Jean-Fabien Spitz, Pourquoi lutter contre les inégalités ?

Editions Bayard, coll. Le temps d’une question, 2009, 255 p

Daniel Fayard

Référence(s) :

Jean-Fabien Spitz, Pourquoi lutter contre les inégalités ?, Editions Bayard, coll. Le temps d’une question, 2009, 255 p

Citer cet article

Référence électronique

Daniel Fayard, « Jean-Fabien Spitz, Pourquoi lutter contre les inégalités ? », Revue Quart Monde [En ligne], 215 | 2010/3, mis en ligne le 01 janvier 2011, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8989

Un spécialiste de philosophie politique entreprend d’explorer l’interaction des fondements conceptuels qui servent d’ingrédients ou d’arguments pour asseoir la légitimité de la lutte politique contre les inégalités. Et le lecteur se trouve « embarqué » pour une traversée intellectuelle assez subtile de la justice sociale, sous les vents apparemment contraires des idées d’égalité et de solidarité chères à la vision classique de la gauche social-démocrate et des idées de responsabilité, de choix et de mérite affectionnées par le néolibéralisme contemporain. Comment valider un mode de répartition des ressources permettant d’avancer vers une plus grande égalité des conditions d’existence au sein d’une société donnée, mais de façon « juste » ou « équitable », c’est-à-dire qui ne lèse personne, ni par un déficit d’assistance ni par un excès de redistribution.

S’il y a des inégalités à proscrire, celles qui sont fondées sur des héritages indus, des privilèges, voire des hasards, il y a des inégalités légitimes et stimulantes fondées sur les risques encourus par des talents plus ou moins développés, des choix plus ou moins pertinents, des énergies plus ou moins déployées. Autant il est justifié de compenser au maximum les effets discriminatoires des premières (par une obligation de redistribution pour les uns et par un droit à l’assistance pour les autres), autant il est normal que chacun soit responsable de ce qui dépend de lui et assume les conséquences positives ou négatives des secondes. Pour ce qui concerne celles-ci, le riche ne doit pas être obligé de s’acquitter d’une dette sociale et le pauvre n’est pas fondé à être dédommagé pour le désavantage qu’il subit.

Dans la pratique, il n’est pas aisé d’opérer la part de ce qui relève de chacun de ces deux types d’inégalités. Mais nous sommes là dans une approche théorique.

Au-delà de cet « ethos » de la responsabilité, l’auteur développe l’ethos de la communauté, où tous les membres jouissent d’une égale valeur morale et où les citoyens ont à se demander si ce qu’ils veulent pour eux empêche les autres « d’être libres et égaux, de mener une vie décente et autonome ». Autrement dit, dans quelles conditions nos actions sont-elles légitimes ?

Certains estiment qu’une société n’est légitime que si elle attribue à chacun ce qui lui revient en toute justice. Mais comment peut-on l’appréhender, quand on prend conscience qu’aucun membre de la société ne peut prétendre apporter une contribution sans le concours de beaucoup d’autres ? En réalité « la notion de mérite individuel n’a pas d’usage politique, c’est-à-dire que les institutions ne sont pas gouvernées par elle ni par la question de savoir qui vaut quoi ». « Ce sont uniquement les institutions justes qui permettent de dire que certaines personnes méritent de recevoir ce que ces institutions leur promettent ou leur attribuent sans qu’il soit possible de dire que ces institutions sont justes parce qu’elles attribuent aux individus ce qu’ils méritent. » On aura reconnu l’influence de la pensée de John Rawls.

Ces quelques propos sont rapportés pour donner un aperçu du type de réflexion développé par l’auteur. Concédons que son langage n’est pas forcément accessible d’emblée à des lecteurs peu familiers du raisonnement philosophique.

Daniel Fayard

Articles du même auteur

CC BY-NC-ND