Des comités «Solidaires pour les droits»

Françoise Aba

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Françoise Aba, « Des comités «Solidaires pour les droits» », Revue Quart Monde [En ligne], 216 | 2010/4, mis en ligne le 05 mai 2011, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5050

En créant les comités « Solidaires pour les droits » , ATD Quart Monde, Amnesty International France et le Secours Catholique invitent les citoyens préoccupés par l’accès aux droits pour tous à se regrouper autour de celui dont le droit est bafoué, afin de lui donner les moyens de mener son propre combat. Ces comités sont eux-mêmes soutenus par un réseau.

Index de mots-clés

Droits humains, Justice

Le réseau des comités « Solidaires pour les droits »  est né d’une conviction commune à nos trois associations : les conditions de vie que subissent certains sont contraires aux droits de l’homme. En 2004, Amnesty International France et ATD Quart Monde ont décidé d’éditer ensemble un journal exceptionnel pour la Journée mondiale du refus de la misère : Résistances. Dès l’année suivante le Secours Catholique Caritas France y participe, jusqu'à la dernière publication en octobre 2008.

Notre collaboration a alors pris un tournant : puisqu’à travers ce journal nous appelions à l’action, il était évident qu’il fallait pouvoir soutenir ceux qui s’engageaient. Nous avons donc voulu mettre nos forces pour non seulement alerter, dénoncer, faire connaître les combats et les réussites, mais pour être tout au long de l’année à la recherche, à l’écoute, et à la disposition de toute mobilisation. Nous avons voulu nous unir pour pouvoir soutenir très concrètement toute personne qui agit pour rétablir des droits fondamentaux.

Cette volonté a abouti à la signature d’une charte1, en février 2009.

Organiser et soutenir les comités

Dans chacune de nos trois organisations, les personnes en charge de soutenir les comités qui se créent un peu partout en France se réunissent toutes les six semaines. Nous exposons des situations sur lesquelles nous avons été interpellés les uns et les autres. Nous en discutons et cherchons comment soutenir au mieux le groupe qui s’est mobilisé : Quelle administration interpeller ? Où trouver des forces localement ? Quelle loi pourrait être invoquée ? Souvent les situations ont des points communs et les expériences des différents comités sont très utiles à d’autres (par ex. la réussite de l’obtention d’un contrat de travail pour un ressortissant de l’UE de la région de Bordeaux, sans papier, a donné les moyens de se battre pour une personne établie dans le Rhône).

Nous cherchons à mettre en relation nos militants localement. Peut être se connaissent-ils déjà, mais les regrouper autour d’un combat commun est une force extraordinaire car chacun apporte ses réseaux, ses savoirs, ses questions, ses bonnes idées, son courage. La mobilisation n’est pas l’exclusivité des militants chevronnés : les premiers à agir sont les personnes elles-mêmes en danger et souvent un simple voisin qui cherche à aider. Le défi est de pousser ces personnes à identifier qui, autour d’elles, serait d’accord pour se mobiliser, en veillant à ne pas déposséder de son combat celui dont le droit est bafoué.

La bonne volonté et le dynamisme d’un groupe ne sont pas suffisants pour mener à bien un combat pour le droit et par le droit. Le guide juridique Mieux connaître ses droits. Guide juridique contre l’exclusion2 est un outil précieux - une dame disait : « Avec ce livre je savais que j’étais dans mon droit, c’est ça qui m’a donné du courage pour me lancer dans la bataille » - mais il devient rapidement obsolète. Le réseau de soutien aux comités « Solidaires pour les droits »  s’est attelé à en faire une mise à jour, consultable sur internet3. Ont été ajoutés des liens vers des formulaires ou guides pratiques existant déjà, et vers d’autres sites pouvant répondre plus précisément à des questions plus compliquées. Des membres de nos trois associations participent à la mise en place de cet outil afin de le rendre accessible à tous. En particulier la relecture par des personnes ayant connu des situations de pauvreté est un élément clé de la réussite de ces fiches car elle permet de les reformuler en langage clair, et non plus exclusivement juridique.

Susciter les interrogations et la réflexion des citoyens

Le but d’un comité est en premier lieu de rétablir quelqu’un dans son droit, en s’appuyant sur l’entourage de la personne, les voisins, les commerçants alentours etc. Il est proposé à chacun de participer à la réparation d’une injustice qu’il ne supporterait pas pour lui-même.

Cette sollicitation a un autre avantage : elle permet au simple citoyen de découvrir des situations de vie, tout près de chez lui, que parfois nul ne pourrait imaginer. Cela lui donne l’occasion de découvrir des réalités cachées,  mais qui ruinent le pays. Le devoir du citoyen est de ne pas laisser se commettre de telles injustices. Cela suscite sa réflexion sur la façon dont sont menées les politiques, et sur les moyens à mettre en œuvre pour le bien commun.

De nombreux comités se sont créés autour du droit au logement en s’appuyant sur la loi DALO qui garantit en France un logement pour tous. Voyant les difficultés pour que cette loi soit appliquée correctement, vu le manque cruel de logements sociaux, le réseau des comités « Solidaires pour les droits » s’est engagé dans une campagne pour inciter chaque habitant à écrire au maire de sa commune, l’assurant de son soutien dans toutes ses démarches visant à créer des logements sociaux.

Cette pétition positive, relayée ensuite par les grandes associations d’accès au logement, est un véritable appel à un sursaut civique. L’idée est de contrer les attaques (pétitions, procédures judiciaires) dont font l’objet de nombreux programmes de construction, et ainsi encourager les maires à faire face à leurs obligations d’élus.

Donner envie de se lancer dans un combat

Enfin, la publication d’une Chronique, trimestrielle, se fait l’écho des combats des plus démunis. Elle valorise les initiatives de ceux qui se battent pour leurs droits et de ceux qui sont à leurs côtés. Ces combats sont emblématiques de situations qui ne sont pas isolées et, toutes, inacceptables. En rétablissant une famille ou une personne dans son droit, on fait avancer le droit pour tous. On prouve que c’est possible. On fait un « exercice » de lutte pour les droits de l’homme, avec les premiers concernés. Témoin cette action suite à un recours amiable DALO rejeté (en Ile de France)4 :

Après son divorce, la perte de son travail et des soins pour dépression, A. s’est retrouvée en centre d’hébergement. Sa fille aînée, majeure, y est tolérée provisoirement ; celle de quatorze ans vit à contrecœur chez son père. A. bataille pour retrouver un travail, fait des démarches pour obtenir un logement social et constitue un recours DALO.

Mais la commission ne la reconnaît pas comme prioritaire, alors qu’elle est manifestement en droit de vivre dans un logement avec ses deux filles. Elle arrive à fédérer autour d’elle des citoyens en qui elle met suffisamment sa confiance pour se livrer, expliquer ses difficultés et toutes les démarches qu’elle a entreprises. Ensemble ils parviennent à rédiger une lettre de recours devant le tribunal administratif, reprenant point par point les raisons évoquées pour ne pas la reconnaître prioritaire et démontrant, documents à l’appui, qu’à leurs yeux la décision n’est pas juste.5

Une personne du comité dit : « La contestation est faite dans les délais, mais A. est bien consciente que cela ne va pas lui faire obtenir un logement dans l’immédiat. L’essentiel est de montrer qu’elle ne baisse pas les bras, qu’elle est capable de défendre ses droits et qu’elle ne se met pas en tort en oubliant de faire les démarches proposées. C’est dur, mais psychologiquement, elle tient. » Un point positif : « A. a attrapé le virus ! Elle souhaite aider une de ses voisines qu’elle croit encore plus démunie qu’elle. »

Enfin, A. a commencé une formation conventionnée par le Conseil Régional pour obtenir le statut d’ «Agent de médiation information service». Elle alterne des heures en centre de formation et des heures en entreprise. Elle travaille ainsi trente-cinq heures par semaine. La formation est rémunérée. L’obtention de cette formation est une victoire encourageante pour A. et pour l’ensemble du comité à ses côtés !

1 http://www.atd-quartmonde.asso.fr/IMG/pdf/Charte_des_comites_Solidaires_pour_les_droits_VF.pdf
2 Coédité par  les Éd. Quart Monde et les Éd. de l’Atelier, 2007.
3 http://www.atd-quartmonde.fr/?-Fiches-juridiques-
4 Extrait de la Chronique N°11, Mai 2010. Voir le site http://www.atd-quartmonde.fr/?-La-chronique-des comites
5 Pour exemple, l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme [CEDH] stipule que « toute personne a droit au respect de sa vie privée
1 http://www.atd-quartmonde.asso.fr/IMG/pdf/Charte_des_comites_Solidaires_pour_les_droits_VF.pdf
2 Coédité par  les Éd. Quart Monde et les Éd. de l’Atelier, 2007.
3 http://www.atd-quartmonde.fr/?-Fiches-juridiques-
4 Extrait de la Chronique N°11, Mai 2010. Voir le site http://www.atd-quartmonde.fr/?-La-chronique-des comites
5 Pour exemple, l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme [CEDH] stipule que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ».

Françoise Aba

Secrétaire de direction, Françoise Aba a vécu avec sa famille à New York, Buenos Aires et Londres. En 1991, elle s’engage à Paris avec ATD Quart Monde et s’investit pour le droit au logement dans son quartier (les Halles) où elle contribue à la création de la bagagerie "Mains libres" pour personnes sans domicile.

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