« Qui se ressemble, s’assemble », dit la sagesse populaire.
« Que signifie le besoin d’appartenance collective, qu’elle soit culturelle, religieuse ou nationale ? Pourquoi ce désir, en soi légitime, conduit-il si souvent à la peur de l’autre et à sa négation ? », s’interroge en substance Amin Maalouf dans un livre fondamental1.
D’autres sources, philosophiques et spirituelles, attirent notre attention sur la nécessaire maturation d’un « je » autonome, lucide, différencié, avant de pouvoir envisager la formation d’un « nous » digne de ce nom…
Questions fondamentales s’il en est, dont le développement dépasserait largement l’espace imparti à notre dossier…
Abordons aujourd’hui la même recherche sous un angle ciblé, celui des citoyens les plus pauvres. L’interrogation sur le vivre ensemble est au centre du Mouvement ATD Quart Monde depuis sa fondation dans chacun des pays où il est implanté car les plus pauvres sont effectivement exclus des choix collectifs et des choix de société, et privés des moyens élémentaires de subsistance, d’éducation, de reconnaissance, nécessaires à la construction d’une estime de soi vitale.
Loin des débats théoriques, mais cherchant une articulation ajustée et féconde avec ces derniers, nous donnerons la parole à ceux qui, dans leur métier ou dans leur quotidien, ont une vision de ces difficultés ; à ceux qui peuvent faire part des espoirs nés de leurs pratiques. En France, Michel Wieviorka, sociologue, aborde les nuances entre tolérance et reconnaissance dans un contexte de mondialisation. Mohammed Aïssaoui ose un parallèle entre privation d’identité, enfermement forcé dans une communauté et esclavage. Depuis les États-Unis, William J. Wilson dénonce les effets cumulatifs de la domination chronique raciale et économique. Textes d’universitaires auxquels font écho ceux dont l’expertise sourd d’un terrain lourd de souffrance et d’épaisseur vécue : les leçons de l’après cyclone Katrina à La Nouvelle-Orléans, l’expérimentation d’une éducation des enfants conçue pour bénéficier à tout un quartier à Ouagadougou, le difficile combat historique pour la reconnaissance d’enfances brisées en Suisse, l’art de la rencontre cultivé pendant des décennies par une radio associative dans le nord de la France ; sans oublier des initiatives citoyennes pour plus de mixité sociale dans les villes et quartiers, pour des vacances qui dérangent les idées reçues, etc. Qui a dit que les dérapages identitaires meurtriers auraient forcément le dernier mot ?