Le message que nous portons a un caractère planétaire. "L'important est l'homme. Plus l'homme est abandonné, méprisé, écrasé, plus il est précieux", tel est le message que nous portons au monde. C'est un message qui dépasse les civilisations. Il est inscrit dans l'histoire de l'humanité par tous ces hommes, ces femmes qui l'ont porté, exprimé à travers les siècles, par tous ces peuples qui ont attendu, qui attendent que se réalise la primauté de l'homme dans le monde.
Ce message, nous l'annonçons au monde à travers trois canaux :
- La parole : une parole consciente, inscrite dans notre pensée, alimentée par notre vie, notre partage avec les familles les plus défavorisées, mais aussi par les grandes idées que véhicule le monde. Nous ne sommes pas une idée juxtaposée à d'autres idées, nous ne sommes pas une pensée déracinée des autres pensées. Nous sommes partie intégrante de la pensée universelle et notre parole veut, doit avoir une portée universelle.
- Le second canal est notre présence au monde. Nous voulons être au cœur du monde, créateur de son histoire, donc interpellateurs des Etats, des institutions, des structures.
- Enfin par notre identification aux plus démunis.
C'est pourquoi, le Mouvement est universel et s'adresse nécessairement à tous les hommes riches ou pauvres, savants ou ignorants...
Si notre message s'adresse à tous les hommes, il s'adresse également à tous les Etats, d'où notre représentation dans tous les secteurs de la vie publique. Mais nos interlocuteurs privilégiés restent les hommes, leurs peuples et en tout premier lieu, les familles les plus défavorisées.
Nous sommes nés du peuple de la misère et nous voulons tous devenir membres à part entière de ce peuple, quel que soit le prix à payer. C'est dans la mesure où nous créons l'accord avec le peuple de la misère que notre message est authentique (...)
Nous portons en nous cette conviction que les plus démunis sont un ferment dans le monde surtout à l'approche de l'an 2000.
Nous sommes un Mouvement porteur de cette certitude que le monde veut, peut détruire la misère, que la confrontation des hommes ne se fera pas seulement sur la défense de la justice, mais que les hommes sont capables de créer un monde où ils se rassemblent, un monde de paix, d'amour ; nous croyons que les plus pauvres seront associés à la création de ce monde, sinon ce sera l'échec de l'humanité.
Le grand objectif du Mouvement est d'imposer les plus pauvres dans la vie locale, régionale, nationale, internationale. Cette action s'inscrit dans une vision politique qui repose sur les notions de nation et de culture. Au-delà des Etats, nous l'avons dit, ce sont les hommes que nous cherchons à rencontrer, des hommes d'une nation, enracinés dans une culture. Le Mouvement cherche à retrouver dans ces cultures la pensée des plus défavorisés et à rassembler les peuples autour des plus fatigués, des plus exclus. C'est ainsi que ceux-ci seront le levain de l'humanité.(...).
Toute cette transformation a nécessairement des conséquences politiques. Nous réaffirmons que l'exclusion n'est pas irréversible, qu'elle peut être détruite, que la division des hommes en classe ne peut pas durer indéfiniment.
Réinventer un monde de fraternité, telle est la réalité du message du Mouvement. Un monde où le plus pauvre bâtisse avec les autres une manière d'être, de penser, d'agir, en un mot, soit artisan de la culture de son pays et puisse ainsi vivre en harmonie avec les autres. Cela suppose que nous ayons une pensée originale sur la paix, sur la faim dans le monde, sur l'amour, sur la vie, sur la mort, sur Dieu... non pas pour « être à la mode » mais pour proposer une manière différente d'aborder, de vivre, de bâtir le monde en tirant des leçons des plus fatigués.
En cela, nous sommes les élèves des plus fatigués. Tant que nous resterons des élèves, notre place au milieu des plus pauvres sera légitime.
Toutefois, les plus déprimés sont déstabilisants, difficiles à accepter dans la vie quotidienne. Leur parole n'est pas facile à décoder, à interpréter. Ils sont rebelles à la culture, à l'environnement.
C'est pourquoi, le Mouvement essaie de créer entre ses membres et spécialement son volontariat, une unité qui n'a rien d'un « centralisme d'état » mais qui permet à chacun de vivre la fraternité, et ainsi l'unité peut devenir communion intime, certitude que l'autre compte, est essentiel dans la vie de chacun, que seul l'autre peut nous permettre de grandir, d'aller jusqu'au bout du vécu du message que nous portons. Notre unité ne doit pas être enfermement entre nous, sur nous-mêmes, mais débordement sur le monde.
Cette unité-là, entre nous, pour être unis à l'humanité tout entière, ce sont les plus souffrants qui nous la rappellent, l'exigent de nous. Ce sont eux qui en paient le prix par le poids de leur misère, de leur échec, de l'exclusion dans laquelle ils vivent.
(Dossiers de Pierrelaye, septembre-octobre 1985)