Déclaration de Gorée

Du Comité international pour le 17 octobre à l’issue de sa 10ème réunion biennale en 2024

  Comité international pour le 17 octobre

p. 30-32

Citer cet article

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  Comité international pour le 17 octobre, « Déclaration de Gorée », Revue Quart Monde, 273 | 2025/1, 30-32.

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  Comité international pour le 17 octobre, « Déclaration de Gorée », Revue Quart Monde [En ligne], 273 | 2025/1, mis en ligne le 01 septembre 2025, consulté le 10 septembre 2025. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11621

Nous, membres du Comité international du 17 octobre, réunis à Gorée,

1. reconnaissant ce lieu comme un symbole de la traite trans atlantique des esclaves, un chapitre infâme de l’histoire de l’humanité, marqué par la cruauté, l’humiliation et la souffrance humaine, et son impact durable sur l’inégalité raciale ainsi que sur la traite des êtres humains dans le monde entier,

2. nous souvenant et honorant aujourd’hui les victimes des systèmes d’oppression – les millions de femmes, d’hommes et d’enfants qui ont été brutalement capturés, transportés de force et privés de leur dignité et de leur liberté –, et nous souvenant également des millions de vies perdues et des souffrances humaines causées par l’extrême pauvreté et leur rendant hommage aujourd’hui,

3. soulignant le lien entre la lutte pour l’abolition de l’esclavage et la lutte contre la pauvreté, rappelé par Joseph Wresinski lors de sa visite à la Maison des Esclaves en novembre 1987 par ses mots inscrits sur une plaque commémorative « Des millions et des millions d’hommes, de femmes et d’enfants aujourd’hui disent non à la misère et à la honte parce que des hommes, hier traités en esclaves par les puissants, ont en leur cœur affirmé qu’ils étaient des hommes. Et nombreux sont morts pendant trois siècles pour que jamais personne ne l’oublie »,

4. affirmant que les fortunes amassées grâce à l’esclavage doivent être restituées et les familles des victimes indemnisées, et affirmant en outre que les victimes de la traite d’êtres humains et des nouvelles formes d’esclavage moderne doivent se voir offrir des réparations dans la dignité,

5. rappelant que l’oppression systémique a privé des millions d’êtres humains de leur liberté et que des systèmes politiques destructeurs de leurs capacités et des économies axées sur le profit empêchent les plus démunis de se libérer des chaînes de la misère, rappelant également que la discrimination et les inégalités structurelles continuent de creuser le fossé entre les privilégiés et les plus marginalisés, et déplorant l’existence généralisée de la misère parallèlement à l’extrême richesse matérielle détenue par une poignée de personnes,

6. rappelant également qu’une recherche participative sur les dimensions cachées de la pauvreté1 a démontré que la pauvreté a de multiples dimensions, certaines visibles et d’autres cachées, mais toutes liées entre elles, se félicitant que le thème choisi pour célébrer le 17 octobre, Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté en 2024 mette en lumière l’une des dimensions cachées, à savoir la maltraitance sociale et institutionnelle subie par les personnes vivant dans la pauvreté, et demandant instamment à tous les gouvernements d’intégrer les résultats de la recherche participative et les principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme2 dans la prise de décisions politiques,

7. soulignant qu’une forme grave de maltraitance institutionnelle consiste à ne pas fournir d’acte de naissance ou d’identité juridique à chaque être humain, affirmant le droit inaliénable de tous les enfants d’avoir accès à un nom, à une identité et à l’enregistrement à l’état civil, condition indispensable à l’accès à tous les droits, et affirmant sans équivoque que le fait de ne laisser personne de côté commence par l’enregistrement de la naissance de chaque enfant,

8. rappelant que les dirigeants des États membres des Nations unies se sont engagés en 2015 à « libérer l’humanité de la tyrannie de la pauvreté et du besoin, à prendre soin de la planète et à la préserver » et que le récent sommet de l’avenir des Nations unies a conclu que « la pauvreté, la faim et l’inégalité sont en hausse. Les droits de l’homme sont menacés et nous risquons de laisser des millions de personnes de côté »,

9. considérant que l’urgence climatique représente une nouvelle forme de violence à l’encontre des personnes vivant dans la pauvreté et que les communautés les plus démunies sont les plus durement touchées par la multiplication des catastrophes climatiques extrêmes et la destruction des habitations, des récoltes et des moyens de subsistance,

10. condamnant les guerres brutales, émaillées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, et rejetant la spirale de la violence et l’augmentation des dépenses militaires, au détriment des services publics, des programmes sociaux et de l’aide au développement, convaincus, alors que nous dévoilons cette plaque commémorative3 sur l’île de Gorée, et que, malgré les longues nuits d’obscurité, nous regardons vers l’avenir avec espoir et détermination, que nous pouvons construire un monde meilleur pour tous, nous

11. appelons tous les participants au Sommet social mondial de 2025, à la quatrième conférence internationale sur le financement du développement et à tous les futurs rendez-vous internationaux de ce type, à se saisir de ces événements comme autant d’occasions de réaliser les droits, de rendre manifeste la solidarité internationale, de faire progresser la coopération internationale en matière d’imposition des personnes fortunées et d’utiliser ces nouvelles ressources pour veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte,

12. demandons à toutes les parties concernées de faire de l’enregistrement universel des naissances une réalité d’ici 2030 et appelons tous les gouvernements du monde à agir pour garantir que chaque être humain présent sur leur territoire ait droit à un identité juridique,

13. appelons à ce que les commémorations de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, lancée le 17 octobre 1987 par Joseph Wresinski et plus de 100 000 défenseurs des droits de l’homme, soient toujours plus inclusives et qu’elles illustrent la solidarité dans toute sa force et l’humanité dans toute sa splendeur,

14. souhaitons que cette plaque commémorative à Gorée brille comme un phare d’espoir, qu’elle brille dans chaque communauté, chaque quartier, chaque lieu de travail et chaque coin de notre planète, que chacun d’entre nous puisse être un phare pour les autres et appelons d’ici, à Gorée, en Afrique, tout le monde, en particulier la jeune génération du monde entier, à se joindre à nous pour tendre la main aux plus défavorisés, à rêver ensemble et à travailler ensemble, pour mettre fin à la discrimination, à la pauvreté et à l’injustice.

                 Fait à l’île de Gorée, le 18 octobre 2024.

1 Les dimensions cachées de la pauvreté, recherche participative, université d’Oxford et ATD Quart Monde.

2 Résolution 21/11 du Conseil des droits de l’homme du 27 septembre 2012.

3 Voir p. 58.

1 Les dimensions cachées de la pauvreté, recherche participative, université d’Oxford et ATD Quart Monde.

2 Résolution 21/11 du Conseil des droits de l’homme du 27 septembre 2012.

3 Voir p. 58.

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