Les causes significatives dans le contexte actuel du Mouvement ATD Quart Monde

Bérengère Le Sonneur

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Bérengère Le Sonneur, « Les causes significatives dans le contexte actuel du Mouvement ATD Quart Monde », Revue Quart Monde [En ligne], Dossiers & Documents (1997), mis en ligne le 21 avril 2010, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4611

L’enjeu des causes significatives est la dignité de l’être humain définie en termes de Droits de l’homme, objet du combat du Mouvement.

Anne Duquesne nous a rappelé les actions menées depuis le tout début du Mouvement avec des familles très pauvres, ces causes pour lesquelles nous nous sommes mis ensemble depuis plus de vingt ans, dont certaines sont devenues des causes significatives, dépassant les personnes pour lesquelles elles étaient menées. Anne Duquesne rappelait en même temps la complexité et l’enjeu d’un combat difficile dans ce champ des Droits de l’homme qu’est la Justice.

L’enjeu de ces causes est qu’un être humain soit considéré comme tel, avec la dignité et les droits qui s’attachent à l’être humain, et que la Justice puisse garantir que lorsque des droits ont été lésés, ils puissent être rétablis. L’accès à la justice est un des chemins de la participation à la vie publique et à la transformation de la société.

Etre reconnu et traité dans sa dignité d’être humain qui a sa part dans les destinées du monde, c’est bien l’aspiration de tous, et c'est aussi l'aspiration de ceux qui sont privés de cette reconnaissance. Cela le père Joseph Wresinski en était convaincu, lui qui s’était engagé à ce que le peuple des très pauvres soit présent – comme il disait – « là où débattent les hommes. »

Cette aspiration à être reconnu et à « être du monde », les familles du Quart monde nous la rappellent tous les jours. Elles l’ont redit lorsqu’elles ne sont rassemblées en congrès devant les Nations Unies en 1994. Elles disaient alors : « Nous refusons que des hommes et des femmes soient condamnés au silence et à l’inutilité. ». « Nous voulons contribuer à la construction de la communauté. »

Dans ce chemin difficile de la justice, les causes significatives son un véritable défi. Elles sont un défi, parce qu’il faut tracer un chemin là où le Droit n’existe pas, un chemin qui, ensuite, pourra être un repère. Elles sont un défi aussi par leur caractère public dans des situations qui sont le plus souvent des situations d’humiliation. Elles sont un défi par leur enjeu de rétablir les Droits de l’homme, pour ceux qui sont directement concernés et, à travers eux, pour tous ceux qui connaissent des situations semblables.

Et cela, bien sûr, impose des exigences tant dans le choix des causes que l’on veut rendre significatives que dans la façon de les mener, chaque étape devant contribuer à rétablir la dignité de la famille concernée et de toutes les autres familles en grande pauvreté.

Les causes significatives sont comme à la croisée de l’histoire d’une famille et de l’histoire de la marche du Quart Monde. Un courant se développe aujourd’hui pour lier misère et Droits de l’homme avec pour conséquence que si la misère est affaire de Droit de l’homme, sa destruction est l'affaire de tous. Je voudrais en liter quelques signes.

Après l’adoption par le Conseil économique et social de l’Avis élaboré sur la base de son Rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », le père Joseph Wresinski disait : « Désormais, on ne pourra plus parler de pauvreté sans parler des Droits de l’homme. » Cette phrase a été reprise en titre du numéro du journal « Feuille de Route » qui présentait le Rapport. En 1987, cette affirmation était provocante, contestée et le père Joseph Wresinski l’a fait graver sur une dalle au Trocadéro à Paris : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les Droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »

En divers endroits du monde, cette affirmation est répétée publiquement et solennellement tous les 17 octobre. Depuis trois ans la journée du 17 octobre  est officiellement reconnue par les Nations Unies « Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. »

Depuis, également la définition de la pauvreté en termes de droit de l’homme, définition qui est celle du rapport Wresinski, a été reprise par d’autres, notamment lors du commet de Copenhague en mars 1995. Des études ont été ou sont réalisées sur le lien entre grande pauvreté et Droits de l’homme. Une étude a été menée à la Commission Nationale Consultative des Droits de l’homme, présidée par Paul Bouchet, avec la participation de familles du Quart Monde qui ont livré des témoignages. Une étude est en cours aux Nations Unies et des délégués du Quart Monde ont participé à un séminaire dans le cadre de cette étude, en octobre 1994, à New York.

Ce sont là quelques signes de l’avancée de ce courant qui lie Droits de l’homme et extrême pauvreté. Le combat pour la Justice y a contribué en l’inscrivant dans le concret de situations à ne plus tolérer et d’un droit à transformer.

Plus que jamais nous comptons sur vous tous pour approfondir la compréhension des situations, pour faire évoluer le Droit. Plus que jamais, il faut mettre ensemble nos expériences, nos savoirs et nous n’hésiterons pas à faire appel à vous pour nous éclairer ou pour vous engager avec nous quand il s’agira de faire respecter le droit de telle ou telle famille.

Bérengère Le Sonneur

Intervention de Bérengère Le Sonneur, au nom du secrétariat général du Mouvement ATD Quart Monde

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