Oserais-je l’avouer : je suis jalouse d’Harlem Désir…
Des milliers de personnes scandant : « Touche pas à mon pote ! », la conférence épiscopale et le Conseil d’État joignant – de fait – leurs forces, le projet de loi « portant sur la réforme du Code de la Nationalité » est pour le moment retiré du circuit. Une période de vaste consultation s’ouvre.
Oui, je suis jalouse. Quand les immigrés et leurs amis descendent dans la rue et frappent du poing sur la table, ils sont écoutés. Certes, pas toujours et pas tout de suite ; mais maintenant, et c’est tant mieux, ils sont des partenaires obligés.
Deviens-on « automatiquement » français parce qu’on est né en France et qu’on y vit depuis plusieurs années ? Une autorité peut-elle vous refuser la nationalité française parce qu’elle estime que vous ne faites pas d’effort pour vous assimiler ? Des situations me viennent à l’esprit pour lesquelles la réponse tombe comme un couperet. J’en prends deux :
« Je suis normand et ça fait quinze ans que je vis là en caravane avec ma famille. Quand j’ai eu besoin d’un certificat de domiciliation pour refaire ma carte d’identité, le maire me l’a refusé ; il m’a dit qu’on était « toléré » mais qu’on n’était pas d’ici. »
Un vieux couple vit à B. depuis vingt ans. La femme vient à mourir et la commune refuse de payer les frais d’enterrement. Elle devrait pourtant le faire car le couple est sans ressources. Mais « pour les indigents, c’est à la mairie du lieu du décès de prendre en charge ces frais » et Mme F. est morte à l’hôpital de la commune d’à côté. Pas de chance.
Eh oui ! pour beaucoup de familles, il ne suffit pas de vivre là pour « être d’ici ». Savons-nous encore reconnaître la dignité humaine à ceux qui vivent dans la misère ? Témoin cet homme : « parce que je fais les poubelles la nuit, on me regarde comme un rat ». Témoin cette femme condamnée à 12 ans de prison pour avoir fui sa misère et ses deux enfants qui en sont morts, dont un romancier-journaliste a pu écrire dans un journal à grand tirage : « cette femme n’appartient pas à l’espèce humaine ; c’est un morceau de viande. » Témoins encore ces citoyens, désireux de mieux connaître les plus pauvres et qui avaient achoppé sur la première phrase des options de base du Mouvement ATD Quart Monde : « Tout homme porte en lui une valeur inaliénable qui fait sa dignité d’homme. »
Alors finalement je ne veux plus être jalouse d’Harlem Désir et je me prends à espérer… Et si cette question de l’acquisition de la nationalité française permettait une méditation collective sur l’appartenance : appartenance à une communauté locale, appartenance à une nation, appartenance à la famille humaine. Le Quart Monde, peuple de nulle part, nous apprendrait à être de partout.
À quand une réforme du « Code de l’Humanité » ?