Clara DEVILLE. “L’état social à distance

Dématérialisation et accès aux droits des classes populaires rurales. Éd. du Croquant, 2023, 74 pages

Daniel Fayard

p. 61

Référence(s) :

Clara DEVILLE. L’état social à distance. Dématérialisation et accès aux droits des classes populaires rurales. Éd. du Croquant, collection Action publique, 2023, 74 p., 20 €

Citer cet article

Référence papier

Daniel Fayard, « Clara DEVILLE. “L’état social à distance” », Revue Quart Monde, 268 | 2023/4, 61.

Référence électronique

Daniel Fayard, « Clara DEVILLE. “L’état social à distance” », Revue Quart Monde [En ligne], 268 | 2023/4, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 28 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11250

Cet ouvrage, issu d’une thèse en sociologie lauréate du prix de la Fondation Caritas et du prix du Défenseur des droits, appréhende les difficultés d’accès au revenu de solidarité active (RSA) pour les personnes placées en bas de la hiérarchie sociale dans les milieux ruraux. L’auteure a pu rencontrer, entre 2014 et 2017, 38 personnes habitant sur le territoire rural du Libournais (à l’est du département de la Gironde). Elle les a longuement interrogées sur l’histoire de leurs relations avec les administrations publiques, principalement les Caisses des allocations familiales et de la Mutualité sociale agricole, voire accompagnées dans leurs démarches. Il s’agissait au départ d’identifier seulement le phénomène du non-recours au RSA (plus du 1/3 des ayants-droit = échec des politiques de lutte contre la pauvreté ?), objet du financement de la CNAF. Mais l’auteure s’est intéressée plus largement à reconstituer le chemin parcouru par les demandeurs de cette prestation pour son obtention, à cerner les obstacles de tous ordres qui l’ont entravée et retardée, voire empêchée, en comprendre les raisons, mais aussi bien sûr celles du non-recours à ce revenu. Clara Deville restitue un grand nombre de ces entretiens enregistrés.

Le maître-mot de l’analyse proposée est celui de « distance », que l’on peut décliner à différents niveaux. Distance géographique : il n’est pas facile de se rendre aux guichets des administrations souvent éloignés des lieux d’habitation. Distance socioculturelle : quand, maîtrisant déjà mal la lecture et l’écriture ou étant peu familier du langage administratif, on est de plus en plus privé d’interlocuteur avec qui s’entretenir directement pour demander explications ou conseils, et renvoyé aux communications par internet, alors qu’on ne dispose pas d’ordinateur. Distance cognitive et psycho-sociale : on ne sait pas que le RSA est un droit et on ne veut pas paraître quémander.

Ce sont là des « distances ressenties » par les personnes concernées. Il y a aussi la « mise à distance » opérée par le développement même des outils numériques, pouvant peut-être faciliter à un grand nombre la réalisation de leurs démarches administratives mais produisant de nouvelles inégalités d’accès aux droits pour les plus démunis, notamment pour ceux qui résident à distance des centres urbains. Les parcours de vie rapportés et commentés ici l’illustrent particulièrement.

Voilà un ouvrage qu’on ne saurait trop recommander à ceux qui s’intéressent à la fracture numérique, à la pauvreté rurale, aux inégalités dans l’accès aux droits, aux politiques publiques de lutte contre la pauvreté, à l’accompagnement social.

Daniel Fayard

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