Notre vie a changé

Marie Isabelle Razafiarinosy

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Marie Isabelle Razafiarinosy, « Notre vie a changé », Revue Quart Monde [Online], 217 | 2011/1, Online since 05 August 2011, connection on 13 October 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5122

L’auteure est salariée à plein temps par l’association MMM (Miasa Mianatra Miaraka) à Madagascar et raconte ici comment son travail de brodeuse a changé sa vie et celle de sa famille élargie.

Index de mots-clés

Travail, Emploi

Index géographique

Madagascar

Mon mari et moi travaillons à l’association MMM1 depuis 2006, moi en tant que brodeuse et mon mari en tant que menuisier.

Ma famille habite à Antohomadinika, là où le Mouvement s’est implanté à Madagascar.

Miasa Mianatra Miaraka ou Travailler et apprendre ensemble

Je vais vous raconter brièvement l’histoire de notre association. Deux fois par mois, avec un animateur, nous nous réunissions entre adultes membres d’ATD Quart Monde. A chaque rencontre, nous cherchions ensemble des idées pour améliorer notre condition de vie. A une réunion du mois de septembre 2006, nous avons dit aux animateurs notre souhait de chercher des personnes qui ont des savoir-faire et qui acceptent de nous apprendre. Des personnes se sont présentées et nous avons pu suivre des formations pendant deux ans.

En 2007-2008, l’association comprenait cinq ateliers qui fonctionnaient régulièrement : ateliers de broderie, coupe et couture, tissage, menuiserie et huilerie. L’atelier de l’huilerie a été fermé en fin 2008.

Avant de travailler à l’association, je savais déjà faire un tout petit peu de broderie. En suivant la formation et en étant à l’association, j’ai appris à faire beaucoup de choses, comme les nappes de table, les couvre-lits, les cartes de vœux, les sets de table et d’autres choses. J’ai appris à respecter les heures de travail, même si c’était très difficile de jongler avec les imprévus du quotidien. Souvent, j’étais en retard, mais j’essayais toujours d’être présente. J’ai appris à m’organiser autrement, pour que nos enfants ne soient pas délaissés, pendant que mon mari et moi sommes au travail. Le plus important depuis que j’ai du travail et que je suis avec d’autres en dehors de ma famille, c’est que je suis moins timide et maintenant je sais discuter avec d’autres et cela m’a ouvert la porte.

Nous rapprocher de notre communauté

Ce n’est pas ma personne seule qui bénéficie des avantages que j’ai reçus grâce à ce travail mais beaucoup plus ma famille, mon entourage et ma communauté. Permettez-moi de vous raconter brièvement notre vie quand nous n’avions pas de travail.

Mon mari faisait des petits boulots, quand il trouvait. Moi de même, quand je trouvais des lessives à faire. Notre vie quotidienne dépendait du travail que nous trouvions. Nous n’avions pas d’économies. Dès qu’il y avait des problèmes, comme une maladie par exemple, nous ne pouvions rien faire, à part préparer des infusions avec différentes plantes pour pallier la maladie. S’il y avait des devoirs (participation en argent) à accomplir envers la famille ou la communauté, nous vivions dans la honte parce que nous n’avions pas les moyens pour y contribuer. C’est pour cette raison qu’il y avait très peu de gens qui nous fréquentaient. Les autres avaient peur de nous approcher en imaginant que nous allions leur demander un prêt ; or nous n’avions pas de travail pour le leur rembourser. Tout cela nous forçait à ne pas trop les approcher, aussi parce que notre situation nous faisait honte et nous vivions dans la peur. Notre vie familiale n’était souvent que conflits et chaque jour n’était que soucis.

Depuis que nous avons suivi la formation et que nous avons du travail, notre vie a changé. Les gens nous approchent, et nous nous approchons des autres aussi. Nous avons moins de peur car nous savons, et nous pouvons discuter soit dans la famille, soit en dehors de la famille. Mon mari et moi gagnons un salaire. Cela ne couvre pas tous nos besoins, mais nos enfants peuvent manger à leur faim, être scolarisés et en cas de maladie, nous pouvons nous soigner comme il faut. Les gens nous font confiance et ceux qui nous prêtent n’ont plus peur du non-remboursement. Nous participons aussi à la vie de la communauté, selon nos moyens. Nous avons de la valeur aux yeux de notre entourage. Nous écoutons les gens, et ces derniers écoutent nos conseils. Le fait que nous travaillons nous a permis de rencontrer beaucoup de personnes et a aidé à notre développement et à notre épanouissement.

1 Voir le site : http://www.ecosolidaire.org/
1 Voir le site : http://www.ecosolidaire.org/

Marie Isabelle Razafiarinosy

Marie Isabelle Razafiarinosy, mariée, trois enfants, est membre du mouvement ATD Quart Monde depuis 1992, qu’elle a connu à travers un atelier « Savoir Santé » sensibilisant les parents à la santé et au travail des professionnels dans ce domaine.

CC BY-NC-ND