Depuis son enfance au milieu des plus pauvres, une conviction habitait le père Joseph Wresinski : le chrétien naît le regard tourné vers le plus misérable ; l’Église, c’est les pauvres, réellement. Là où l’homme le plus méprisé est oublié, l’humanité est cassée, l’Église absente, le Christ bafoué. Ce livre-interview réalisé par Gilles Anouil, ancien rédacteur en chef de Preuves et rédacteur en chef adjoint de Réalités montre bien comment le message du père Joseph, sa vie personnelle et la création du Mouvement ATD Quart Monde ont été intimement mêlés. En même temps il fait toucher du doigt à quel point on peut ignorer l’existence et l’ampleur de la grande pauvreté.
« Je n’ai pas connu le père Joseph, nous dit Michel Serres, mais j’ai lu avec beaucoup d’attention ses écrits, et j’ai été frappé comme philosophe par la vigueur de sa pensée. Quand on est très loin de ce qui touche à la misère, on attend un discours presque convenu, celui que dans les journaux on appelle caritatif. Et je m’attendais comme tout le monde à ce genre de discours. Eh bien pas du tout ! J’ai trouvé dans ses textes une pensée qui interrogeait avec une vivacité surprenante et une vigueur extraordinaire - ce justement dont j’avais besoin - l’histoire, les sciences humaines, la sociologie, l’ethnologie même, l’économie, la politique, la culture, l’apprentissage, et qui les interrogeait de telle façon que je conseille désormais à mes étudiants de lire les écrits du père Joseph. »