En scène ! S’émanciper par le théâtre

Martine Hosselet-Herbignat

p. 3

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Martine Hosselet-Herbignat, « En scène ! S’émanciper par le théâtre », Revue Quart Monde, 262 | 2022/2, 3.

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Martine Hosselet-Herbignat, « En scène ! S’émanciper par le théâtre », Revue Quart Monde [En ligne], 262 | 2022/2, mis en ligne le 01 juin 2022, consulté le 23 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10663

Expression antique de liesse populaire intégrant tous les membres de la société, le théâtre a subi au cours des siècles une série de métamorphoses. De la privatisation par les riches spectateurs de la Renaissance capables de payer leur place, au rejet par les philosophes du 18e siècle des récits et fables dans l’éducation de tout homme libre, jusqu’à la pratique innovante du théâtre-forum du brésilien Augusto Boal au 20e siècle, les étapes de ces changements sont nombreuses et surprenantes1.

Cette évolution dans le temps et du point de vue des techniques fait apparaître le théâtre comme miroir de nos sociétés et lieu de débats et de réflexion.

Quand le théâtre croise la route de ceux et celles qui sont dans toutes sortes de précarités – et il s’agit d’une rencontre à provoquer volontairement, y compris « dans des lieux inédits que la culture en général ne sait pas aller chercher »2 – il ouvre sur des horizons étonnants.

Entre 1963 et 1967, Catherine de Seynes anima des ateliers de théâtre au camp de Noisy-le-Grand, à la demande du père Joseph Wresinski. Ils choisirent de monter l’Antigone de Sophocle, car c’était la révolte d’une jeune fille contre un tyran et « qu’ils se retrouvaient là-dedans »3. « Nous ne sommes plus “invisibles” car nous sommes devenus acteurs sur scène et dans nos vies » dit plus récemment Marius Ilboudo, participant aux « chemins de théâtre » impulsés par Philippe Osmalin depuis 2016, avec l’appui de nombreux partenariats4.

Le théâtre, à la portée de tous, non seulement comme spectateurs, mais également comme acteurs ? … Partout dans le monde des expériences en témoignent : dans les quartiers périphériques des grandes villes d’Italie avec les adolescents de la « non-école » créée par Marco Martinelli et Ermanna Montanari5 ; avec les femmes de groupements paysans dans la région de Jacmel au sud-est de Haïti6 ; dans le cadre de la campagne contre les idées fausses et les préjugés sur la pauvreté au Québec7, etc. Ce théâtre qui traite de la « vraie vie » des gens pour que leurs voix soient entendues est outil de transformations personnelle et sociale. Il se révèle être pour chaque acteur, quelle que soit sa propre histoire, un chemin exigeant de fragilité et de force – travailler avec des personnes très différentes, surmonter les obstacles communs ou propres à chacun, tenir bon, être présent aux répétitions, travailler ses textes, oser des choses pour la première fois… Il provoque bel et bien un ré-enchantement du monde car il « fait vivre en miniature ce qu’on voudrait vivre à l’échelle de la société »8.

1 Voir l’article de Philippe Osmalin, p. 4.

2 Voir l’interview de Michel et Mary Vienot, p. 11.

3 Voir l’article de Catherine de Seynes, p. 31.

4 Voir l’article collectif, p. 26.

5 En p. 16.

6 Voir l’interview de Catherine Mouton, p. 42.

7 Voir l’article de Leo Berenger Benteux, p. 34.

8 Véronique Morzelle, participante au spectacle Chemins de traverse.

1 Voir l’article de Philippe Osmalin, p. 4.

2 Voir l’interview de Michel et Mary Vienot, p. 11.

3 Voir l’article de Catherine de Seynes, p. 31.

4 Voir l’article collectif, p. 26.

5 En p. 16.

6 Voir l’interview de Catherine Mouton, p. 42.

7 Voir l’article de Leo Berenger Benteux, p. 34.

8 Véronique Morzelle, participante au spectacle Chemins de traverse.

Martine Hosselet-Herbignat

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