J’ai faim dans ma tête - pas seulement dans le ventre. C’est une faim de formation, d’avenir, c’est la faim d’avoir une place dans la société où les plus pauvres ne sont pas les bienvenus. Nous voulons apporter notre précieuse contribution à cette société. Cette faim que nous avons dans la tête doit être apaisée. Ce n’est pas seulement la bouche des pauvres qu’il faut nourrir.
Nous ne parvenons pas à rentrer dans cette société. Nous ne sommes pas désirés, on ne nous écoute pas. Nous nous sentons exclus et dans ces conditions nous ne pouvons pas offrir à nos enfants un meilleur avenir. La pauvreté que nous vivons se transmet à nos enfants ; or, pour nous, l’avenir de nos enfants c’est le plus important. Cette chaîne de la pauvreté doit être brisée.
Confrontés à des choix impossibles
Nous avons besoin de logements corrects, où il est possible à une vie de famille de s’épanouir. Mais il n’y pas de logements abordables pour nous, souvent même nous ne pouvons pas payer les cautions. Nous sommes ainsi toujours confrontés à des choix impossibles : si nous payons notre loyer, alors il ne reste plus assez d’argent pour manger. Une alimentation saine n’est pas à notre portée. Il faut toujours plus d’argent pour les loyers, alors, quand plus rien ne va, nous nous endettons. Et même dans le cas où nous avons un appartement, comment faisons-nous avec tous les autres soucis ? Par exemple les primes d’assurance maladie qui deviennent toujours plus chères, au point que presque plus personne d’entre nous ne parvient à les payer.
Empêchés de bâtir une famille
Pourquoi retire-t-on encore et toujours leurs enfants aux familles qui sont dans la pauvreté ? Une famille est faite pour être ensemble. Les plus pauvres ont aussi le droit de vivre en famille. On ne donne aucune chance d’apprendre et de bâtir une famille aux parents dont on retire les enfants. Dans l’avenir il serait préférable pour les enfants, pour leurs mères et aussi pour leurs pères, de bénéficier de logements adaptés avec un accompagnement adéquat, plutôt que d’avoir leurs enfants placés, car le plus important est que les enfants puissent grandir dans l’amour.
Nos enfants grandissent dans la pauvreté. Cela signifie beaucoup de renoncement, cela signifie être rejeté à l’école et vivre sous les moqueries des autres. Cela signifie l’échec. Ils aimeraient tellement être acceptés. C’est cela le plus dur pour les pauvres, ils cherchent l’acceptation et la sécurité qui leur sont refusées. Nous devons donner leur chance à ces jeunes, car c’est à eux qu’appartient l’avenir, pas à nous.
Emprisonnés dans la pauvreté
Il faut que cesse cette injustice, pour que la chaîne de la pauvreté qui perdure de génération en génération soit enfin brisée. C’est comme si la pauvreté était une prison : de tous côtés où l’on se tourne, on est devant un mur. Nos enfants se retrouvent devant ce mur et ne peuvent aller au-delà. Dans la pauvreté on ne nous laisse aucune liberté, surtout pas celle de franchir ce mur.
En recherche d’un lieu qui apaise la faim de nos têtes
La seule chose qui nous aide, nous qui sommes enfermés dans la pauvreté, c’est un lieu où avec d’autres personnes nous pouvons sentir que nous sommes aussi des être humains, un lieu où nous sommes écoutés dans le respect. Le Mouvement ATD Quart Monde nous offre cet espace où l’on ne fait pas « pour » nous, mais « avec » nous. L’Université populaire Quart Monde est ce lieu où l’on apprend les uns des autres et les uns avec les autres. Un lieu où nous sommes écoutés et où les gens prennent le temps d’apprendre de notre vie quotidienne, et comment ensemble nous pouvons agir autrement. Là, je sens combien je gagne en sécurité, combien je reçois toujours plus de force pour grandir. Soutenir cet espace de rencontre est un investissement pour l’avenir, car en ce lieu la faim que nous avons dans notre tête est apaisée. Là nous pouvons trouver notre place dans une société où presque personne ne veut écouter les pauvres. 2