La situation économique et sociale du monde agricole est préoccupante

Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole - France

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Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole - France, « La situation économique et sociale du monde agricole est préoccupante », Revue Quart Monde [En ligne], 177 | 2001/1, mis en ligne le 01 septembre 2001, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/1622

Longtemps évoquée comme un phénomène principalement urbain, la précarité n'épargne ni le milieu rural ni la population agricole, même si elle peut, à la campagne, passer parfois plus inaperçue. Le repérage de ceux qui ont besoin d'être soutenus s'avère justement une des difficultés essentielles. Car c'est généralement la conjonction de plusieurs facteurs (baisse de revenus, perte d'emploi, problèmes familiaux, difficultés de santé, défaut d'insertion) qui entraîne les individus ou les familles dans un processus risquant de les conduire à la pauvreté et à l'exclusion. Pour prévenir ces évolutions, la Mutualité sociale agricole s'est engagée dans un plan de lutte contre la précarité. Toutes les données proviennent d'études réalisées soit par l'Institut national de recherche agronomique (INRA) dans Richesse et pauvreté en agriculture, soit par l'Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), soit par la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA).

L'agriculture n'a pas échappé à la logique globale de développement de l'économie

Cette logique a entraîné une concentration des exploitations et en conséquence une amélioration des hauts revenus qui demeurent toutefois en faible nombre. Trop de petits revenus subsistent. Même si leur nombre est en baisse, ils représentent encore 40 % des revenus agricoles. Ce sont soit des revenus inférieurs au salaire minimum, soit des revenus négatifs. L'agriculture reste donc un secteur où, en dépit des aides de la collectivité publique, les bas revenus sont exceptionnellement nombreux. Il y a 26,4 % de ménages pauvres 1 chez les agriculteurs et les salariés agricoles contre 14 % dans l'ensemble de la population. C'est une première donnée qui situe la hauteur de l'enjeu.

Les effets de la redistribution publique et de la solidarité

Le milieu agricole est principalement concerné par quatre minima sociaux : l'allocation du fonds de solidarité vieillesse, l'allocation aux adultes handicapés, le minimum invalidité et le revenu minimum d'insertion.

A la différence des constats qui peuvent être faits pour le reste de la population, la redistribution publique semble contribuer à réduire la fréquence de la pauvreté agricole : mieux que la seule prévoyance individuelle ou familiale, elle permet de faire face à des causes d'appauvrissement comme la maladie grave, l'incapacité de travail et les charges familiales. Ce second constat explique l'importance qui devra être apportée à l'attribution sans retard de ces minimas qui ne paraissent pas générer l'effet pervers de trappe à pauvreté remarqué en général.

Nombre de ménages d'agriculteurs, d'ouvriers agricoles et d'anciens agriculteurs vivent en dessous des standards sociaux

La consommation des agriculteurs est inférieure de 20 % en moyenne à celle de l'ensemble des actifs non agricoles. En matière d'alimentation, la différence est minime (autoconsommation incluse) sauf pour les ménages pauvres chez lesquels l'alimentation prend une grande place, signe d'un niveau de vie bien moindre dans une société de consommation de masse.

Dans les autres domaines, les agriculteurs les plus défavorisés dépensent deux fois moins que la moyenne générale : la dépense est inférieure de 71 % pour l'hygiène, les soins de beauté, la culture, les loisirs et les vacances. De même l'inconfort de leur habitat est avéré : un ménage sur sept ne bénéficie pas d'un logement aux normes.

Des indicateurs sanitaires et sociaux inquiétants

Des retards sont encore sensibles dans l'accès aux soins : ils sont liés à des raisons financières, à l'isolement et à l'éloignement géographique des structures sanitaires et au manque d'informations.

La consommation en médecine ambulatoire du régime agricole par rapport au régime général est inférieure de 14 % pour les exploitants et de 3 % pour les salariés. Elle est en revanche plus élevée en soins hospitaliers en raison de la forte proportion de personnes âgées assurées par le régime agricole.

21 % des malades du régime agricole sont pris en charge au titre d'une affection longue durée (ALD) contre 7 % au régime de l'industrie et du commerce. Par ailleurs deux caractéristiques fortes s'affirment : un moindre recours aux spécialistes et des soins dentaires insuffisants.

La forte prévalence du suicide chez les salariés agricoles est très préoccupante. Les agriculteurs et les salariés agricoles sont les groupes professionnels où les taux de suicide en cours de vie active sont les plus élevés, respectivement de 83/100 000 et de 85/100 000 contre 52/100 000 pour l'ensemble de la population des hommes de 45 à 54 ans.

Les jeunes agricoles et ruraux ne sont pas protégés des conduites à risque (alcoolisme, toxicomanie) : ces pratiques ont des conséquences graves (accidents de la route par exemple). Enfin des troubles psychologiques et des pathologies dépressives se développent de façon significative, y compris chez les femmes.

Des conditions de vie et de travail plus difficiles

La durée hebdomadaire de travail des agriculteurs se situe au niveau le plus élevé, toutes catégories professionnelles confondues. La sociabilité est affectée par la nature de l'activité qui tend à concentrer les relations sociales sur la sphère familiale et le voisinage.

Contrairement aux idées reçues, le niveau d'entraide est proportionnel au niveau des ressources. Diverses études montrent en effet que la richesse augmente l'entraide (économique, soutien familial, etc.). Un ménage défavorisé est donc moins aidé. Cette donnée est importante pour appréhender la réalité sociale du milieu rural où les solidarités de proximité devraient pallier le délitement du tissu social. Par ailleurs, les travailleurs indépendants sont faiblement investis dans les associations et la tendance est à la baisse, notamment pour les activités sportives et de loisirs. Cette information croisée avec les indicateurs de niveau de vie autorise à penser que cette tendance générale est aggravée pour les plus défavorisés...

La fréquence des taux d'accidents du travail révèle par ailleurs des conditions de travail difficiles pour l'ensemble du secteur. Elles sont aggravées lorsque s'y ajoutent des facteurs de précarité dans le travail (contrat à durée déterminée, saisonnalité, etc.)

Les évolutions sectorielles sont nombreuses et imprévisibles

La récente réforme de la politique agricole commune, pour plus favorable qu'elle soit apparue, n'en contient pas moins une menace qui pèserait sur l'avenir de 150 000 exploitations. Les crises sectorielles qui se succèdent et s'ajoutent les unes aux autres depuis quelques années affectent gravement le capital de confiance que les agriculteurs et plus largement l'ensemble du monde agricole peuvent avoir dans leur avenir. Elles ont également pour conséquence une évolution rapide et incontrôlée du nombre et de la structure des exploitations. Les salariés des filières concernées ne sont pas à l'abri de répercussions graves sur leurs conditions d'activité...

1 Dans ce cas, la pauvreté est évaluée par une consommation par unité de consommation inférieure à la moitié de la moyenne du pays.

1 Dans ce cas, la pauvreté est évaluée par une consommation par unité de consommation inférieure à la moitié de la moyenne du pays.

Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole - France

Nous remercions la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole de nous avoir autorisés à reproduire « l'état des lieux » qu'elle fait figurer en tête de la présentation de son plan d'action pluriannuel (2000-2002).

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