Alejandro Gonzalvez Inarritu, Biutiful

Film Espagne Mexique, 2010

Marie-Hélène Dacos-Burgues

p. 56-57

Référence(s) :

Alejandro Gonzalvez Inarritu, Biutiful, Espagne-Mexique, 2010, avec Javier Bardem, Maricel Alvarez, Eduard Fernandez, Diaryatou Daff

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Alejandro Gonzalvez Inarritu, Biutiful  », Revue Quart Monde, 217 | 2011/1, 56-57.

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Alejandro Gonzalvez Inarritu, Biutiful  », Revue Quart Monde [En ligne], 217 | 2011/1, mis en ligne le 01 août 2011, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7377

Voilà un film qui interpelle.

Un film sur la violence de la vie dans les lieux de misère avec un personnage central d’une grande puissance et d’une profonde humanité. Javier Bardem a obtenu le prix du meilleur acteur au festival de Cannes 2010 pour ce rôle, créé pour lui par le réalisateur. Uxbal vient d’apprendre qu’il lui reste trois mois à vivre pour cause de cancer de la prostate non soigné. Il nous entraîne dans sa vie quotidienne auprès de ses deux enfants, auprès de l’extravagante mère de ses enfants Marambra, très border line (l’actrice argentine Maricel Alvarez), auprès de ces immigrés chinois ou sénégalais qu’il aide comme il peut, mais aussi dans la recherche d’une compréhension de sa relation avec un père exilé au Mexique sous le franquisme et mort en exil. L’action se situe dans une espèce de cour des miracles, un véritable quartier de Barcelone, ancien ghetto des rebelles catalans, où grouille une population d’immigrés de tous les continents. On découvre petit à petit que Uxbal est tout en ambivalence : il est un peu médium, il profite sans aucun doute de la misère des autres - il est un rouage du travail clandestin des chinois - mais il est aussi leur seul recours. Pauvre lui-même, doué de capacités d’organisation, il a des contacts avec une police qui parfois ferme les yeux moyennant finances. Il est à la fois attentif aux autres, prêt à aider plus pauvre que lui, capable de favoriser la corruption et victime comme les autres de ce système parallèle et pervers qui les font tous vivre. C’est le monde de la nuit, de ceux qui se débrouillent, ne pensent pas à demander des papiers ni des droits. C’est le monde de la noirceur : la mère des enfants, Marambra, le frère d’Uxbal, les clients des boîtes de nuit, les prostituées, les patrons des travailleurs clandestins se disputent le sordide. Suivant les heures de la journée, tous ces protagonistes sont cachés ou s’exhibent en plein jour dans une grande ville de notre époque moderne. Ce film profond, dont le sujet semble être de nous montrer dans Barcelone – au-delà de Ramblas et des œuvres de Gaudi - une société de tous les trafics, de toutes les peurs, de toutes les injustices, ce film donc a une puissance qui ne réside pas dans la simple dénonciation, mais dans la compassion que Uxbal a pour ses semblables, ses frères humains. Il provoque, en quelque sorte en retour, une certaine empathie pour les humains qui se débattent dans ce monde de la noirceur et un certain attendrissement pour Uxbal lui-même, dont personne ne se soucie sauf une vieille femme qui le prépare à se détacher de la vie et à mourir. Un autre personnage, Diaryatou Daff, coiffeuse clandestine dans le réel, joue le rôle d’une femme qui cherche à se sauver, un rôle proche de son propre vécu. Ce n’est pas un film tiède ni bien-pensant. C’est sa force.

La lumière n’en est pas absente. Elle réside bien entendu dans le regard des enfants pour leur père mais aussi dans les petits gestes des uns et des autres, pleins de bonté. On a comparé le réalisateur à Dostoïevski pour sa quête spiritualiste. Cela ne me semble pas faux.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

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