Les dettes, les crédits, les relations avec les banques

Participants à l’Université populaire Quart Monde

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Participants à l’Université populaire Quart Monde, « Les dettes, les crédits, les relations avec les banques », Revue Quart Monde [En ligne], 229 | 2014/1, mis en ligne le 07 juin 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5843

Les membres de l’UP Quart Monde d’Île-de-France (Paris) ont invité Dominique Delaporte, allié du Mouvement ATD Quart Monde, élu de sa commune pendant de nombreuses années, qui a cherché à défendre les citoyens de sa commune contre les abus des banques ou des sociétés de crédit.

On s’endette souvent pour le nécessaire

M. M. : Il y a les dépenses qu’on est obligé de faire, par exemple le loyer, l’assurance, les cantines, l’EDF… et j’en passe ! Et puis, il y a les folies : faire un peu de magasins, les fêtes comme Noël...

M.M. : Je trouve que le portable, c’est du luxe. Mais quand on n’a pas de téléphone, on est coincé ! Et pour le téléphone de la maison, on peut s’endetter, ça m’est arrivé. On n’est pas toujours à l’abri !

C. P. : Si on peut pas payer le logement, soit c’est qu’on n’a pas trop d’argent, soit il y a autre chose qui est plus important qu’il faut régler avant, et après les retards de loyers s’accumulent : un mois, deux mois... après on n’arrive plus à repartir. C’est très compliqué. Depuis l’euro, on ne peut plus sauter un mois comme ça.

N. C. : Le portable, c’est vital : quand j’étais à la rue, si je n’avais pas eu mon téléphone portable, pour faire le 115... C’était aussi mon seul lien avec les gens qui, au fil du temps, ont bien voulu me tendre la main.

M.Z. : Il y a deux mois que je n’ai pas chargé mon téléphone. Ce n’est pas possible d’être obligé de parler, consommer tout l’argent avant de charger, sinon vous le perdez... Ce n’est pas la liberté, on est obligé de consommer.

E. B. et B. B., pour le groupe des alliés : Les crédits qu’on a eus, c’était pour acheter notre logement. (…) Au moment de l’emprunt, et c’est très injuste, souvent les banques demandent des cautions par rapport aux familles et aussi des assurances par rapport au chômage éventuel.

Les banques font payer cher le manque d’argent

G. C. : Je travaillais très bien. J’avais pris un emprunt de 6000 FF, à l’époque. Je croyais que je pouvais payer mes dettes, mais après, j’ai été terrassé par la maladie. Jusqu’à présent, je ne travaille pas, alors, ces dettes n’en finissent pas. C’est grave de vous donner un crédit, sans mettre l’assurance.

H. P. : J’ai reçu trois lettres de la banque, qui a réservé 10.000 € pour moi. A la troisième, j’ai été rencontrer mon conseiller, j’ai dit : je n’ai pas besoin de crédit, moi ! Vous me prenez pour une imbécile.

M. M. : J’étais à découvert tous les mois et j’avais des agios. Puis ils m’ont envoyé une lettre recommandée en me disant que je ne gagnais pas assez, qu’ils fermaient mon compte et que je devais trouver une autre banque.

M. M. : C’était pour l’achat d’une voiture. C’est le garagiste qui m’a fait le crédit et ça s’est bien passé. J’ai eu la voiture, il n’y a pas eu de problème. Mais ça peut arriver qu’on soit bloqué par un manque d’argent pour rembourser. Pour une autre personne qui a voulu acheter une moto à crédit et la moto est volée et la personne tombe au chômage. C’est un engrenage. Il faut quand même qu’elle rembourse.

A. Z. : Je ne comprends pas, la banque m’a pris 70 € sur une prime de retour à l’emploi de 900 €, au dépôt du chèque. Et la deuxième question, en une semaine, on m’a pris 93 € de frais bancaires ! Il y avait de l’argent sur le compte, ils ont refusé les prélèvements, et ils ont pris les frais.

L’invité : Les banques manipulent leur client, quel qu’il soit, et ont toujours un double discours. Il y a les directions générales, qui parlent avec les ONG, avec les services de l’État, et ils leur disent : on va mettre un frein à nos propositions de crédits, dans toutes nos agences, on va former quelqu’un pour pouvoir recevoir les gens qui sont en difficulté financière, etc. Et ils ont un autre discours avec leurs collaborateurs dans les banques, en leur disant : ce qui nous intéresse, c’est que vous fassiez des crédits renouvelables, même si vous n’êtes pas toujours sûrs que les remboursements iront à leur terme. (…)

Vous parlez aussi des prélèvements abusifs. Tous les salaires, le RSA, les allocations, etc. sont virés sur un compte que vous avez ouvert dans une banque. La banque a la main sur votre argent. Elle fait ce qu’elle veut, à l’intérieur d’un minimum de garanties de la loi. Et quand un prélèvement arrive le 3 du mois, et que vos versements arrivent, eux, le 10, le compte est à 0, ou le compte est déjà à découvert, mais la banque va quand même payer, parce que dans trois jours, elle va recevoir le RSA, elle a la main dessus, elle est sûre d’être payée. Et elle vous compte des agios, qui vont entre 16 % et 19 %, suivant les cas, parce qu’on n’applique pas le même agio à tout le monde : les gens qui ont de l’argent sont capables d’avoir des frais d’agios moins importants. (…) Le problème de fond est une affaire de citoyenneté, on a tous à réfléchir là-dessus. La banque est un monde difficile et qui a pour objectif premier de faire rentrer de l’argent.

Les crédits à la consommation

C. P., pour le groupe de Trappes : Un couple emprunte 5000 €, il y a cinq ans, pour payer l’orthodontiste d’un enfant. Le prêt est obtenu par les deux parents, avec un taux d’intérêt de 18,6 %, pour une durée de quatre ans. Le remboursement mensuel s’élève à 128 €. Les parents se séparent. Le parent qui est parti ne paye pas sa part. On ne sait pas où il est. Pendant deux ans, le parent qui reste ne peut rien rembourser : un seul salaire et quatre enfants à la maison. Le parent est en arrêt maladie depuis plus de six mois. Les indemnités journalières ne sont pas versées par la Sécurité sociale, parce que l’employeur n’a pas fait le nécessaire. Donc il n’y a plus de ressources. La situation est intenable. L’organisme de crédit harcèle par courrier et téléphone. Devant l’impossibilité de rembourser, la maman fait une demande de dossier de surendettement en juin, avec l’aide de son assistante sociale. En octobre, le dossier est accepté. Elle attend, maintenant, le plan d’apurement.

L’invité : À propos des crédits Cofinoga ou Cetelem, vous avez dit : « On est assailli par les coups de téléphone et les lettres ». Je conseille toujours aux gens de faire le mort. Parce que, de toute façon, il n’y aura aucune action de ces gens-là, sans qu’il y ait une décision de justice. Il faut savoir que, quand vous avez un crédit revolving de 2 000 €, ou 3 000 €, vous ne payez toujours que les intérêts. Vous ne remboursez pas le capital. Le problème est fait pour que vous ne puissiez pas rembourser le capital, c’est-à-dire qu’on vous incite toujours à la consommation : le boulot de votre interlocuteur est d’utiliser, en permanence, les 3000 € qu’il a mis à votre disposition. Les banques empruntent entre un et demi et deux et demi pour cent. Et à partir du moment où les gens qui empruntent à deux pour cent, vous prennent à 12 %, ou, dans les crédits revolving, à 18 ou 19 %, ils peuvent accepter une perte de 15 % de remboursements qui n’iront pas à leur terme. D’autant plus qu’en fin de compte, il est très rare que les emprunts ne soient pas remboursés, dès le premier versement. C’est au fil du temps que la situation se dégrade.

Des solutions :

Discuter avec l’organisme concerné

M.-F. F., pour le groupe de Créteil : Une personne de notre groupe a dit : « J’ai eu des dettes sur les loyers quand je me suis séparé de mon conjoint. Comme je ne travaillais pas à plein temps, je ne pouvais pas arriver à payer. Après j’ai vu une association, "Action plurielle". J’ai récupéré l’allocation de rentrée et les allocations de la CAF sur mon compte. La CAF m’a mis sur parent isolé. Avec l’argent de la CAF et l’argent de mon travail, j’ai pu m’en sortir. »

L’invité : Quand on arrive à discuter avec le bailleur, on arrive à trouver des solutions. C’est la même chose pour l’eau, ou avec la cellule sociale de l’EDF : ces gens-là sont très compréhensifs. Il faut discuter avec eux l’étalement de la dette. Pour ça, les associations sont très importantes.

E. D. : Au mois de juin, ma fille a perdu son deuxième enfant. Comme elle avait toutes les aides, elle payait son loyer et tout allait bien. Quand le petit est décédé, elle a été voir l’assistante sociale qui lui a dit : on vous a aidée pour le premier, débrouillez-vous pour le deuxième. Elle n’a pas le droit au crédit parce qu’elle a peu de ressources, si bien que les loyers n’ont pas été payés et elle se retrouve en mesure d’expulsion, à la fin de la trêve hivernale. Donc, un décès peut mettre en dette.

A. Z. : Il y a quelqu’un qui s’est fait passer pour la Sécurité sociale, ils ont appelé le voisin d’en dessous, pour savoir si j’étais bien à la maison. Il voulait savoir ce que je touchais comme ressources. Alors, je lui ai dit, maintenant vous m’envoyez un courrier postal, comme quoi c’est bien vous qui allez appeler.

L’invité : Cette vie devient de plus en plus compliquée, c’est de moins en moins compréhensible, pour beaucoup de gens, et il y a un tas de choses qu’on fait par téléphone ! On vous change votre crédit de téléphone, par téléphone, on vous dit : vous voulez ça, ça se fait par téléphone... Il ne faut pas accepter. Il faut leur dire : vous me confirmez ça par courrier.

Les micro-crédits

L’invité : De temps en temps, on a quand même besoin d’un dépannage, on peut faire un crédit mais pas à 20 % ! Il y a des microcrédits, qui peuvent aller jusqu’à 3000 €, voire 4000 €, dans certains cas. Ils sont présentés à une banque, souvent à la Poste, par une association. Les travailleurs sociaux sont à même de vous donner le nom de gens qui montent le dossier, et là on arrive à des taux très raisonnables, de 2,5 % ou 3 %.

Vendre ses objets

E. S., pour le groupe d’Aubervilliers : On voit de plus en plus, en région parisienne, des boutiques comme Cash converters, où on peut tout vendre, mais où on ne reçoit presque rien. Par exemple, pour un téléphone qui vaut 400 €, on se voit proposer 40 €. Mais si on veut le racheter, il faut payer un prix beaucoup plus élevé. Il y a aussi de plus en plus de boutiques qui rachètent de l’or. Elles rachètent, mais ne vendent rien, c’est aussi un signe de misère. Quand on a besoin d’argent, on ne peut pas vraiment négocier, on est obligé d’accepter de vendre des objets pour moins que leur valeur. Il y a d’autres solutions : on peut porter ses objets au Crédit municipal. On obtient plus et on a le droit de racheter cet objet, un tout petit peu plus cher, pendant un an et un jour. Il y a aussi des formes de crédit solidaire, les tontines qui sont organisées entre des gens qui se cotisent les uns pour les autres, on peut même faire ça par internet : on donne dix euros, et on construit ainsi de la confiance.

Le dossier de surendettement

N. C., M. L., M.M. et C. G. pour le groupe des Yvelines : Quand on perd son travail et qu’on reste au chômage longtemps, et qu’on doit faire vivre une famille de cinq personnes, c’est très difficile. Les ressources sont insuffisantes et on n’arrive plus à gérer son budget. Même si on ne veut pas prendre de crédit, les factures courent et on ne peut plus les payer. Le compte est à découvert et la banque ne dit rien, elle laisse faire. Avec les assistantes sociales, on fait un dossier de surendettement, on va à la Banque de France, on n’a plus de compte courant ni de carte de crédit. On apprend à gérer son budget, avec une conseillère en économie sociale et familiale. Le livret A, carte de retrait ! Ça permet de retrouver un équilibre de budget, ça sécurise, ça rassure ! Avec un livret A, on ne peut pas faire de découvert !

C. Le G. : Je connais une famille qui a fait un dossier de surendettement, on a effacé les dettes et elle a sauvé son toit. Par contre, elle a eu une obligation, parce qu’il y a des crédits qui sont pathologiques, ils continuent à payer leur loyer. Ils se sont adressés à une association, l’UDAF, l’Union d’entraide aux familles, ça peut solutionner des dettes.

L’invité : En ce qui concerne les dossiers de surendettement, un des critères d’acceptation par la Banque de France, c’est ce qu’ils appellent la bonne foi. A partir du moment où la bonne foi du débiteur est prouvée, la commission regarde ce que vous avez comme rentrées, ce que vous avez comme dettes, et surtout comme dettes incompressibles, le loyer, l’eau, l’électricité... et puis ils regardent s’il reste quelque chose, qui est alors affecté au remboursement de la dette. C’est un peu handicapant, parce que vous avez du mal à retrouver une certaine autonomie, vos systèmes de paiement deviennent très compliqués, etc. Mais déposer un dossier de surendettement est un argument : quand vous avez des gens qui sont trop pressants, parce qu’ils veulent absolument être remboursés, et que vous leur dites : la famille Untel ne peut pas, pour le moment, ou vous essayez d’être patient et on rediscute un étalement de la dette, sans majoration des frais, ou on dépose un dossier de surendettement. Ça les ennuie beaucoup. Mais si on peut éviter le dossier de surendettement, il faut l’éviter parce que ce n’est pas facile à vivre. Mais c’est une solution. Et puis si vous respectez les échéances, ça ne va jamais à l’apurement de la dette.

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