Intégration et exclusion : le PNR 51 est presque achevé. Renforcer l’aide sociale

Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique - FNSNF

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Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique - FNSNF, « Intégration et exclusion : le PNR 51 est presque achevé. Renforcer l’aide sociale », Revue Quart Monde [En ligne], 207 | 2008/3, mis en ligne le 01 mars 2009, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/2360

En Suisse, les efforts d’intégration déployés par les autorités peuvent facilement déboucher sur l’exclusion. Tel était le cas à l’aube de l’État social suisse et, faute de donner une nouvelle orientation à la politique sociale et de renforcer l’aide sociale, cela pourrait se reproduire aujourd’hui. Les jeunes chômeurs sont particulièrement menacés d’exclusion sociale. C’est la conclusion tirée par le Programme national de recherche «Intégration et exclusion» (PNR 51)

Le Programme national de recherche «Intégration et exclusion» (PNR 51) 1, à présent presque achevé, a étudié au cours des cinq dernières années les processus d’intégration et d’exclusion dans les politiques sociales de l’éducation, de la santé, de l’emploi et de la migration, par le passé et actuellement. Ces processus concernent tous les membres d’une société. Les chercheuses et chercheurs du PNR 51 se sont plus particulièrement intéressés à l’aide sociale, qui est un instrument important de l’État social.

Réintégrer les personne en détresse

L’aide sociale dépend des communes et est normalement le dernier maillon de la chaîne des protections sociales (assurance-chômage, assurance-invalidité, assurance-vieillesse et survivants) Elle a pour mission de réintégrer les personnes en détresse. Elle apporte aussi à ces dernières un complément pour leur permettre d’assurer (à nouveau) leur entretien et celui de leur famille. Mais comme le montrent les résultats du PNR 51, l’intégration peut se transformer involontairement en exclusion. Tel était le cas à l’aube de l’État social et, faute de donner à la politique sociale une nouvelle orientation, cela pourrait se reproduire au début du XXIème siècle.

L’histoire de la Suisse au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle montre que la politique publique d’intégration était peu sensibilisée à la dignité humaine. Les victimes de cette intégration débouchant souvent sur une exclusion ont été en particulier les gens du voyage, les familles monoparentales, les femmes célibataires ainsi que les familles nombreuses des classes sociales défavorisées. La collaboration entre diverses institutions s’occupant de l’assistance aux «pauvres» et de l’éducation des «dépravés» a détruit au final nombre de vies. Les autorités pratiquaient par exemple le retrait et placement d’enfants, la stérilisation, le harcèlement et l’internement.

L’aide sociale dans une situation délicate

L’aide sociale se trouve actuellement à la croisée des chemins. L’État social et l’aide sociale ont certes fait du chemin depuis la Seconde Guerre mondiale – en 1934, le canton de Schwytz retirait encore le droit de vote aux personnes assistées. Aujourd’hui, l’aide sociale fait partie d’une politique sociale publique conforme aux droits de l’homme et protège à ce titre les droits de la personnalité de ses usagers. Mais les enjeux de la mondialisation du marché du travail ainsi que le nombre croissant de bénéficiaires de l’aide sociale (245 000 personnes en 2006, une croissance de 3,2 % par rapport à l’année précédente, soit 3,3 % de la population) présentent le danger d’une dégradation des normes relatives aux droits de l’homme.

Les résultats du PNR 51 montrent que les services d’aide sociale sont confrontés à une situation délicate. Ils doivent réintégrer leurs usagers le plus vite possible au marché du travail. Mais il ne s’agit pas là de leur principale compétence et cette tâche de longue haleine dépasse leurs capacités. Bien souvent, les usagers sont poussés à accepter un emploi précaire qui s’accompagne d’un bas salaire, de sous-emploi, d’insécurité légale et de risques pour la santé.

Jeunes en danger

Les personnes vivant de l’aide sociale sont victimes de stigmatisation. Le fait que les services d’aide sociale soient souvent obligés de faire usage de mesures de contrôle et de discipline ne fait qu’aggraver la stigmatisation des usagers. Ceci a des conséquences dramatiques : les bénéficiaires de l’aide sociale, déjà souvent soupçonnés d’abus par l’opinion publique, intériorisent les discriminations dont ils sont victimes, ce qui peut avoir des effets négatifs sur la santé psychique.

L’un des plus grands groupes de bénéficiaires de l’aide sociale est aujourd’hui constitué d’adolescents et de jeunes adultes ayant du mal à trouver une place d’apprentissage et à entrer en formation, de sorte qu’ils n’ont pas de diplôme professionnel. En 2006, 31 558 personnes âgées de 18 à 25 ans vivaient de l’aide sociale (soit 12,9% des bénéficiaires) Ces jeunes gens sont souvent confrontés au fait que le passage au monde du travail est trop abrupt et qu’il n’y a pratiquement pas d’institutions qui les aident à franchir cette étape. Ceux qui n’y parviennent pas risquent par la suite de devoir revenir fréquemment frapper à la porte des services d’aide sociale.

Recommandations

Le PNR 51 recommande que l’aide sociale prenne mieux en compte les besoins de ses usagers. Les problèmes des chômeurs sont aujourd’hui souvent beaucoup plus complexes qu’autrefois, en particulier du fait que le marché du travail ne favorise plus le modèle de l’employé à temps plein occupant le même poste toute sa vie. Il offre en outre de moins en moins d’emplois aux personnes non qualifiées. Il faut que l’aide sociale mise plus fortement sur le consentement libre et la participation et qu’elle s’efforce d’établir une relation de confiance avec les chômeurs. Il convient de prolonger le processus de réintégration et que celui-ci offre des possibilités de qualification et de perfectionnement.

De plus, de l’avis du PNR 51, il faut donner à la politique sociale une nouvelle orientation. Il faudrait en particulier une meilleure concertation des différentes assurances sociales au sujet des prestations d’aide qu’elles proposent, et une meilleure coordination de l’aide sociale à tous les niveaux du système fédéral. Des normes et statistiques uniformes pourraient faciliter la tâche des services d’aide sociale. Il convient que l’aide sociale obtienne plus d’importance et une plus grande compétence décisionnelle. On a besoin d’une politique sociale préventive et durable pour empêcher la marginalisation d’une frange croissante de la population.

Source : Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNSNF), Berne, le 20 mai 2008.

1 Le PNR 51, mandaté par le Conseil fédéral, a démarré en 2003. Au total, 12 millions de francs étaient disponibles pour 37 projets de recherche en

1 Le PNR 51, mandaté par le Conseil fédéral, a démarré en 2003. Au total, 12 millions de francs étaient disponibles pour 37 projets de recherche en sciences sociales et humaines. Le rapport final du PNR 51, récapitulant tous les projets, paraîtra fin 2008.

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