérique transfrontière ;

b) Protection des ressources en eau douce et de leur qualité ;

c) Protection des océans et de toutes les sortes de mers, y compris les mers fermées et semi-fermées, et de zones côtières, et protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques ;

d) Protection et gestion des sols, notamment en luttant contre le déboisement, la désertification et la sécheresse ;

e) Conservation de la diversité biologique ;

f) Utilisation de biotechniques écologiquement rationnelles ;

g) Gestion écologiquement rationnelle des déchets, surtout des déchets dangereux, et des substances chimiques toxiques, et prévention du trafic international illégal des produits et des déchets toxiques ou dangereux ;

h) Amélioration du milieu où vivent et travaillent les pauvres des taudis urbains et des zones rurales, en éliminant la pauvreté, notamment par l’application de programmes intégrés de développement rural et urbain, ainsi que par d’autres mesures appropriées prises à tous les niveaux nécessaires pour freiner la dégradation de l’environnement ;

i) Protection de la santé humaine et amélioration de la qualité de la vie.

1 Ce mot-clé a fait l’objet d’un travail précurseur peu connu. En France se sont réunis à l’initiative du « Groupe interministériel d’évaluation de l’

2 Difficile à traduire en anglais : en Inde on le traduit par « profligacy » dilapidation, en particulier par les riches.

3 La France et plusieurs pays européens ont annoncé leur augmentation de l’aide publique. Si tous les pays riches atteignaient les 0,7 % du PNB (

4 CNUCED : Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement ;

INICEF : Fonds des Nations Unies pour l’enfance ;

UNHCR : Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ;

FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ;

PNUE : Programme des Nations Unies pour l’environnement ;

PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement

5 Décision envisagée à Malte pour les Etats riverains de la Méditerranée.

6 ENDA : Environnement et développement du Tiers monde, association basée à Dakar, B.P 3370, Sénégal, et à Paris, 5 rue des Immeubles industriels

7 Ainsi en Méditerranée, la population en âge de travailler (15 à 64 ans) passera : pour le Nord du bassin, de 125 millions en 1985 à 132 en l’an 2025

1 Ce mot-clé a fait l’objet d’un travail précurseur peu connu. En France se sont réunis à l’initiative du « Groupe interministériel d’évaluation de l’environnement » fin 1973-début 1974, Serge Antoine, Jacques Attali, Pierre Chassande, Jean Couture, Alain Couzy, Bernard Delapalme, Jacques Domontier , Claude Gruson, Claude Guillemin, Pierre Laffitte, Edmond Lisle, Dominique Moyen, Ignacy Sachs, Jean-François Saglio.

2 Difficile à traduire en anglais : en Inde on le traduit par « profligacy » dilapidation, en particulier par les riches.

3 La France et plusieurs pays européens ont annoncé leur augmentation de l’aide publique. Si tous les pays riches atteignaient les 0,7 % du PNB (annoncés il y a dix ans), le chiffre additionnel serait de 60 milliards de dollars.

4 CNUCED : Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement ;

INICEF : Fonds des Nations Unies pour l’enfance ;

UNHCR : Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ;

FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ;

PNUE : Programme des Nations Unies pour l’environnement ;

PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement

5 Décision envisagée à Malte pour les Etats riverains de la Méditerranée.

6 ENDA : Environnement et développement du Tiers monde, association basée à Dakar, B.P 3370, Sénégal, et à Paris, 5 rue des Immeubles industriels, 75011 Paris.

7 Ainsi en Méditerranée, la population en âge de travailler (15 à 64 ans) passera : pour le Nord du bassin, de 125 millions en 1985 à 132 en l’an 2025 ; pour le Sud, de 94 millions à 230 millions.

Serge Antoine

Serge Antoine a été conseiller de Maurice Strong, secrétaire général de la Conférence des Nations Unies pour l’environnement et le développement. Haut fonctionnaire. Conseiller-Maître à la Cour des Comptes, il a consacré l’essentiel de ses activités à la mise en place de l’aménagement du territoire et des régions (DATAR) Il est à l’origine du premier au monde des ministères de l’environnement (1971) et, au plan international, de la coopération entre les pays riverains de la Méditerranée pour l’environnement.

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