La pauvreté a depuis longtemps été étudiée par diverses disciplines comme la philosophie, l’économie, la sociologie et le droit. Bien évidemment, chaque domaine offre ses propres idées et en approfondit certaines parmi les nombreuses dimensions du sujet.
Définir la pauvreté en droit est difficile
D’abord, la relation entre le droit et la pauvreté n’est pas sans problèmes. La définition de la pauvreté et la multiplicité de ses dimensions en sont deux.
Il est vrai que la compréhension de la pauvreté sous la perspective du droit commence par un problème majeur : il n’y a pas de définition de la pauvreté en droit. La Banque Mondiale se réfère au seuil de pauvreté, le niveau au-dessous duquel il y a la pauvreté : sont pauvres ceux qui vivent à moins de $ 1.25 par jour1. Il est évident qu’il ne s’agit pas de définition juridique de la pauvreté. De l’autre côté, la sociologie essaie de décrire la pauvreté par rapport à l’exclusion sociale : sont pauvres ceux qui, à cause du manque de ressources sont exclus de la société où ils vivent2 , ou au contraire : les exclus de la société tendent à s’appauvrir3. La philosophie et la religion donnent leurs propres explications.
Et le droit, que dit-il ? D’après les juristes la pauvreté c’est quoi ? La réponse est que « la pauvreté n’est pas définissable par le droit4 » et que le droit se réfère souvent aux autres disciplines. Par exemple, la Charte sociale européenne (révisée) dans son article 30, qui peut être considérée comme la disposition la plus progressiste en la matière au niveau international, protège le « droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale » mais aucune définition de la pauvreté n’est donnée. Même si on a recours au Rapport explicatif de la Charte (§ 114)5, on ne trouve pas de définition de la pauvreté.
De plus, le mécanisme juridique le plus important dans la lutte contre la pauvreté au niveau mondial, celui de la protection des droits de l’homme, n’a pas encore intégré la protection contre la pauvreté comme un droit mais comme une synthèse des droits. La pauvreté apparaît comme une violation, par exemple, du droit à la vie, au logement, à la santé, à l’éducation, au travail ou au développement. Il est vrai qu’aujourd’hui l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits de l’Homme (sociaux, civiques, économiques, politiques et de troisième génération) gagne du terrain6 et que la pauvreté n’est pas vue comme violation d’une catégorie des droits. Mais la non- reconnaissance de la protection contre la pauvreté comme un droit - le droit de ne pas être pauvre - pose une question dangereuse : si la pauvreté n’est qu’une synthèse de droits déjà reconnus et protégés, quelle est l’importance de continuer à étudier la pauvreté à la lumière des droits de l’homme ? Il suffit de protéger complètement tous les droits qui existent et la pauvreté disparaitra ! Il est évident que ces idées n’ouvrent pas vraiment des voies nouvelles.
Des outils spécifiques au droit existent
En même temps, le droit a une dynamique positive qui peut donner des solutions utiles.
Alors que l’économie ne propose que des mesures de nature financière, le droit dispose de plusieurs outils. Les systèmes nationaux et le système international des droits de l’Homme contiennent des droits sociaux et économiques qui sont directement liés à la pauvreté mais aussi des droits civiques et politiques qui, eux aussi, ont du sens social et/ou économique. Ce ne sont pas seulement, par exemple, le droit au logement et le droit à la santé qui sont indispensables pour les individus qui vivent dans la pauvreté7. Le droit à la propriété, un droit traditionnellement considéré de ladite première génération, a été interprété de telle manière que sa jouissance soit conforme au droit au logement des plus démunis8. De plus, le droit de non-discrimination joue un rôle stratégique parce que la pauvreté crée avant tout des discriminations et est créée par elles. D’ailleurs, le « statut social » est souvent inclus parmi les causes prohibées de discrimination9 et il est évident que ce terme se réfère aussi à la pauvreté. En outre, le droit au travail joue aussi un rôle-clé : le travail est le moyen le plus important de gagner sa vie et donc d’éviter la pauvreté. Sa réglementation protectrice des intérêts des travailleurs facilite la redistribution des ressources et la lutte contre les inégalités.
Parallèlement, le droit a une autre caractéristique qui lui permet d’appréhender le phénomène de la pauvreté en sa complexité. Le droit peut prendre aujourd’hui plusieurs formes. Le droit étatique traditionnel des corps législatifs démocratiquement élus coexiste avec le droit qui provient d’autres sources : les organisations intergouvernementales, les entreprises multinationales et les organisations non-gouvernementales ont leurs propres normes qui très souvent sont considérées comme du droit vrai ; elles créent des obligations et sont respectées par les sujets du droit10. Par rapport à la pauvreté, ce pluralisme juridique11a une importance particulière parce qu’il nous permet de mieux comprendre le problème, ses aspects modernes et ses causes multiples.
En conclusion, la relation entre le droit et la pauvreté n’est pas toujours cohérente. Il y a des difficultés et des problèmes mais la mobilisation constamment croissante du droit dans la lutte contre la pauvreté nous fait croire que ce sera le droit qui donnera le coup de grâce à la pauvreté dans les années à venir.