Naître en Tanzanie

Bruno Dulac

p. 31-32

References

Bibliographical reference

Bruno Dulac, « Naître en Tanzanie », Revue Quart Monde, 241 | 2017/1, 31-32.

Electronic reference

Bruno Dulac, « Naître en Tanzanie », Revue Quart Monde [Online], 241 | 2017/1, Online since 15 September 2017, connection on 12 December 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6797

Dans le secteur de Kunduchi, au nord de Dar Es Salam, au milieu des carrières de pierre, l’équipe d’ATD Quart Monde et quelques familles engagées auprès de leurs voisins ont mené une action permettant aux enfants d’être déclarés à l’état civil. Se soutenir dans les démarches auprès des autorités, faire face à la peur, à la honte, et se faire reconnaître comme des interlocuteurs à part entière, étaient leur défi.1

Index géographique

Tanzanie

Nous avons démarré sur ce lieu une action de soutien à l’enregistrement des naissances au début du mois de mai 2010. Pendant plusieurs mois nous avons tenu une permanence hebdomadaire dans un bar, le Kiaron Inn. Très vite les familles se sont présentées spontanément par dizaines, venant de Mtongani mais aussi des environs, et pas seulement des familles très pauvres, ni même pauvres dans certains cas. Au travers de ces familles, nous avons essayé d’en atteindre d’autres […]

Un exploit au quotidien

On démarre près du Kiaron Inn, il est facile d’expliquer pourquoi nous cherchons à rencontrer chaque famille, les gens nous connaissent et savent ce que l’on fait là. En parlant avec une Mama qui tient une boutique microscopique, on découvre qu’elle est venue nous voir il y a un an, nous avions commencé à préparer un dossier pour son enfant et puis plus de nouvelles ; on essaye de l’encourager à reprendre la procédure avec nous. Mwanaidi2, une maman qui se trouve là, nous entend parler d’enregistrement à la naissance et nous dit qu’elle est intéressée, elle a plusieurs enfants. Quand on lui demande si elle a des documents relatifs à leur naissance, elle nous propose de venir chez elle. Elle habite à environ 300 mètres, il faut franchir deux clôtures pour atteindre un terrain vague sur lequel rouillent quelques vieilles machines de chantier. Au milieu du terrain, cinq enfants sont en train de jouer. Mwanaidi nous donne deux seaux pour nous asseoir et elle part chercher les documents dont elle dispose, dans une toute petite « maison » sur le bord du terrain. Après quelques minutes, deux hommes arrivent et nous saluent, on apprendra qu’il s’agit de Juma et Saidi, le compagnon et le frère de Mwanaidi. Depuis la maison, Mwanaidi appelle son compagnon pour qu’il l’aide à trouver les documents. Pendant ce temps Naima, la compagne de Saidi, arrive avec deux enfants. Après un assez long moment, Mwanaidi et Juma reviennent avec les documents en question pour trois enfants ; pour les deux autres ils n’ont rien. Je commence à noter les informations concernant l’état-civil des enfants, à prendre des photos pour les photos d’identité, pour les cinq enfants de la première famille et les deux enfants de la deuxième famille. Pour une première rencontre, c’est rapide… Il se met à pleuvoir, on continue un peu sous la pluie, mais en cette saison les pluies sont violentes et on doit se replier tous à l’abri dans la petite maison. À part les deux plus jeunes, les enfants ont trouvé un autre refuge. Nous voilà donc six adultes et deux enfants à l’abri dans une pièce dont je découvre l’exiguïté, environ 2,5 m sur 3. Quelques nattes roulées par terre, évidemment pas un meuble ni une étagère. De gros sacs de plastique tissé, bourrés de toutes leurs possessions sont accrochés au mur, en hauteur, pour laisser la place libre au sol. Une minuscule fenêtre est fermée par un volet de bois et la porte gardée ouverte laisse rentrer la lumière, et la pluie. C’est alors que je réalise l’exploit de Mwanaidi et Juma : au fil des années, dans un dénuement inimaginable, ils ont su conserver et protéger les documents qu’ils savaient précieux et le moment venu ils ont su les retrouver en un temps qui m’apparaît maintenant comme un temps record…

1 Voir aussi son article « Gagner l’éducation pour tous en Tanzanie » in RQM 219, août 2011, p. 29.

2 Les noms ont été changés.

1 Voir aussi son article « Gagner l’éducation pour tous en Tanzanie » in RQM 219, août 2011, p. 29.

2 Les noms ont été changés.

Bruno Dulac

Bruno Dulac est volontaire d’ATD Quart Monde. Après avoir été dans l’équipe de Tanzanie de 2007 à 2013, il est actuellement au Centre international en France, en charge de l’administration et des finances.

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