Depuis cinq à six ans, les actions de formation de l’Education Nationale à l’attention des adultes en difficulté ont profondément évolué. A partir d’une analyse globale de l’évolution des exigences de l’emploi, de la place des bas niveaux dans cette évolution, des critères de mise au chômage et des critères d’embauche, des attentes des entreprises et des demandeurs d’emploi, l’Académie de Lyon a défini avec des demandeurs d’emploi de nouveaux objectifs.
Il ne s’agit, en effet, plus seulement de compléter la formation (générale et professionnelle), mais encore de développer et favoriser les capacités d’adaptation aux situations nouvelles, de réaction aux problèmes, de mise en œuvre de ses compétences, et la capacité de se situer par rapport aux autres en fonction du rôle de chacun dans la vie sociale comme dans l’entreprise.
Les G. R. E. T. A. transforment donc peu à peu leurs prestations afin de permettre à chaque adulte en difficulté de construire un projet, de se situer par rapport à celui-ci, d’acquérir des connaissances, de développer des capacités transversales, et enfin, si possible, d’obtenir une qualification et de la faire reconnaître.
D’où la mise en place progressive de « dispositifs » permanents qui se caractérisent par l’existence de locaux identifiés et d’une équipe permanente de formateurs compétents en lien avec des entreprises.
Ces dispositifs ouverts aux différents publics peuvent accueillir notamment des chômeurs de longue durée qui se retrouvent ainsi « non marginalisés. » Ils répondent aux fonctions suivantes : accueil, orientation, suivi et accompagnent, bilan et formation.
La fonction bilan permet de construire ou consolider le projet ; elle est d’une durée variable avec parfois des périodes en entreprise, bancs d’essai professionnels. Les résultats du bilan seront la propriété exclusive de la personne.
La fonction formation est centrée soit sur une formation générale en prenant également en compte des situations d’illettrisme, soit sur une formation préqualifiante ou/et qualifiante. Ces lieux de formation s’organisent en alternance pédagogique avec des périodes en entreprises.
Les actions des G.R.E.T.A. sont donc complémentaires de celles des entreprises d’insertion en étant plus « ciblées » sur les publics qui considèrent (ou découvrent) qu’une formation peut être également un atout incontestable pour une réinsertion professionnelle.
Intervention de Madame Danielle Vuillermoz de la S. E. P. R
Le projet « Contre l'exclusion, une qualification », dans lequel la Société d’Enseignement Professionnel du Rhône assure la formation qualifiante, a permis de dégager certains éléments de réussite applicables à des adultes sans formation (ne sachant pas ou ne sachant plus écrire, lire, compter) en ayant de ce fait des difficultés « d’employabilité » et d’adaptation. Trois conditions sont nécessaires pour réussir :
- Une équipe de formateurs limitée en nombre et soucieuse d’une cohérence pédagogique : la structuration intellectuelle. D’où le choix d’une pédagogie individualisée soutenue par un travail de groupe.
- Un partenariat Centre de Formation - Entreprise : lien entre la démarche pédagogique et les activités intellectuelles mises en jeu dans l’entreprise, entre le savoir et le savoir-faire.
- La durée permet une phase préliminaire à la formation de reprise de confiance en soi et de mise en route d’une dynamique individuelle.
Intervention de Monsieur Jacques Perraud
Quelles conditions mettre en place pour que la personne en difficulté d’orientation trouve auprès des professionnels l’aide et le soutien qui lui permettent de se donner une orientation stable ?
L’une des difficultés tient à ce qu’en général l’itinéraire ne saurait être que long, discontinu et non linéaire.
L’expérience montre que la réussite repose en grande partie sur la ténacité des personnes concernées et sur la stabilité de leur orientation. Ceux qui ont réussi leur insertion ont dû apprendre à s’orienter, à mettre en place et étoffer une structure qui leur a permis de durer comme acteur de leur propre évolution (de s’orienter, prendre des décisions, évaluer au fur et à mesure ce qu’ils ont défini et entrepris).
Créer les conditions permettant cette évolution de la part des professionnels une approche dynamique et systématique de l’individu. Pour cela, on peut se référer à des modèles tels que celui dénommé « Activité du Développement Vocationnel et Personnel », qui se caractérise ainsi :
- il distingue quatre étapes correspondant à des types de mécanismes mentaux et comportementaux : exploration, cristallisation, spécification, réalisation ;
- il met l’accent sur la capacité de se projeter ;
- il suggère des activités aptes à stimuler les mécanismes mentaux spécifiques à chaque étape ;
- il suppose une gestion individualisée de chaque itinéraire.
Or, au regard de ces modèles, on constate que souvent :
* la première phase est réduite à la portion congrue ou mêlée à d’autres ;
* les outils (A. R. L., R.E.I.) sont utilisés sans grand discernement ;
* le travail de restauration de l’image de soi est souvent mal maîtrisé.
Les acteurs en charge de l’insertion sociale et professionnelle gagneraient en efficacité, s’ils se dotaient de repères méthodologiques structurant leurs interventions.
Si une trame méthodologique est suivie, il est possible de concevoir des périodes en entreprise où la fonction sera précise, les objectifs pointus.
En conclusion, il est nécessaire de dégager des moyens pour la formation des acteurs. Des solutions peuvent être trouvées en concertation à condition de faire preuve de créativité et de développer des repères structurants.
Débat
Il porte d’abord sur le temps nécessaire préalable à la formation (construction du projet)
Il apparaît :
- qu’il n’est pas obligatoirement linéaire : des ruptures doivent être possibles ;
- qu’il doit varier en fonction de la personne ;
- que pour les adultes la durée peut être un mal : elle peut déboucher sur l’assistanat.
Les interventions ultérieures permettent de dégager les points de vue suivants :
Pour les adultes, il y aurait besoin d’un contrat de qualification (Monsieur Kastler), d’un contrat d’apprentissage d’une durée de 2 à 3 ans (Monsieur Rey).
Pour les jeunes, si le niveau scolaire minimum tend à s’améliorer, une expérience professionnelle est maintenant nécessaire pour accéder à un emploi : les S.I.V.P. et Contrats d’Emploi Solidarité permettent une première expérience mais il faudrait développer l’expérience professionnelle dès l’école.
L’alternance, si elle est généralisée au plus grand nombre, constitue une issue au problème de l’exclusion : elle ne doit pas être utilisée seulement en cas d’échec (mauvaise image). Une collaboration est nécessaire à tous les niveaux entre les écoles et les entreprises. Enfin, il faut s’attaquer aux causes – notamment à l’élitisme intellectuel actuellement en cours (Monsieur Emerard).
Des dirigeants d’Entreprises d’Insertion signalent certaines de leurs difficultés : manque de « rentabilité » des personnes d’où pour l’entreprise, manque de compétitivité, différences des statuts et des rémunérations du personnel.
En fin de débat, divers intervenants font les observations ou émettent les suggestions suivantes :
- nécessité d’un « référent » ou « tuteur » au sein de l’organisme de formation et au sein de l’entreprise ;
- création d’un réseau d’entreprises d’accueil ;
- création d’une ligne du budget pour la formation des formateurs ;
- obligation pour l’organisme de formation de préciser l’objectif du stage, dans l’intérêt de l’entreprise et de celui du stagiaire.