La misère ? C’est de ne plus être traité comme un être humain, de n’avoir plus le droit d’être un homme ; c’est d’être exclu de l’humanité. Le seuil de la misère n’est pas seulement d’ordre économique. Il est déjà franchi lorsque l’on refuse de reconnaître la dignité égale de tous les êtres humains.
Aucun homme n’a le droit de dire d’un autre être humain qu’il n’appartient pas à l’espèce humaine, qu’il n’est pas digne d’être un homme. Tous ceux qui sont disciples du Christ et reçoivent la parole de Dieu dans la Bible le savent et le croient : tout homme est créé à l’image et la ressemblance de Dieu : voilà le fondement inaliénable de sa dignité.
Si chacun de nous a des droits, tous, nous avons des devoirs les uns à l’égard des autres. Là est le seul moyen de guérir une des plaies de notre humanité, de résoudre le problème tragique de ceux qui sont enfermés dans la misère - à vie, cela arrive - par déchéance psychique, physique, sociale, culturelle. Il faut nous entraider comme l’on s’entraide lorsque dans une famille l’un tombe malade ou devient paralysé : non pas le traiter en gêneur jusqu’à l’exclure, mais le recevoir tel qu’il est, avec sa faiblesse et ses blessures et l’aider à exister, à exister vraiment.
La parole la plus forte, définitive, nous est dite par le Christ. Alors qu’il rappelle ce commandement de Dieu « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », un de ses interlocuteurs l’interroge : « Mon prochain qui est-il ? » Jésus lui raconte l’histoire du blessé sur la route de Jérusalem à Jéricho, devant qui passent, indifférents, les responsables. Un exclu, un Samaritain, s’arrête, s’occupe de lui et le soigne. Jésus demande alors : « Qui s’est montré le prochain de l’autre ? » Réponse : « Celui qui s’est comporté avec bonté à l’égard de l’homme blessé. »
Comprenons bien : mon prochain, c’est l’abandonné dont je dois m’approcher, parce qu’il m’est donné par Dieu ; c’est le méconnu que je dois reconnaître comme un autre moi-même, un frère, mon frère.