Les enfants deviennent les pivots d’un vivre ensemble dans leur quartier. Comme d’autres parents dont la vie est très difficile, André Compaoré encourage enfants et parents pour que ce vivre ensemble renforce les solidarités. Il en a témoigné lors d’un séminaire international Pour une éducation réellement pour tous qui s’est tenu fin février 2013 à Ouagadougou dans le cadre de l'évaluation des OMD.
À Ouagadougou, avec le développement de l’urbanisation, beaucoup de familles pauvres sont repoussées à la périphérie de la ville, dans des zones « non loties ». Ces personnes viennent de partout et n’ont pas de liens communautaires. À l’initiative d’André Compaoré, des animateurs d’ATD Quart Monde sont venus le soutenir à Tanghin, là où il habite, pour lancer une action de partage des savoirs : animation autour du livre, activités d’éveil, création artistique autour de savoirs traditionnels… À partir des enfants, des liens se nouent peu à peu entre les parents…
L’éducation des enfants, ça c’est mon travail
L’éducation des enfants, ça c’est mon travail, parce que quand tu as été enfant de pauvre et que tu as un enfant, tu ne peux l’éduquer comme tu veux, il ne faut pas te référer à ceux qui sont riches.
Un jour ma fille m’a dit : « À l’école on m’a dit que j’étudie pour rien car je n’aurai jamais mon certificat, parce que mon papa est pauvre, il vide les WC, il fait des cordes pour les vendre». Je lui ai dit que ce n’est pas un problème, que ça va aller, qu’elle garde toujours son courage.
Il faut faire comprendre à ton enfant que tu es pauvre, mais tu ne lui promets pas quelque chose que tu ne peux pas lui donner.
Je pense qu’il y a des gens qui ont des enfants qui n’ont pas été à l’école et qui sont bien éduqués par rapport à d’autres enfants qui ont été à l’école.
De nos jours, tu ne peux pas conseiller seul ton enfant pour qu’il soit bien. C’est une autre personne qui va interpeller ton enfant et le corriger quand il fait des erreurs. Et toi également, si tu vois un enfant faire quelque chose qui n’est pas bon, tu dois l’interpeller et lui donner des conseils.
Ce que les enfants apprennent est bénéfique pour tout le quartier
Avant, dans notre quartier, les enfants s’amusaient seuls et étaient dispersés.
Ils partaient jouer au ballon et ils se bagarraient… Depuis que les animations ont commencé chez moi, les enfants se retrouvent tous les jeudis soir, et ils n’ont plus le temps de se frapper.
Si je rassemble les enfants ici, c’est pour que ça soit bénéfique pour moi et pour tout le quartier.
Maintenant, quand je rentre dans le quartier, on m’appelle le « Grand-père des jeudi-jeudi »… Je pense que ça a changé ma vie.
Quand les animateurs viennent ici c’est pour apprendre aux enfants ce qu’ils ne connaissent pas, ce qu’ils n’apprennent pas à la maison.
Un enfant qui est intelligent quand il rentre à la maison, il montre à ses parents et aux autres enfants ce qu’il a appris. C’est cela qui permet d’amener plus d’enfants.
Ce que les enfants viennent apprendre ici est bénéfique pour tout le quartier.
Avec les conseils qu’on leur donne, à l’école, quand le maître leur pose des questions, ils racontent ce qu’ils font aux « jeudi-jeudi » : qu’ils rentrent vite après les cours pour étudier, qu’ils ne se bagarrent plus entre eux.
Et si un enfant fait quelque chose qui n’est pas bien, ils lui disent de ne pas le faire.
Après les animations, je dis aux enfants de me montrer ce qu’ils ont fait pour que je puisse dire à leurs parents qu’ils ont bien travaillé. Quand je vois un parent je lui dis : « Ton enfant quand il vient chez moi, il est comme ci, comme ça ».
L’autre jour, un voisin qui a participé aux animations disait aux animateurs : « Votre présence ici, ça aide beaucoup le quartier. Ça prépare les enfants pour l’école et quand le maître dit de faire des dessins ou des travaux manuels ça leur permet d’avoir déjà la main, d’être beaucoup en avance.
Ce qu’ils sont en train d’apprendre les aidera demain pour devenir des menuisiers, des mécaniciens, des maçons. L’éveil artistique que vous leur donnez les prépare à faire ces métiers demain.
Et puis, si un enfant n’est pas venu à l’animation, le lendemain à l’école, ils se cherchent pour savoir pourquoi il était absent. »
Aujourd’hui il y a des parents que je ne connaissais pas, et grâce aux animations je les connais ; et il y a des parents qui ne me connaissaient pas et aujourd’hui qui me connaissent.
Aujourd’hui, on se connaît tous.