Cet ouvrage, élaboré à partir d’enquêtes faites en 1991 dans 21 pays d’Europe, évoque le chiffre minimum de 5 millions de sans-logis en Europe. Chiffre en évolution et à considérer avec précaution car il n’existe dans aucun pays une estimation fiable de cette « réalité sociale qui se dérobe à la science et à la compréhension, les sans-logis : scories du progrès, forme extrême de l’exclusion sociale qui les situe au-delà de la pauvreté dans ce qu’il convient de nommer la misère humaine ».
Cette étude, très didactique, présente le problème en cinq chapitres. Elle tente de définir ce qu’on peut appeler un sans-logis, malgré les termes et les définitions différents employés dans les Etats européens. Elle s’interroge sur le nombre de sans-logis, analyse les causes du phénomène en montrant comment on devient sans-logis (causes sociales, changements démographiques et familiaux) avec un regard spécifique pour les jeunes, les femmes et les immigrants.
Le rapport présente ensuite les politiques appliquées en Europe par les législations et réglementations : politiques répressives ou politiques sociales. Une tentative de classifier les actions de terrain est proposée selon le critère principal de la participation des personnes concernées à la solution de leurs problèmes. Ainsi sont distingués deux types principaux d’action : les actions spécialisées qui poursuivent un objectif déterminé (accueil, hébergement, conservation du logement ou relogement etc.) et celles, plus globales, qui impliquent un fonctionnement en réseau et la participation active des personnes concernées.
Le chapitre relatif à la perception des sans-logis par l’opinion publique relève des représentations réductrices ou stéréotypées qui stigmatisent les personnes sans logis. Elles peuvent induire des réponses politiques simplificatrices et inadéquates, selon des motivations d’ordre public, humanitaire ou social. L’étude estime que les associations ont permis, par leurs actions d’information et de sensibilisations, d’« enlever au problème des sans-logis son caractère saisonnier, conjoncturel » et d’élargir la problématique de la notion de sans-abri à celles de sans-logis, de personnes et familles mal logées, de « ceux qui n’ont pas encore accès à un logement digne ».
L’ouvrage contient 21 propositions que le Conseil de l’Europe invite les Etats membres à adopter. Parmi ces propositions, citons celle-ci : « Concevoir les politiques de lutte contre l’exclusion sociale et la privation de logement avec la participation permanente et aussi directe que possible des personnes frappées d’exclusion afin que celles-ci puissent participer pleinement à la vie sociale, faire valoir leurs (…) aspirations culturelles propres et, en particulier, qu’elles puissent participer au débat politique et s’exprimer sur ce qui peut ou doit être considéré comme un logement ou un environnement concevable et acceptable et être associées à la mise en œuvre de conditions d’habitat adéquates ».
Très informatif et rédigé avec clarté, Coopération sociale en Europe : les sans-logis s’adresse à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, s’intéressent au problème des sans-logis. De par sa nature, une telle étude ne fait pas toucher du doigt les situations concrètes de ces personnes, certes, mais elle permet, en dehors de tout sentimentalisme, de se faire une idée sérieuse de la question et des solutions possibles s’appuyant sur des droits devant aboutir à des lois cadres.