L’histoire1 se déroule dans un petit village isolé du Sertão2 dans un futur proche, indéterminé. Bacurau, lieu imaginaire doté d’un nom propre symbolique signifie : oiseau nocturne camouflé, invisible, tout comme les habitants de ce lieu mystérieux.
Acte I, le maire est en campagne, il débarque sans crier gare. Ses sbires proposent aux villageois de l’eau potable (on sait qu’il a fait assécher les sources), ils distribuent aussi des pilules qui s’avèrent être des drogues (pour calmer les esprits rebelles ?)
Acte II, deux énergumènes à moto – tels des cavaliers de l’Apocalypse – traversent le village qui semble presque abandonné ou assoupi. En réalité cet homme et cette femme agissent en repérage pour le compte d’un groupe étranger (allusion à la dominance américaine), missionné pour détruire les habitants. Cet escadron de la mort composé de jeunes armés assoiffés de sang est dirigé par un ancien mercenaire américain, en planque dans une maison isolée.
Ainsi le décor est planté avec maestria.
Acte III. Or le village vient d’être quasiment rayé de la carte du monde, il n’apparaît plus dans les GPS. Dès lors le récit, le paysage, les protagonistes baignent dans une atmosphère mêlée de western, de science-fiction (des drones incongrus apparaissent pour surveiller le village), d’action (elle va virer à la violence), mélange de genres brouillés tout au long du récit.
C’est pour mieux servir le propos d’une fable cruelle, allégorique et réaliste à la fois, éminemment politique. Les habitants d’un monde oublié, pauvres et isolés, captifs, fragiles, supposées « simples » comme des paysans, vont se révéler être un foyer de résistance, déterminé et tenace, où vivent les derniers « braves » du monde.
Parmi ces gens de bonne volonté, voici Lunga, haut en couleurs, jeune homosexuel, justicier3. Recherché par la police, il assure la garde d’un barrage presque asséché (contre l’ordre établi).
Le film est parsemé de références à la vie politique et sociale4 du Brésil : barrages meurtriers, accès à la santé, à l’eau, libération du port d’armes, corruption. Il y a aussi de l’humour et des clins d’œil à « l’intergénérationnel » (un vieil homme malicieux qui n’a pas peur de donner une leçon de musique aux motards) et de la dérision (le sort réservé au maire sera tragicomique), enfin la tension dramatique d’un thriller de haut vol. Le dernier acte finit en apothéose.
La bande-son composée de chansons populaires ou de musiques électroniques accompagne des scènes où l’énergie et la rébellion montent en puissance.
Autant de moyens originaux au service d’une magnifique et exemplaire illustration de l’intelligence, de la solidarité et de la dignité des plus humbles.