Karen Blixen, La ferme africaine

Traduit de l’anglais « Out of Africa », première éd. 1937, Ed. Gallimard, « Du Monde entier », collection Folio n° 1037, Paris, 1986 ,500 pages

Mary Rabagliati

Référence(s) :

Karen Blixen, La ferme africaine, Traduit de l’anglais « Out of Africa », première éd. 1937, Ed. Gallimard, « Du Monde entier », collection Folio n° 1037, Paris, 1986, 500 pages

Citer cet article

Référence électronique

Mary Rabagliati, « Karen Blixen, La ferme africaine », Revue Quart Monde [En ligne], 122 | 1987/1, mis en ligne le 01 septembre 1987, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7728

Karen Blixen, femme écrivain danoise du début du siècle, est l’auteure de plusieurs livres, dont « Out of Africa », qui a prêté son nom au film du même titre.

Née en 1885, issue de la noblesse danoise, elle est partie à 29 ans avec son mari au Kenya, fonder une plantation de café. Elle y est restée 16 ans, d’abord avec son mari, puis seule après leur séparation. Elle a quitté la ferme qui n’était plus rentable et a été obligée de tout vendre.

Ce livre est l’histoire de sa vie en Afrique. Ce sont des flashs : les portraits des gens qu’elle a connus par la vie, les évènements de la ferme et du pays, ses relations, ses découvertes... Elle raconte sa vie et celle des familles Kikuyu sur la ferme, désignées par les colons britanniques comme « squatters » puisqu’ils n’ont aucun droit sur les terres qu’ils travaillent.

Ce qui frappe à travers ses récits, c’est sa rencontre et sa découverte des peuples africains : les Kikuyu, les Masai, les Somalis. Elle observe et décrit leur harmonie avec la nature, avec les animaux, les plantes, le temps, et à travers cela, avec Dieu et les esprits : ce qu’elle appelle « le rythme de l’Afrique. » Ses descriptions nous font rêver : les images évoquent la chaleur, le silence, le temps. Marcher à ce rythme permet la rencontre entre les hommes, ainsi elle perçoit les Africains dans leur élément, comme « des poissons en eau profonde. » C’est une richesse et un savoir-vivre que les Européens ont perdu en interrompant cette communion avec la nature.

Karen Blixen ne prétend pas connaître les Africains. Elle dit : « Je suis incapable de les comprendre, mais eux me connaissent. » Elle explique qu’ils savent d’avance ce qu’elle va faire, les décisions qu’elle va prendre. Ils ont l’art d’observer, mais ne la jugent pas. Elle se sent très proche d’eux, et en même temps immigrante. Elle reste toujours l’étrangère venue d’ailleurs.

Ce que j’ai aimé dans « Out of Africa », c’est cette démarche pour découvrir un peuple sans essayer de tout comprendre, ni de tout changer. Même si elle réussit à fonder une école pour les enfants des familles kikuyu vivant sur sa ferme, et même si elle soigne les malades, elle se trouve obligée de respecter la logique et le rythme de ces peuples qui tiennent à leurs croyances et à leurs traditions.

Le film est bien décevant à cet égard, car il ne reflète en rien cette sensibilité. Il ne traduit pas non plus la délicatesse avec laquelle elle a peint les richesses et la sagesse des Kikuyu. Elle quitte le Kenya en perdant tous ses biens, mais infiniment enrichie par toutes ces années !

CC BY-NC-ND