Jean-Baptiste GHINS, Matthias PETEL, Timothée DE RAUGLAUDRE. “Il renverse les puissants

Portraits de chrétiens contestataires. Éd. du Cerf, Paris, 2024

Daniel Fayard

p. 61-62

Référence(s) :

Jean-Baptiste GHINS, Matthias PETEL, Timothée DE RAUGLAUDRE. Il renverse les puissants. Portraits de chrétiens contestataires. Éd. du Cerf, Paris, 2024, 275 p.

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Référence papier

Daniel Fayard, « Jean-Baptiste GHINS, Matthias PETEL, Timothée DE RAUGLAUDRE. “Il renverse les puissants”  », Revue Quart Monde, 270 | 2024/2, 61-62.

Référence électronique

Daniel Fayard, « Jean-Baptiste GHINS, Matthias PETEL, Timothée DE RAUGLAUDRE. “Il renverse les puissants”  », Revue Quart Monde [En ligne], 270 | 2024/2, mis en ligne le 01 juin 2024, consulté le 24 octobre 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11418

Jean-Baptiste et Matthias sont doctorants, le premier en philosophie, le second en droit, co-fondateurs d’une Université d’été sur la justice sociale Bâtir le bien commun et animateurs d’un café associatif, Le café nomade, à Bruxelles. Timothée est journaliste, engagé au sein du café parisien Le Dorothy à Ménilmontant. Ils appartiennent à cette nouvelle génération de chrétiens qui cherchent non seulement à concilier ou réconcilier leur foi et le souci de la justice sociale dans la pensée comme dans l’action, mais plus encore à restituer l’alliance possible, voire nécessaire, avec des idéaux politiques contestataires. Parce qu’ils ont eu le sentiment que beaucoup de nos contemporains manquaient aujourd’hui de ressources intellectuelles et spirituelles pour assumer de tels engagements, faute de pouvoir ou de savoir se référer à des figures héroïques les incarnant, comme il en a existé dans l’histoire, ne serait-ce qu’au cours du tout récent XXe siècle.

D’où l’idée de ce livre qui entreprend ici de faire revivre le parcours de vie d’une douzaine d’entre elles, en divers lieux du monde, dans leur confrontation militante avec diverses injustices sociales, qui a mobilisé leurs énergies. Il vaut la peine de citer le nom de ces 12 « chrétiens contestataires », dont les auteurs ont choisi de dresser un portrait :

  • Dorothy Day (1897-1980), journaliste américaine, co-fondatrice du Mouvement des Catholic Workers.

  • Alioune Diop (1910-1980), intellectuel sénégalais, fondateur de la revue Présence africaine.

  • Gustavo Gutiérrez (1928-), prêtre péruvien, fondateur de la théologie de la libération.

  • Fannie Lou Hamer (1917-1977), figure centrale du mouvement afro-américain pour les droits civiques.

  • Ivan Illich (1926-2002), prêtre catholique, protagoniste d’une écologie fondée sur la convivialité.

  • Emmanuel Mounier (1905-1950), philosophe français, fondateur de la revue Esprit.

  • Charles Plisnier (1896-1952), poète belge, en lutte contre l’hégémonie bourgeoise.

  • Vida Dutton Scudder (1861-1954), écrivaine américaine, figure du Social Gospel.

  • Dorothee Sölle (1929-2003), théologienne protestante allemande, féministe.

  • Desmond Tutu (1931-2021), prêtre anglican, en lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud.

  • Simone Weil (1909-1943), philosophe française, protagoniste de l’enracinement.

  • Joseph Wresinski (1917-1988), prêtre français, fondateur d’ATD Quart Monde.

Le lecteur découvre comment ces hommes et ces femmes, en raison de leur foi chrétienne, ont pu déployer progressivement, dans leur vie personnelle et leur vie sociale, leur axe propre d’engagement en fonction de leur contexte, bien décrit par leurs chroniqueurs respectifs. Dans une longue introduction, ceux-ci tirent ensemble de ces divers itinéraires des leçons qu’il convient peut-être d’entendre comme des messages.

« Selon ces personnalités choisies, nous devons articuler lucidité et compassion. Nous vivons dans une société où le confort des uns repose sur la souffrance des autres. Y construire l’unité requiert de déstabiliser l’ordre social qui produit et entretient les inégalités… Si certaines ont postulé une compatibilité parfaite entre marxisme et christianisme, d’autres ont esquissé un marxisme hétérodoxe ou ont totalement rejeté cette filiation, toutes partagent cependant la même soif d’une société réconciliée, ce qui nécessite de prendre le parti des opprimés, toujours, de favoriser leur organisation politique, souvent, et d’oser le conflit, parfois. »

Des récits historiques instructifs, stimulants et faciles à lire. Porteurs aussi de réflexions pour aujourd’hui, comme celle-ci de Joseph Wresinski qui invite à repenser l’articulation entre transformation sociale et présence fraternelle :

« La lutte contre la misère ne sera pas simplement affaire de gouvernement, ce sera aussi affaire d’hommes acceptant de marcher avec les exclus, de lier leur vie à leur vie, parfois de tout quitter pour partager leur sort. »

Daniel Fayard

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