Une impulsion nouvelle à la lutte contre la misère

Jan Martenson

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Jan Martenson, « Une impulsion nouvelle à la lutte contre la misère », Revue Quart Monde [En ligne], 129 | 1988/4, mis en ligne le 05 mai 1989, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4051

Les ONG dotées du statut consultatif auprès du Conseil Économique et Social, qui s’intéressent aux droits de l’homme, jouent un rôle important  pour les organes compétents de l’ONU. Du fait, qu’elles sont proches des victimes et qu’elles leur apportent une aide quotidienne, elles sont en mesure de signaler, en particulier à la Commission des droits de l’homme et à sa Sous-Commission d’experts indépendants, les difficultés concrètes et les problèmes nouveaux qui se posent en matière de protection des droits de l’homme.

ATD Quart Monde, qui a été fondé autour de l’engagement du père Joseph Wresinski en faveur des plus pauvres, comme certaines de ces ONG, a attiré plus particulièrement l’attention de l’ONU sur les droits des plus démunis. Constituées en groupe, elles font bénéficier les Nations Unies de leur expérience et de leur aptitude à sensibiliser les esprits et à mobiliser l’effort, individuel et collectif, autour d’activités concrètes.

Ces ONG apportent un concours d’une grande qualité aux activités que mène l’ONU en vue d’assurer – conformément à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont nous célébrons le quarantième anniversaire – le respect du droit de toute personne « à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille notamment pour l’alimentation, le logement, les soins médicaux et les services sociaux nécessaires ; ainsi que pour le respect du droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ».

Il est bien évident que ces droits ne sont pas encore concrétisés pour chaque être humain dans tous les pays. L’ONU et ses institutions spécialisées ont encore beaucoup à faire pour aider les États à s’acquitter des tâches qui leur incombent au titre de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont l’article 11 reprend et garantit les dispositions proclamées dans la Déclaration universelle.

Les ONG peuvent aussi aider les États à mieux comprendre le problème de l’extrême pauvreté et à y faire face, à l’exemple du père Wresinski qui, dans son Rapport sur « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », adopté à l’unanimité par le Conseil économique et social français en 1987, avait présenté des « Lignes de conduites générales et mesures concrètes d’une politique pour enrayer la reproduction de la grande pauvreté et prévenir les précarités ».

Par ses moyens d’action propres, le Groupe OING Quart Monde auprès des Nations Unies peut continuer à apporter une contribution de haute valeur aux activités des Nations Unies dans ce domaine. De leur côté, les Nations Unies peuvent aider des ONG dans leurs tâches, notamment en mettant à leur disposition les textes protégeant les plus démunis : la Déclaration universelle des droits de l’homme, maintenant disponible dans un grand nombre de langues ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, publié dans les langues de travail de l’ONU ; et d’autres instruments pertinents, telle la Déclaration sur l’élimination de la faim et de la malnutrition, dont nous célébrons également l’anniversaire puisqu’elle a été adoptée par l’Assemblée Générale de l’ONU le 17 décembre 1974.

Votre Groupe a affirmé que la misère, en tant que telle, est une violation de l’ensemble des droits de l’homme. Cette façon de voir contribuera à orienter les travaux des experts de l’ONU en faveur de l’élimination de la grande pauvreté. L’intuition que les plus pauvres sont eux-mêmes défenseurs des droits de l’homme – de tous les droits, pas seulement des droits économiques et sociaux, comme l’a affirmé le père Joseph Wresinski, le 17 octobre 1987, lors de la manifestation organisée par ATD Quart Monde sur le Parvis des droits de l’homme, à Paris – cette intuition doit ouvrir la voie à de nouvelles approches de la connaissance de l’extrême pauvreté dans ses rapports avec le respect des droits de l’homme. Elle donnera, nous l’espérons tous, une impulsion nouvelle à la lutte contre la misère dans le monde.

Jan Martenson

Directeur Général de l’Office des Nations Unies à Genève, Jan Martenson s’exprime ici en tant que Sous Secrétaire Général de l’ONU aux droits de l’homme

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