Bohémiens des temps modernes aux sacs chargés
Écharpés par les kilomètres sous les camions
Dans des robes de lumière ils surgissent vannés
Pour chercher les yeux rougis, leur bonne direction.
La traversée du désert au sens propre
Un état second comme compagnon
Risquer sa chair en priant les apôtres
D'autres sont arrivés à destination.
Ca n'a rien d'un bruit de couloir ici
Sur les trottoirs d'Almeria il crapahute
Celui qui a plongé sans arrimer son parachute
Celui qui comme une ombre, se cherche la vie.
A couper la branche des tomates raf
Avec quarante degrés sur la caboche
C'est le capitalisme qui met une baffe
A l'aveugle sans lampe de poche.
Un appel par semaine à la famille
Pour se rappeler les rues de Casablanca
Il a le palpitant qui part en vrille
Parce que son fils dans le combiné ne reconnaît pas sa voix.
Il court après un boulot temporaire
Sur un tronçon de rond-point à l'aurore
Être embauché même de manière éphémère
Pour rembourser la somme versée pour le transport.
S'il avait su serait-il venu en Espagne
Abandonner les chants du muezzin à quatre heures du matin
Pour un quotidien où son âme rame
Pour être haï par ses voisins.
Pourtant dans son cœur beaucoup de talent
Il était chauffeur de taxi au pays
Zigzag dans la jungle urbaine à minuit pour les clients
Une danse contemporaine où il est lui.
Je t'ai croisé Abdullah dans une rue anonyme
Quand je t'ai vu tu étais les yeux lointains et rêveurs
J'ai juste peur que tu perdes ton côté randonneur
Je crains surtout que la solitude t'abime.
Alors quand tu me fais écouter un air gnawa
Les yeux fermés sur la banquette de ton cortijo
Je revois les pages de ton agenda
Se dérouler sous les oliviers, sans voie d'eau.
J'ai un rêve secret, qu'on te connaisse
Que tes richesses soient sans frontières Abdou
Qu'on ne te nomme plus ‘sans-papiers’ mais avec tendresse
Un homme, comme nous.