On va dire qu’on est libre

Christel Denis

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Christel Denis, « On va dire qu’on est libre », Revue Quart Monde [En ligne], 217 | 2011/1, mis en ligne le 05 août 2011, consulté le 19 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5120

Dialogue extrait d’un interview fait en mars 2010 où l’auteure insiste sur la confiance, l’entraide, le respect qu’elle découvre et apprécie dans l’entreprise Travailler et apprendre ensemble (TAE)1 à Noisy-le-Grand.

Index de mots-clés

Travail, Emploi

Qu’est ce qui compte pour vous ici ?

Quand je viens le matin, je pense au travail qu’il y a à faire, aux amusements qu’on va avoir parce qu’on rigole bien. Et surtout tout le boulot qu’il y a à faire. Moi ce que j’aime le mieux c’est l’ambiance, les relations qu’on a entre collègues, c’est plus une grande famille que des collègues. Et on est tous ensemble quand il y a un problème. On est tous solidaires les uns des autres. Quand quelqu’un est malade, on s’inquiète, on lui téléphone, on lui envoie une carte. On essaye de prendre de ses nouvelles le plus possible. On fête les anniversaires. C’est vraiment une grande famille ici. Il y a la pause. On prépare le repas, on mange ensemble, du moins certains, ceux qui veulent, ceux qui travaillent l’après-midi mangent à TAE. On est quatre normalement à préparer le repas, et même quand on prépare le repas, on rigole bien.

J’ai vraiment appris beaucoup de choses importantes pour moi dans ma vie. En particulier faire la cuisine, comme le couscous, faire des bricks, le tagine. Je l’ai appris avec une de mes collègues, j’en ai fait à la maison, mon fils croyait que j’allais lui faire du couscous en boîte et quand il vu qu’en fin de compte j’allais lui préparer comme la personne qui m’a appris, il a trouvé qu’il était très bon.  J’ai appris à respecter les autres et à être respectée aussi, parce que s’il y a du respect d’un côté, faut qu’il y en ait de l’autre ; il faut l’entraide, un peu de tout quoi.

Il y a plein de trucs que je vis comme ça avec les collègues, alors que dans d’autres entreprises, il n’y aurait pas autant de confiance. Ici, c’est la confiance avant tout. Confiance et respect surtout.

Comment faites-vous pour que des gens si différents - les très diplômés et ceux qui ont galéré toute leur vie - se mettent vraiment ensemble ?

Je ne sais pas, tout le monde est pareil. On n’a pas de différences, on est tous à la même égalité, que l’on soit diplômé ou non diplômé, on fait tous le même travail pour ainsi dire. Ceux qui sont aux ordinateurs, font leur travail. Nous au ménage, chacun partage son savoir faire. On est tous pareil, sur le même pied, on va dire.

De venir travailler tous les matins, ça change beaucoup, ça me remonte le moral, ça donne des sous à la maison, parce qu’il y a quand même des factures, il faut nourrir les enfants, il y a le loyer à payer, l’électricité. Et puis l’ambiance aussi. On travaille, mais en famille. On n’a jamais de pression. On va dire qu’on est libre. En fin de compte, on n’a pas de chef qui nous enquiquine tout le temps.

Comment faites-vous pour que le travail se fasse sans chef ?

On se partage les tâches, on sait ce qu’il y a à faire, donc si on ne veut pas le faire, on demande à une collègue si elle veut bien le faire à ta place ; nous on prend la place de la collègue, voilà, on réussit toujours à faire ce qu’on a à faire en temps et en lieu. On est tous solidaires dans l’équipe nettoyage, dans la cuisine, les ordinateurs, au bâtiment.

Prochainement, vous allez travailler l’après-midi dans un autre domaine. Est-ce que vous pouvez expliquer comment vous voyez cela et pourquoi c’est important pour vous ?

J’ai besoin de me changer un peu les idées ; aussi l’après-midi j’ai choisi le bâtiment pour apprendre, pour faire chez moi admettons la peinture de mon appartement ; partager du savoir aussi pour montrer que même une femme peut être capable de faire beaucoup de choses, le ménage, le bâtiment, l’ordinateur. Qu’on existe ! Que les femmes existent et peuvent travailler dans tous les domaines !

Vous pouvez dire l’une ou l’autre chose qui ont été difficiles et ce que vous avez fait pour pouvoir les améliorer ?

Quand il y a une difficulté, on se met tous autour d’une table, on en discute, on essaye de régler le problème…On fait des réunions d’équipe, que ce soit au nettoyage, à l’informatique. On fait des réunions de tout TAE, et quand il y a un problème, on en parle, on essaye de gérer cela et de trouver la solution. Les problèmes, c’est sûr qu’il y en a comme dans tous les travaux, dans tous les chantiers, dans toutes les entreprises. Moi je sais que pour l’instant, je n’ai pas encore eu des problèmes. J’ai eu des conflits, quelques conflits, mais sans plus, que j’ai réussi à résoudre avec la personne, ou les personnes en question. Je pense que pour retrouver du travail, il faut déjà être confiant en soi et surtout garder l’espoir parce que tout est possible. Même un tout petit boulot, ce n’est pas rien. C’est beaucoup pour ceux qui sont au chômage. ... L’intérim, n’importe quoi, même un tout petit boulot, mais il faut toujours garder espoir. Il y a toujours une chance quelque part.

1 Voir le site : http://www.ecosolidaire.org/
1 Voir le site : http://www.ecosolidaire.org/

Christel Denis

Christel Denis est employée par l’entreprise Travailler et apprendre ensemble.

CC BY-NC-ND