Le pouvoir, qu’il soit économique, social ou privé, est encore souvent détenu par les hommes. Les femmes existent peu publiquement, elles ont une action “ invisible ” socialement. Dans le monde, 80% des réfugiés sont des femmes et des enfants. Amnesty international dénonce le viol comme arme de guerre et le fait que les femmes et les jeunes filles victimes de la traite des êtres humains soient trop souvent considérées comme des délinquantes. Si la micro-finance renforce le pouvoir d’action des femmes pauvres, partout dans le monde les très pauvres sont encore humiliées, stigmatisées et notamment dans les centres de rétention administrative d’Europe.
Si, depuis quelques décennies, les féministes ont inscrit les avancées de leurs luttes dans tous les rouages de la société, soutenues par les textes adoptés par les grands organismes internationaux comme l’ONU, celles qui militent pour l’émancipation des plus pauvres d’entre elles, y compris les premières concernées, sont rarement entendues.
Dans son article, Magdalena Brand souligne combien “ Certains établissements d’assistance publique en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que certains programmes de développement en Afrique ou en Amérique latine, ont tendance à considérer les femmes très pauvres comme des êtres passifs, résignés et même inconscients de leur oppression, s’accommodant d’une situation qu’une femme plus privilégiée ne tolérerait pas. ” Cependant, ces femmes, par leur situation, connaissent bien les rouages de leur mise à l’écart. Elles ont un regard qui est nécessairement en prise avec le réel, la conscience aiguë de maintenir les liens et la solidarité d'une communauté. Elles peuvent aussi dire ce que les hommes apportent à leur lutte pour élever leurs enfants et prendre confiance en elles. En Bolivie, au Mexique, au Kenya, les études et témoignages directs, comme ceux collectés en Université populaire Quart Monde, montrent qu’elles peuvent définir les environnements qui leur permettent de s’investir dans une lutte collective. Le fait n’est pas nouveau : depuis l’année internationale de la femme en 1975, et particulièrement depuis le congrès des familles en 1976, les femmes du Quart Monde ont livré une connaissance du monde de la misère à nulle autre pareille, notamment par le biais des ateliers organisés par le Mouvement ATD Quart Monde : ateliers pour l’école, ateliers du croisement des savoirs, etc. Elles osent intervenir même auprès d’instances internationales.
Ce numéro rassemble des contributions qui évaluent l’impact des prises de parole et des luttes des femmes, en particulier de celles du Quart Monde, ainsi que des éclairages masculins, sur les moyens d’analyser leurs réussites et le difficile chemin qu’il leur reste à parcourir.