Alfonso Gomez-Rajon. This is not a love story

Film, 2015

Marie-Hélène Dacos-Burgues

p. 40-41

Bibliographical reference

Alfonso Gomez-Rajon. This is not a love story, Film, 2015

References

Bibliographical reference

Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Alfonso Gomez-Rajon. This is not a love story », Revue Quart Monde, 238 | 2016/2, 40-41.

Electronic reference

Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Alfonso Gomez-Rajon. This is not a love story », Revue Quart Monde [Online], 238 | 2016/2, Online since 15 October 2016, connection on 29 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6621

Tout est déjà résumé dans le titre du livre de Jesse Andrews dont il est tiré : Me and Earl and the dying girl1 . De même l’est-il aussi, sur un autre aspect de l’histoire, dans le titre choisi pour l’adaptation du roman au cinéma, This is not a love story2. Tous les protagonistes âgés de dix-huit ans sont déjà présents dans les titres : Greg personnage central introverti, Earl son ami de longue date avec qui il réalise de petites parodies de films qu’ils ont aimés, et Rachel une ancienne copine de classe maternelle, atteinte de leucémie, que la mère de Greg exige qu’il aille voir pour lui être un soutien moral. Les situations sont celles annoncées : une jeune fille mourante et une histoire qui n’est pas une histoire d’amour mais peut y faire penser. Greg est ce jeune homme emprunté qui ne vit pas réellement « bien » - il évite les contacts avec les gens, ceux de son âge surtout, ceux de son lycée en particulier - et qui par lassitude finit par obéir à sa mère, après avoir bien clairement énoncé cette vérité qui rendait l’entreprise très suspecte : « mais je ne parle jamais avec Rachel, ce n’est pas une amie ». Après avoir surmonté le rejet de Rachel pour les mêmes motifs, après lui avoir demandé humblement : « Accepte que je passe une journée avec toi, sinon ma mère va me pourrir la vie », Greg va vivre, pendant six mois, une histoire qui le rapprochera de plus en plus de Rachel.Toujours dans la dérision, détaché, sans emphase et sans romantisme mais retenu simplement par ce fil qui se tisse jour après jour autour de leur sincérité évidente. Greg et Rachel restent vrais dans leur refus de la pitié. C’est la force du film, cette vérité qu’ils sont seuls à partager, qui n’est perceptible que par eux-mêmes et qui n’a que faire des conseils de Earl : « Touche ses nibards, elle n’aura jamais plus l’occasion ».

Ce film3 se situe dans un entre-deux, entre la vie et la mort, entre la dérision et l’angoisse, entre la comédie et le drame, entre l’enfance et l’âge adulte, entre l’amitié et l’amour, entre la pitié (un peu faussée) et l’amitié vraie. C’est ainsi qu’il nous plonge au cœur des grandes questions qui se posent aux jeunes lors de la sortie de l’enfance. L’hommage au cinéma - le film est plein de clins d’œil aux classiques du septième art, depuis Kurosawa, Coppola, Kubrik, Truffaut, jusqu’à Scorsese dont le réalisateur a été un temps stagiaire - est aussi une façon de situer la vie de ces jeunes, non seulement dans un lycée caricatural, avec des parents assez pitoyables, mais avec les préoccupations de leur âge. La distance mise - sciemment ou non - entre les personnages reste tout au long du film perturbante, comme si rien de cela n’était vrai, comme si la dérision allait prendre le pouvoir, comme s’il n’y avait en apparence, aucune profondeur dans les sentiments. Cela donne évidemment au film une sorte de confusion. Sans doute est-elle voulue comme étant justement celle dans laquelle se débat Greg. La leucémie, qui ravage le corps de Rachel, n’est pas montrée sous un jour catastrophiste. Elle n’est apparente que par certains de ses aspects extérieurs (tête rasée). Puis Greg et Earl feront - avec de grandes difficultés - un film spécialement pour Rachel, qui l’ayant vu, tombe dans le coma et meurt. Mais tout cela reste sobre et plutôt léger. Greg découvre par la suite que Rachel l’a aidé en secret dans une démarche pour entrer à l’université. Voilà un film sur un gamin égocentré, qui nous fait du bien.

Et le lien avec la pauvreté ?… Il y en a un. Vous avez trouvé ? Non ? Alors cherchez bien…

Pour nous, comme pour les pauvres, il y a des moments dans la vie où la pitié d’autrui est certes la bienvenue. C’est lorsqu’il n’y a plus rien d’autre à quoi se raccrocher. Malheureusement c’est une relation asymétrique qui porte en germe une tristesse infinie. Ce qui semble plus humain ou plus naturel, c’est qu’on puisse parvenir à s’émanciper des injonctions dites « morales », à rompre avec cette asymétrie - à petits pas -, à établir une véritable relation qui tende à l’égalité et donc à une sincérité plus adaptée : celle d’une amitié véritable. Cette transformation est celle qui a fait évoluer Greg et Rachel. Cela est, je crois, l’essentiel de ce que l’on peut retenir de ce film, qui a été primé au festival de Sundance 2015.

1 En français, Moi et Earl et la fille mourante.

2 En français,Ceci n’est pas une histoire d’amour.

3 Film d’Alfonso Gomez-Rejon, USA, 2015, avec Thomas Mann, Olivia Cooke, RJ Cyler, scénario de Jesse Andrews.

1 En français, Moi et Earl et la fille mourante.

2 En français,Ceci n’est pas une histoire d’amour.

3 Film d’Alfonso Gomez-Rejon, USA, 2015, avec Thomas Mann, Olivia Cooke, RJ Cyler, scénario de Jesse Andrews.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

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