Que recouvre exactement la notion de ruralité ? Et surtout, qui sont « les ruraux » ?

Après les crises sanitaires des dernières années, on pense spontanément aux néo-ruraux, ces urbains qui ont tiré les leçons du confinement et sont allés s’installer dans l’espace rural. Depuis plus longtemps, d’autres catégories de population sont parties chercher dans les campagnes un habitat moins cher correspondant mieux à leur budget. Confrontées à l’expérience quotidienne, les images de cartes postales qui ont souvent motivé ces déménagements se sont évanouies.

Dans les départements français1, dans les Domaines2 en Belgique survivent également nombre de petits paysans devenus âgés, de ruraux pauvres, isolés et loin des services de l’État. Les municipalités dont dépendent ces personnes sont souvent elles-mêmes pauvres (peu de revenus de taxes municipales, de services, d’installations).

On parle rarement de ces populations, peu visibles et souvent poursuivies par une mauvaise réputation, dans les différents pays européens. Dans d’autres contextes culturels, dans des pays comme la Thaïlande3, le Rwanda4, le Brésil5, elles sont tout aussi méconnues.

C’est autour de ces populations invisibilisées que nous avons bâti ce dossier, en nous appuyant en particulier sur ceux et celles qui ne se résolvent pas à cette relégation, qui ont établi volontairement des liens de proximité avec elles en tant que membres d’ATD Quart Monde en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud pour apprendre d’elles et renverser cette image, pour prouver aux habitants des campagnes eux-mêmes comme à la société environnante qu’ils ont une expertise irremplaçable, des talents, des potentiels. Au Canada, le Collectif de recherche participative sur la pauvreté en milieu rural dans la région de Chaudière-Appalaches (Québec)6 travaille depuis plus de dix ans dans ce sens selon une méthodologie créative qui rassemble tous les acteurs concernés. François-Xavier Merrien, universitaire spécialiste en analyse des questions sociales, enquête depuis des décennies sur ce sujet, sur différents continents. Ayant connu le monde des petits ouvriers agricoles, Gérard Bureau7 revisite avec beaucoup de précision des souvenirs d’enfance, difficiles à interpréter pour son entendement de petit garçon, qu’il peut reconnaître aujourd’hui comme des violations des droits de l’homme. Et parce que l’action et l’engagement communs contre l’exclusion continuent sans relâche, nous publions l’appel de Marie-Béatrice Deblache à la fin de ce dossier8.