Ce sont des invisibles, qui passent sous les radars des statistiques et pourtant forment une population de plus en plus importante. Plus de 100 000 personnes, en France, qui vivent de façon permanente dans des campings. Pourquoi ? Comment ? Quels sont leurs parcours et leurs aspirations ? C’est ce que le sociologue Gaspard Lion dévoile dans ce livre passionnant, fruit d’une enquête d’une dizaine d’années.
En analysant cette population, mal connue et souvent caricaturée, Gaspard Lion montre la diversité des profils qui la composent. Les aspirants propriétaires, pas assez fortunés pour acheter une maison, qui investissent alors dans un mobil-home confortable. Une population qui s’attache à ce mode de vie, un « pis-aller » qu’ils finissent par apprécier.
Autre profil, ceux et celles qui, à la suite d’une séparation ou d’un licenciement, sont déstabilisés et qui, devant la flambée des prix du locatif, aboutissent au camping. Une humiliation pour eux, qu’ils vivent mal et espèrent voir finir au plus vite. Au contraire du troisième groupe, les plus précarisés, pour qui le camping est le moyen d’éviter la vie à la rue, une option positive malgré un quotidien souvent difficile, surtout l’hiver.
Mais si la façon de vivre le « camping résidentiel » diffère selon les cas, il demeure le reflet de la cÉise du logement. Il illustre la quasi impossibilité pour les jeunes d’acquérir une maison individuelle, le peu de choix du parc immobilier dans certaines régions et l’envolée des prix du locatif, privé ou social, inaccessibles même à des personnes en emploi.
Si le phénomène du « camping résidentiel » s’est largement développé depuis les années 2000, c’est aussi parce que la France possède le deuxième parc mondial de campings, après les États-Unis. Une offre qui représente un tiers des capacités européenne.
Pourtant, s’il peut sembler être un recours, ce mode de vie n’est jamais une solution. Car le camping ne relève pas des droits du logement mais du code du tourisme. Aucune aide à espérer (pas d’APL ni d’aides du Fond de Solidarité Logement), aucune protection sociale, pas de respect de la trêve hivernale. De plus, si les résidents possèdent leur habitat, ils ne sont que locataires de leur parcelle. Les propriétaires des lieux peuvent donc les expulser comme bon leur semble, ou avoir des exigences particulières (couper les points d’eau individuels l’hiver, imposer certaines entreprises - qui leur donnent une commission- pour les réparations, etc.) Gaspard Lion détaille comment les expulsions créent ici de véritables drames, certains y perdant non seulement leur habitat mais aussi leur patrimoine et le réseau de solidarité - très développé en camping- qui leur permettait de faire face à la pauvreté.
Une enquête totalement inédite qui prouve encore une fois à quel point il est urgent de réguler le marché immobilier et de construire des logements véritablement accessibles.