Le dernier goulag

Olivier Oudet

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Olivier Oudet, « Le dernier goulag », Revue Quart Monde [En ligne], 131 | 1989/2, mis en ligne le 05 novembre 1989, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4092

Août 1989, les journalistes occidentaux visitent un bagne sibérien où plusieurs dissidents soviétiques ont séjourné. L’Express titre « le dernier goulag ».

Crânes rasés, corps tatoués, regards éblouis par l’œil de la caméra… Un homme dit : « Regardez ce que je suis devenu après quatorze ans ici. Mais ce n’est rien. Le pire, ils ne vous le montreront pas ; le quartier Est… ».

Le quartier Est, « l’isolement », le « mitard », nous y voici. Une première porte s’ouvre. Derrière une grille, une cellule nue, dans la pénombre, un être debout sans mot, sans regard, totalement absent. À chaque cellule se reproduit la même scène insensée, insoutenable.

Comment ne pas s’indigner de ce que vivent ces hommes ? Ce reportage nous rend insupportable cette négation de leur dignité.

En 1988, j’étais médecin à la Maison d’arrêt de Fresnes (aux environs de Paris). Très loin du goulag, mais j’ai vu les mêmes visages, les crânes rasés, les corps tatoués ; j’ai rencontré les mêmes regards perdus ; les mêmes silences entre nous.

Mais lorsque parfois les journalistes visitent nos prisons, ils montrent tout autre chose. Les prisonniers de droit commun subissent un traitement semblable à celui des dissidents soviétiques. Mais on ne s’indigne pas. Pourquoi ?

Bien sûr, la force du « dernier goulag » est d’abord de rappeler le sort d’hommes victimes de la violation de la liberté de penser, de refuser cela et d’espérer le progrès du respect des droits civils et politiques dans les pays de l’Est. Mais le sort de tous les détenus invite à se battre avec eux pour le respect de tous les droits fondamentaux qui sont indivisibles.

Olivier Oudet

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