Pour les auteurs, qui sont les invisibles ? Tous ceux qui ressentent un sentiment de non-reconnaissance et de mépris social ? Il ne s’agit pas d’une catégorie sociale, ils sont donc difficiles à percevoir mais ils ont en commun « un sentiment de décalage profond » entre leur vécu et « ses représentations dans les discours politiques, médiatiques, statistiques ».
Ce livre dans une première partie fait donc parler des personnes « invisibles » qui racontent leur vécu, récit suivi d’un entretien avec un spécialiste qui vient éclairer la situation. Une trentaine de catégories sont proposées : accidentés du travail, banlieusards, délocalisés, démotivés, discriminés, drogués, expulsables, femmes à domicile, habitants des taudis, handicapés, sans emploi, stagiaires, surendettés, vieux pauvres, etc. Comme on le voit, la liste est longue.
Une seconde partie tente d’analyser à partir d’interventions plus théoriques les raisons de cette invisibilité : « critique des modes de connaissance du monde social ; ses représentations biaisées ; les transformations de la question sociale ».
On y présente la sociologie française, son fonctionnement, le rôle des hommes politiques, celui des médias, autant d’acteurs qui favorisent la création du monde des « invisibles ».
Enfin le livre montre comment on assiste à une « psychologisation du social » (place de l’individu, de sa psyché, de la souffrance...), qui remplace l’étude et la prise en charge des causes de ce mal être comme l’organisation du marché de l’emploi et les conditions de vie.
Un livre qui a l’ambition de rendre la visibilité aux invisibles et présente la France telle qu’elle est pour « repenser la place du citoyen non plus comme simple objet de politiques, de stratégies et de discours mais aussi comme usager critique et responsable ».
La première partie de cet ouvrage, faite de témoignages, est facile à lire. La seconde, un peu plus difficile, est cependant abordable et permet de saisir comment se crée l’image de la société qui colle de moins en moins avec la réalité.