Nîmes : la souffrance, non l’isolement

Jacqueline Chabaud

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Jacqueline Chabaud, « Nîmes : la souffrance, non l’isolement », Revue Quart Monde [En ligne], 129 | 1988/4, mis en ligne le 05 mai 1989, consulté le 23 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4009

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Solidarité

Maisons éventrées, meubles et souvenirs familiaux emportés dans la boue… c’était Nîmes, après la tornade.

La solidarité se déclencha spontanément, à travers tout le pays. Nul n’avait besoin d’avoir aussi tout perdu, à cause d’une catastrophe, d’une bombe, ou d’un bulldozer pour comprendre la peine des sinistrés. Un mot sobre et digne leur suffisait : « Nous n’avons plus de lits », « Sans les voisins où serait-on ? », « Ma femme et moi nous allions fêter nos dix ans de mariage et n’y a plus rien, plus un souvenir, plus une photo ».

Avec ce bouleversement de leur vie, ils entraient soudain dans la souffrance des pauvres. Quand les bulldozers réduisent en décombres, avec les baraques de planches et des tôles, les souvenirs et les biens des habitants des bidonvilles, auxquels on refuse le temps d’une valise, quand on expulse des familles en jetant par les fenêtres le peu qu’elles ont, les pauvres n’ont que leurs yeux pour pleurer. En se cachant. Une catastrophe fait des victimes. Pas la main des hommes qui s’abat sur les exclus, encore perçue comme une main de justice : pauvres, donc coupables d’exister.

En ces jours d’anéantissement, ces victimes de Nîmes ont tout de même cette force étrange que donne le sentiment de voir sa souffrance reconnue et comprise par les autres. Pareille expérience n’ouvrirait-elle pas à communier à la souffrance des plus défavorisés afin qu’aucun d’entre eux ne reste seul à pleurer ?

Jacqueline Chabaud

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