Sortir du chaos

Bruno Tardieu

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Bruno Tardieu, « Sortir du chaos », Revue Quart Monde [En ligne], 127 | 1988/2, mis en ligne le 05 novembre 1988, consulté le 12 décembre 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3935

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Etats Unis d'Amérique

Judith vient de mourir du Sida. Dans son immeuble d’un quartier misérable de New York, deux autres jeunes adultes en sont morts également. Une nuit, Judith avait quitté son immeuble, avec sa fille. Elle voulait s'arracher du chaos qui dans cet endroit s’était installé avec un trafic de drogue. Judith et sa fille ont été relogées par les services sociaux de la ville dans un « welfare hotel », un hôtel pour les sans-abris. Elles y ont vécu deux ans et demi. Judith voulait repartir à zéro et protéger sa fille qui devenait adolescente. Mais dans cet hôtel, comme dans tous les « welfare hotels », le chaos de la drogue était là. Ainsi que le Sida…

Cette maladie semble présente dans tous les lieux de grande misère. C’est en prison, par exemple, que les jeunes y sont le plus exposés alors que la société les met là, à l’écart, pour les faire réfléchir. Les Américains, avec la grande honnêteté qui les caractérise, reconnaissent maintenant que le Sida se propage en premier lieu dans les endroits de misère.

Les officiels se plaignent que les centres de détection sont envahis par des personnes des classes moyennes ou aisées. Elles sont inquiètes, mais aucune ne porte le virus. Elles encombrent ces centres au détriment des populations les plus exposées.

À ce propos, un article du « New York Times » faisait récemment des distinctions au sein des populations très pauvres. Parmi les porteurs du Sida vivant dans des « welfare hotels », le quotidien distingue, d’une part, ceux qui acceptent de voir des conseillers et d’observer une hygiène stricte, et d’autre part ceux qui présentent un vrai danger parce qu’ils semblent ne plus comprendre.

Ne s’agit-il pas des Judith ? De celles et de ceux dont on s’aperçoit que l’on n’a jamais compris les projets, ni les souffrances et dont on a rendu les actes insignifiants. Tout à coup, leurs actes sont importants pour nous parce que nous avons peur du Sida. Mais peuvent-ils nous entendre si nous ne répondons pas d’abord à leur volonté de sortir du chaos.

Bruno Tardieu

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