« Comme un fils qu’on engendre »

Josette Vincent and Justin Vincent

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Josette Vincent and Justin Vincent, « « Comme un fils qu’on engendre » », Revue Quart Monde [Online], 225 | 2013/1, Online since 05 August 2013, connection on 10 December 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5556

Deux volontaires haïtiens, passionnés par la promotion du « vivre ensemble », livrent ici leurs réflexions sur les innovations qui leur paraissent nécessaires en matière de lutte contre la pauvreté. (Interview réalisée à Marseille par la Revue Quart Monde.)

RQM : Comment avez-vous découvert la pauvreté et la misère ?

Justin Vincent : Quel que soit l’endroit où on est né, un enfant ne dit jamais spontanément : « Je suis pauvre ou riche ». Il faut du recul pour avoir cette conscience. Mes parents étaient des cultivateurs qui vivaient à huit kms de la ville (Port-de-Paix, dans le Nord-Ouest). J’étais l’aîné et j’ai eu le privilège d’aller à l’école primaire en ville.

Nous n’avions pas de conscience de la misère car nous avions assez pour vivre. Plus tard, quand je suis arrivé à Port-au-Prince, j’ai lu un article sur ATD Quart Monde. J’étais déjà engagé dans l’Église. J’ai pris contact avec le volontariat sur place et avec eux, je suis allé pour la première fois dans un bidonville. On ne parlait pas de misère car c’est une étiquette négative.

Dans notre culture, quand on dit que quelqu’un est pauvre, ça peut être une sorte d’injure : bien qu’il mendie dans la rue, il n’est pas pauvre. On est dans la pauvreté dans l’ensemble mais sans mettre cette étiquette. C’est plus tard que j’ai pris conscience de ce que cela veut dire de voir des enfants les fesses à l’air, sur le sol accidenté,… quand nous faisions des bibliothèques de rue, ou des activités Tapori2 en nous basant sur le désir des enfants d’avoir des amis.

Josette Vincent : Je suis née à Port-au-Prince, dans la capitale. Dans les quartiers, on se considère tous à égalité. Pauvreté, misère… ce ne sont pas des mots dont on est fier. Les gens disent le plus souvent : « On est malheureux mais on n’est pas pauvre »...On a cette dignité à garder.

J’ai découvert par Justin, au sein même de la capitale, le quartier de Grande Ravine où le Mouvement faisait une bibliothèque de rue. Bien que je passais régulièrement sur le chemin de Martissant, je ne connaissais pas ce quartier et ces enfants assoiffés d’apprendre.

En 1999, trois enfants ont participé à un Forum en Suisse, pour le vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant. Une fois retournés au pays, on a créé, avec ces trois enfants, un groupe Tapori pour continuer le courant d’amitié avec les autres enfants. C’est alors que j’ai découvert autrement le quartier car auparavant, rien ne me permettait d’y mettre naturellement le pied.

RQM : Comment innover avec les personnes en état de grande pauvreté, pour casser l’enfermement ?

Ju.V.: J’ai en tête le contexte du monde d’aujourd’hui. On a du mal à établir la différence entre misère et pauvreté. La misère est partout pareille, partout c’est la même souffrance : si tu n’es pas comme les autres, tu es classé, catalogué…

Après la deuxième Guerre mondiale, on a tenté de classer les pays : les pays riches, les pays du Tiers Monde, du Sud. Pourquoi un tel classement ?... parce qu’on veut aider, on veut éradiquer la pauvreté mais sans penser à ce que veut dire la pauvreté ! On a créé le G7, le G20, mais les efforts faits sont vains. Pour détruire la pauvreté, il faut d’abord comprendre ce que les gens vivent, pour savoir ce que veut dire la misère et chercher la participation de tous. Au lieu de cela, les détenteurs du savoir, les techniciens, vont voir les pauvres avec leurs plans pour les leur imposer. C’est ça qui ne marche pas. En Haïti on voit des organisations qui viennent reboiser avec des eucalyptus, qui nécessitent beaucoup d’eau : pourquoi n’essaie-t-on pas de réfléchir avec les gens sur place en Haïti et de permettre aux gens de participer ? Pourquoi ne pas faire ce reboisement avec les arbres du terroir ?

Après le cyclone Sandy, les États-Unis ont envoyé des millions de dollars en Haïti… Qu’est-ce que ces millions vont devenir ?  Ce n’est pas cela qui va  changer la situation des gens. Ça les pousse encore plus à entrer dans le tunnel sans issue de la misère. Ça rajoute à l’étiquette qui pèse déjà sur la personne : « C’est impossible de faire des choses avec ces gens-là ». Les donateurs ont une espèce de complexe de supériorité : « Moi, je suis venu ici, je sais tout ». Ils se servent de l’aide apportée pour s’en faire une publicité.

RQM : Et en France, en Europe ?

Ju.V. : Dans nos cités aujourd’hui, en France, la plupart des gens sont dans la pauvreté, s’ils ne sont pas dans la misère. Ils sont dans la pauvreté parce qu’ils n’ont pas les moyens de vivre correctement. Ils n’ont que des relations entre eux, des relations très communautaires. Il s’agit d’une espèce d’auto-défense, … heureusement d’ailleurs! Cependant par là, ils peuvent être aussi dans une espèce de misère. C’est la misère de la honte… L’insécurité de voir ton fils qui n’est pas encore rentré le soir …

Après le Festival des arts et des savoirs3 l’été dernier, on a voulu faire une exposition avec les photos prises dans les ateliers pour valoriser le travail des créations artistiques des familles. Pour rendre effective cette expo il a fallu faire du porte à porte pour demander l’autorisation de droit à l’image. On est arrivé chez la maman d’un gamin qui a participé à la fabrication d’un fauteuil à partir de palettes récupérées, mais elle n’a pas voulu nous donner l’autorisation. Pourquoi ?... Elle vit dans la crainte, elle a honte de son fils, elle n’est pas fière de lui à cause des histoires qu’il a avec les autres jeunes de la cité.

RQM : Qu’est-ce qui vous étonne ?

Jo.V. : En France, je n’ai pas vraiment été étonnée. Mais j’ai été amenée à réfléchir sur ce mot : « mondialisation ». On pense mettre le monde sur un même pied d’égalité. Mais pendant qu’on va très, très, très loin, il y en a qui n’ont même pas de pieds ; on ne pense même pas à leur faire des béquilles, ni à voir comment vraiment on peut marcher ensemble.

En France, comme dans tous les pays développés, s’il y a un jour un manque d’électricité, c’est la catastrophe. Dans les pays comme Haïti, l’électricité est devenue une denrée rare, qui est vraiment contrôlée par secteur.

Or, maintenant le monde fonctionne comme ça : tous les Français ont besoin de  l’ordinateur, de la télé, du frigo. On ne peut pas vivre sans ça : c’est essentiel. En cas de coupure d’électricité, on est avisé de la coupure de telle heure à telle heure, ça ne peut pas durer longtemps. Voir juste ça, seulement ça, c’est comme un flash qui me fait dire : ici on est dans la lumière, la France est un pays de lumière.

Mais si on réfléchit sur des pays qui doivent nous rejoindre, qui doivent marcher avec nous, comment faire ?… Entre ceux qui sont en haut des gratte-ciel et ceux qui sont toujours au sous-sol ?... Tenir compte de cela, qu’est-ce que ça implique ? Comment réfléchir ? On ne va pas envoyer 50 000 ordinateurs à ceux qui n’ont pas l’électricité pour les utiliser. Et ici, il ne faut peut-être pas qu’on ait l’électricité vingt-quatre heures sur vingt-quatre : on va la partager pour que tout le monde l’ait en même temps. Je pense qu’on devrait tenir compte de tout ça.

RQM : Quel est le caractère novateur de l’engagement de volontaire à ATD Quart Monde ?

Ju.V. : A Martissant (Port-au-Prince), je faisais la bibliothèque de rue trois fois par semaine, avec mon sac à dos. Des anciens collègues instituteurs me disaient : « Mais qu’est-ce que tu fais là ? » Ils n’étaient pas fiers de ce que je faisais, ni de me voir là. Et moi je leur disais : « Je suis volontaire d’ATD Quart Monde... »

On m’a invité à une session dont le thème était : Casser l’enfermement  avec Tapori4. C’était une première interpellation. Ça m’a mis en hauteur. Parce que ce n’était pas une session magistrale. La réflexion de tous comptait. Chacun avait une expérience à partager.

Personne n’est détenteur du savoir tout seul… Il y a le savoir universitaire, le savoir inné, le savoir de l’expérience… La théorie est née à partir de la pratique5. Notre engagement, c’est d’afficher un autre comportement par la pratique. Être avec les personnes qui sont dans la misère, non pas trente-cinq heures par semaine, mais en permanence.

A la maison Quart Monde à Marseille, on reçoit parfois un coup de fil de gens qui disent : « Je veux aller en Afrique avec vous pour détruire la misère… » Aller en Afrique pour faire quoi ? … Nous sommes dans un Mouvement qui n’agit pas dans l’élan spontané. C’est le monde qui fonctionne comme ça. Dans le Mouvement, il y a une radicalité. On a une vie simple, proche des gens, on ne loge pas dans des quartiers huppés, dans des maisons avec piscine, ... Nous sommes engagés dans la durée pour penser avec les gens, construire ensemble quelque chose qui rapporte de la fierté ; c’est  « comme un fils qu’on engendre » : cela donne un résultat à la hauteur des moyens qu’on a mis pour que les gens puissent être acteurs. … Qui, dès lors, va avoir envie de tuer son fils, sa fille ?

Si on prend un groupe de jeunes, et qu’on leur dit : « Nous allons peindre les cages d’escalier ensemble », elles vont rester propres pendant longtemps. Mais, si on le fait à leur place, on voit tout de suite les dégradations. Pour moi, c’est ça l’innovation aujourd’hui : prendre conscience qu’il faut construire avec tous.

Ici à Marseille, les gens sont étonnés que nous soyons des Haïtiens venus en France pour lutter contre la misère, « ...alors qu’il y a de la misère chez vous... ». Je leur réponds : « Je ne suis pas seulement Haïtien, mais je suis un homme du monde... »

RQM : Être d’un Mouvement international, est-ce une chance ou une difficulté ?

Jo.V. : C’est une chance de découvrir l’internationalité de la misère. Ce n’est pas une démarche si facile. Certains peuvent penser qu’il n’y a de la misère que chez nous. Or, dans les pays développés, il existe d’autres types de misère, que la presse ne connaît pas... Cette découverte a contribué à ma construction personnelle et à renforcer mon engagement. Je pense que c’est pareil pour tous les membres du Mouvement : nous sommes appelés à découvrir les violations des droits de l’homme partout.

C’est une difficulté parfois : certains doutent de notre engagement parce que nous venons d’un pays pauvre. Je leur dis : «  Cette misère, on ne la veut pas chez nous, ni nulle part ailleurs... »

L’important n’est pas de rester chez moi ou d’aller ailleurs. L’important est d’ouvrir le champ de l’engagement en rejoignant d’autres personnes qui s’engagent comme nous. Ce n’est pas seulement nous qui agissons comme ça.

Ju.V. : On s’en rend compte quand on lit la lettre aux Amis du Monde6….C’est très important de se sentir reliés à ces personnes.

RQM : Que disent vos enfants du déracinement, de leur rapport aux autres quartiers, à l’école ?

Ju.V. : Gracita a dix ans. Elle comprend un peu de ce que nous faisons... Par exemple, je l’ai poussée à écrire à Tapori car en CM1 elle a fait partie du groupe d’accueil d’un petit enfant turc, qui est arrivé après la rentrée et se retrouvait tout seul dans la classe.

Jo.V. : Au fond, nous avons fait nos propres choix, sans réfléchir trop loin, et ensuite, on essaie de faire face au fur et à mesure aux questions qui se posent. Les enfants portent nos choix avec nous.  Quand certaines fois, nous passons auprès des gens qui font la manche dans la rue, les enfants insistent pour que nous donnions  une pièce à ces personnes-là. Pour eux, ne rien donner serait être en contradiction avec nos choix de vie.

Ils savent aussi qu’avec nos revenus, ils ne peuvent pas faire certaines choses. Mais à l’inverse, tous les enfants comoriens de l’immeuble sont leurs « cousins-cousines », comme cela se pratique dans la communauté comorienne. Pour leur anniversaire, nos enfants ont plein de copains à inviter. C’est important car leur famille naturelle est loin... A l’école, Gracita s’était présentée comme déléguée de classe et devait remplir un acte de candidature ; dans sa présentation personnelle elle a dit qu’elle était antillaise. Nous en avons parlé avec elle, pour lui faire comprendre que citer le nom de son pays natal pourrait lui donner l’occasion de parler de belles choses que les gens ne savent pas forcément à propos d’Haïti. Nous nous rendons compte qu’elle est confrontée, comme nous, aux clichés qui circulent sur Haïti : le tremblement de terre, les inondations, la pauvreté,… Ce n’est pas toujours digérable de n’entendre que cela.  Mais avec un peu de recul, nous pensons que c’est peut-être sa façon à elle d’innover pour permettre aux gens d’avoir plus d’ouvertures et de ne pas rester stagner sur les flashes réducteurs de la presse à propos d’Haïti. Les enfants nous apprennent à innover aussi dans le choix de vie que nous avions fait.

… Et puis un jour Gracita est revenue à la maison en disant que la responsable du  CDI7 avait trouvé un article intéressant sur un « tap-tap à livres »8 en Haïti et le lui a donné. Il semble qu’une organisation monte avec cette camionnette (tap-tap) dans les quartiers  et s’adresse aux enfants avec des livres…. J’ai dit à Gracita : « Tu vois, ça, c’est beau ». C’est du baume au cœur !

Ju.V. : Sinon, on est toujours des accusés ou bien présumés coupables...

Un autre exemple : récemment, nous sommes allés avec un groupe d’enfants du quartier Bellevue9 à une journée de rencontre au Conseil général à l’occasion de la Journée des droits de l’enfant. Une maman comorienne accompagnait le groupe. Elle a joué à fond son rôle d’éducatrice et avait une autorité naturelle sur les enfants. Mais cette maman, justement, voudrait déménager du quartier car elle a peur pour l’avenir de ses propres enfants. Elle mettait le doigt sur la tension qui existe pour elle entre la lutte pour les droits de tous les enfants et le souci de préserver les siens et de pouvoir exercer son rôle éducatif dans un environnement qui le permet...

Elle nous a dit : « C’est le moment maintenant, car d’ici deux ans ou trois ans, ça va être très difficile pour moi parce qu’ils auront grandi... »

Nous-mêmes, en tant que parents, nous profitons de tous les événements pour expliquer à nos enfants pourquoi on ne les laisse jamais tout seuls, pourquoi on est toujours avec eux...

1 Bibliothèques de rue ou des champs ont lieu là où vivent des enfants de familles très défavorisées : au pied d’une cage d’escalier d’un immeuble
2 Tapori est un courant d’amitié entre des enfants de tous milieux à travers le monde, qui s’engagent là où ils sont pour que tous les enfants aient
3 Pendant les vacances scolaires, temps fort d’animation dans les quartiers qui permet aux habitants (petits et grands) de s’ouvrir au monde, de créer
4 Voir note 2.
5 Cf. le livre de Geneviève Defraigne Tardieu,  L’Université populaire Quart Monde. La construction du savoir émancipatoire, Éd. Presses universitaire
6 LAM : publication du Forum Permanent sur l’extrême pauvreté dans le monde, animé par ATD Quart Monde, qui cherche depuis plus de trente ans à
7 Centre de documentation et d’information.
8 Bibliothèques Sans Frontières (BSF), en partenariat avec la Bibliothèque Nationale et la Direction Nationale du Livre (DNL), a lancé la première
9 Quartier où ATD Quart Monde anime une bibliothèque de rue depuis plus de dix ans.
1 Bibliothèques de rue ou des champs ont lieu là où vivent des enfants de familles très défavorisées : au pied d’une cage d’escalier d’un immeuble dégradé, dans la cour devant une baraque d’un bidonville, en plein champ aux abords d’une maison isolée habitée par une famille très pauvre en milieu rural. Elles sont autant d’occasions de créer des liens entre ces enfants et leurs familles et une société dont ils sont rejetés.
2 Tapori est un courant d’amitié entre des enfants de tous milieux à travers le monde, qui s’engagent là où ils sont pour que tous les enfants aient les mêmes chances. Voir le site : http://www.tapori.org
3 Pendant les vacances scolaires, temps fort d’animation dans les quartiers qui permet aux habitants (petits et grands) de s’ouvrir au monde, de créer avec des artistes, de changer l’image du quartier, avec le souci de n’oublier personne.
4 Voir note 2.
5 Cf. le livre de Geneviève Defraigne Tardieu,  L’Université populaire Quart Monde. La construction du savoir émancipatoire, Éd. Presses universitaire de Paris Ouest, 2012, 378 pages. Voir aussi sur www.editionsquartmonde.org
6 LAM : publication du Forum Permanent sur l’extrême pauvreté dans le monde, animé par ATD Quart Monde, qui cherche depuis plus de trente ans à recueillir et à mettre en valeur tous les engagements, toutes les initiatives personnelles et collectives de refus de la misère. Voir le site : http://refuserlamisere.org. Voir également l’article page 40.
7 Centre de documentation et d’information.
8 Bibliothèques Sans Frontières (BSF), en partenariat avec la Bibliothèque Nationale et la Direction Nationale du Livre (DNL), a lancé la première bibliothèque mobile haïtienne. Trois « Biblio Tap-Tap » (véhicule traditionnel de transport en commun, transformé en bibliothèque, grâce aux artisans haïtiens et aux bénévoles des Nations unies) sont mis en service entre juillet 2012 et janvier 2013. Ce programme a reçu l’appui financier de l’Union Européenne, de la Fondation Digicel Haïti, de l’Institut Franco-Caribéen de Coopération et de la Fokal. (D’après l’article paru dans Haïti Libre, 16/07/2012).
9 Quartier où ATD Quart Monde anime une bibliothèque de rue depuis plus de dix ans.

Josette Vincent

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Justin Vincent

Instituteurs diplômés de l'École Normale, Josette et Justin Vincent sont tous deux Haïtiens. Justin a rencontré ATD Quart Monde à Port-au-Prince en 1989 et a rejoint le volontariat en 1997. Il est actuellement animateur responsable d’une bibliothèque de rue1 depuis neuf ans. Josette est volontaire depuis 2003. Ils habitent en famille dans un quartier Nord de Marseille (France) et sont investis dans une « action de présence » destinée à créer des liens avec les familles, l'école et les structures sur place. Leurs enfants sont âgés de dix, huit et quatre ans.

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