La justice en première urgence

Isabelle Pypaert Perrin

p. 1

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Bibliographical reference

Isabelle Pypaert Perrin, « La justice en première urgence », Revue Quart Monde, 254 | 2020/2, 1.

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Isabelle Pypaert Perrin, « La justice en première urgence », Revue Quart Monde [Online], 254 | 2020/2, Online since 01 June 2020, connection on 20 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8680

Début avril 2020. Avec la pandémie de Covid-19, notre temps est bousculé. Le temps des personnes isolées qui n’ont plus de visite, celui des soignants épuisés, des familles entassées dans de petits logements où on étouffe, des personnes sans logement confinées dans un dortoir. Le temps de ceux qui ne gagnent plus un sou, celui des malades et de leurs proches, des voisins qui s’entraident. Le temps de ceux qui se trouvent dans le vide et de ceux qui remplissent enfin leurs journées d’opéra ou de lecture. Le temps des employés de supermarchés, des boulangers, des éboueurs, des agriculteurs dont nous dépendons tous. Le temps des enfants qui font leurs devoirs, de ceux qui n’y arrivent pas, pas plus qu’avant à l’école, le temps des enseignants qui leur courent après. Le temps des autorités et des institutions qui doivent prendre les bonnes décisions dans l’urgence. Comme les familles très pauvres ont à le faire sans cesse, acculées à faire face à l’urgence tout en étant obligées de penser à l’avenir sans en avoir vraiment les moyens. Nous sommes bousculés. Nous redécouvrons que nous ne sommes rien les uns sans les autres, rien sans la terre non plus. Et finalement, nous voilà tous dans un temps commun, « Face à une même responsabilité », comme le dit Priscilla, jeune militante Quart Monde : « Protéger nos aînés, veiller aux plus fragiles, réfléchir aux gestes de solidarité que l’on peut poser et surtout les rendre durables ». Un temps commun qui ne met pas fin aux injustices, il les rend même plus visibles. Des personnes, des familles, des communautés entières, des pays aussi, payeront plus cher que d’autres le prix de cette crise. Lorsque la pandémie sera enfin derrière nous, que ferons-nous ? Recommencerons-nous comme avant ? Ou développerons-nous la santé, l’éducation, la solidarité pour tous et avec tous pour entrer enfin dans le temps de la justice et de la fraternité ?

En mai 68, alors que dans les bidonvilles abandonnés la vie s’était comme arrêtée, Joseph Wresinski interpellait ainsi les jeunes : « Allez rejoindre les enfants dans les cités pour partager le savoir avec eux ! » Depuis, des bibliothèques de rue, des festivals du savoir ont vu le jour dans des centaines de lieux de misère à travers le monde. Et aujourd’hui, qu’allons-nous inventer de significatif pour préparer ensemble « des lendemains où des hommes et des femmes érigeront la justice en première urgence ? » Le monde a besoin de toutes les intelligences pour mettre cette exigence en action.

Isabelle Pypaert Perrin

Isabelle Pypaert Perrin est déléguée générale du Mouvement international ATD Quart Monde.

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