N°254, Juin 2020 Temps libre, temps de liberté

Textes attendus pour le 1° avril 2020

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« N°254, Juin 2020 Temps libre, temps de liberté », Revue Quart Monde [En ligne], Appel clôturés, mis en ligne le 29 novembre 2019, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8376

En 1936, le gouvernement du Front Populaire faisait adopter en France la loi créant les congés payés. En 1981, le premier gouvernement de François Mitterrand comptait en ses rangs, en la personne d'André Henry, un ministre du Temps libre. Des initiatives analogues se développèrent en d'autres pays d'Europe occidentale.

Sous d'autres cultures, l'idée d'un droit aux vacances, aux loisirs - pensons aux États-Unis -, ne s'est pas répandue de la même façon, sans parler des autres continents où l'idée même de temps libre, dans une vie toute entière vouée au travail et à la lutte pour vivre et survivre, reste un horizon inimaginable pour la grande majorité des habitants. Même si, pour les classes plus aisées, le tourisme de masse ne cesse de prendre de l'ampleur.

Faut-il donc reléguer au rang des utopies aujourd'hui impayables l'idée même de temps libre ? « Conduire, comme se le proposait André Henry, par l'éducation populaire, une action de promotion du loisir vrai et créateur et de maîtrise de son temps », relève-t-il aujourd'hui d'un idéal irréaliste confinant à l'encouragement à l'oisiveté ?

Tout en proclamant leur volonté d’« activer les inactifs », de réveiller les soi-disant « drogués de l'assistance », celles et ceux qui sont dans la course pour la participation à la vie économique et sociale de nos pays ne se privent pas, en ce qui les concerne, de temps sabbatiques, de mises en congé volontaire, de temps de formation et de recul, de voyages planétaires pour élargir leurs horizons, enrichir leur connaissance du monde, accroître encore leur bagage culturel. Alors que celles et ceux qui sont privés de travail de manière durable sont également les plus éloignés de tout accès aux loisirs et plongés ainsi dans une sorte de mort sociale à petit feu.

Réaffirmer aujourd'hui le droit au temps libre, loin d'être un combat d'arrière-garde, est un combat d'avenir. Les expériences en la matière, qu'il s'agisse d'accès aux vacances ou de la fréquentation d'un musée, de la participation à une chorale ou à un atelier créatif, démontrent à quel point le temps libre peut permettre aux uns et aux autres, sans laisser personne de côté, d'acquérir et de développer une culture universelle dont nous savons bien qu'elle est la clé de la participation à la vie économique et sociale d'aujourd'hui.

À contre-courant du discours ambiant qui tend à culpabiliser ceux qui, happés par le chômage, ne participent pas ou plus à la production, « libérer les plus humbles du complexe de l'oisiveté », pour reprendre un autre propos d'André Henry, ne serait-il pas le moyen le plus sûr pour qu'ils puissent reprendre une part active à notre devenir commun ?

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